dimanche 31 mars 2024

Dépossédés

Monsieur le maire de la commune et ses policiers municipaux faisaient grincer le portillon d'entrée rongé par la rouille sur leurs passages. 
C'était au mois d'octobre, la petite allée cailloutée qui menait au porche était complètement recouverte par les feuilles mortes des arbres.
La sonnette ne fonctionnait plus, d'ailleurs l'électricité avait été coupée et les derniers résidents n'avaient visiblement pas jugé utile de prendre un contrat chez EDF.
À la place et pour justifier la légitimité de leurs occupations illégales, ils avaient tout simplement commandé des pizzas en prenant soin de garder la facture de livraison. (Dormez bien sur vos deux oreilles, citoyen français, les lois sont là pour favoriser l'insertion des délinquants, pas pour protegez les innocents.)
Sans prendre la peine de toquer, les forces de l'ordre décidèrent d'enfoncer la porte. 
Un des agents de police en tête de file manqua de tomber par terre sous le poids et l'élan de ses collègues.
Étrangement, la porte n'était même pas verrouillée. Les hommes en uniformes étaient loin d'être au bout de leurs surprises.
Pour tout vous dire, ils s'attendaient à plus de résistances pour cette expulsion et pour causes ce n'était pas la première fois qu'ils avaient à faire à cette famille de Roms. En rentrant dans la vieille bâtisse, ce n'est pas la décoration rustique et d'époque ni le mobilier saccagé par les parasites itinérants qui interpellèrent les autorités, mais bien l'absence de ceux-ci (ces derniers).
La famille Furdui semblait avoir quitter les lieux précipitamment, laissant derrière eux nombre d'objets volés comme des sacs à mains et téléphones de toutes marques, des portefeuilles et des cartes bancaires qui n'étaient évidement pas a leurs noms.
Ces derniers étaient plutôt connus pour leurs ténacités et n'avait pas l'habitude de faire ce qui leurs étaient demandé, ils vivaient selon leurs propres lois.
Les propriétaires des lieux, un couple de personnes âgées hospitalisées depuis des mois, ce sont leurs enfants qui étaient présents pour l'expulsion.
Et quel fut leurs chagrins (colère) de retrouver leur maison familiale ainsi saccagée.
Dans le salon en guise de chauffage, un feu avait été allumé avec certains meubles jugés inutiles par les ROMS, le cuivre des canalisations était quant à lui arraché. Les enfants des propriétaires finirent d'être écoeurés lorsqu'ils retrouvèrent parmi les bris de verres des cadres brisés, leurs photos souvenirs de familles abimées, déchirées et parfois même altérées par des griboulliages obscènes ou irrespectueux.
L'état de santé de leurs parents s'étant d'avantages dégradés, plongés dans un coma artificiel et sans certitude aucune que ceux-ci puissent revenir un jour dans leurs maisons, les enfants complètement dépités par les événements décidèrent de mettre à vendre la demeure familiale.
Pour se faire, ils devaient avant (cela) procéder à quelques travaux d'assainissement et de rénovation.
La semaine suivante, des ouvriers étaient déjà à l'oeuvre.
Durant sa pause déjeuner, un employé peu respectueux a trouvé amusant (cru intelligent) d'uriner sur les bacs à géraniums et tirer au pistolet à clou sur le chat du voisin qui errait dans le jardin. Satisfait de lui même avec un rictus en coin qui lui permettait de maintenir sa cigarette allumée, il retourna à sa tache dans la maison. Alors qu'il repeignait en blanc un mur du salon, une goute de peinture noire puis une autre tomba sur son front et le sortit de sa concentration.
C'est ainsi qu'il leva la tête et remarqua que des traces noires - semblable à des empreintes de pieds et de mains - maculaient le plafond.
Aveuglé par le liquide sombre qui recouvrait maintenant son visage, il chuta de son escabeau.
Quelques heures plus tard, ses collègues l'ont retrouvé prostré dans un placard, le bougre était tellement terrorisé qu'il s'était fait (pissé et chié) dessus.
L'incident suspendit le chantier, laissant une nouvelle fois la demeure inoccupée et dans un état d'insalubrité préoccupant.
Difficile d'imaginer en l'état que cette maison hantée avait autrefois été un havre de paix, surtout pour de futurs acheteurs et agents immobiliers sauf pour des anarchos autonomes, autrement dit : des puent-la-pisse.
À bord de leur camionnette, nos jeunes gauchistes faisaient du repérage dans les quartiers résidentiels à la recherche d'un bien d'exception. Une maison avec jardin, 4 chambres et 2 salles de bains si possible, un grand garage pour pouvoir y garer leurs véhicules en toute discrétion. Ben oui, ce n'est pas parce que c'est gratuit qu'il ne faut pas avoir d'exigence.
Après tout, il est question ici de gens qui bien qu'étant pour la plupart enfants de petits bourgeois n'ont aucun scrupule à vivre aux crochets de la société qu'ils méprisent tant (en se faisant attribuer toutes les aides sociales possibles).
La fourgonnette qui roulait à faible allure avec les phares éteints finit par s'arrêter devant la vieille bâtisse.
En prenant un instant pour observer la scène d'un autre oeil, on pourrait confondre ces trois individus tout de noir vêtus qui s'apprêtent à forcer la serrure de la porte d'entrée avec des cambrioleurs. Attention, ne vous m'éprenez pas, eux sont pires.
Non seulement ils pillent les maisons, mais surtout ils s'y installent. Ce sont des squatteurs, des parasites sociaux.
Comme les ROMS, les notions de propriété individuelle, héritage et dur labeur leur sont complètement étrangères.
Il en est de même pour toutes sortes de principes et valeurs comme le respect d'autrui ou encore l'hygiène corporelle.
Si on devait reconnaitre une seule qualité à nos anarchistes, ce serait bien le sens de la débrouille, car il faut l'admettre que de ce côté-là, ils ont un certain talent. Bien sûr, ils ne rénoveront pas votre habitation, ni ne feront de petits travaux de rafraichissement comme la peinture ou les joints de votre salle de bain, faut pas déconner hein. Et je n'irais pas jusqu'à dire qu'en prenant possession des lieux ils ont nettoyé la maison du sol au plafond, mais ils avaient au moins débarrassé les gravats qui restaient du chantier.
À cette époque, avant que la loi Elan ne viennent corriger cette ineptie (hérésie), les marginaux anarchistes - qui par définition n'obéisse à rien ni personne et se revendique sans loi ni maitre - revendiquaient systématiquement l'application de la trêve hivernale (valable aussi bien pour les mauvais payeurs que les squatteurs) leurs garantissant sérénité (ou une certaine tranquillité) du début novembre à la fin mars.
Justement pour fêter ça, "leurs crémaillères" et à la fois Halloween, ils organisèrent une petite fête costumée le soir du 31 octobre.
De nombreux potes à eux répondirent présents et tous jouèrent le jeu du déguisement.
Ce qui parfois - l'alcool et la drogue aidant - donner du mal à notre trio de squatteur pour reconnaitre ses invités. 
N'est-ce pas comme ça que l'on sait qu'un carnaval (mascarade) est réussi ?
Pour Morgan, toutes les occasions sont bonnes pour se travestir et c'est sans surprise qu'ul s'était grimé en "Clara Morgane", quant à Marie elle était en vierge Marie et Damien en Barney Stinson de la série tv How I Met Your Mother comme ça il pourra se balader avec un verre plein à la main toute la soirée et ainsi son alcoolisme passera pour un simple accessoire. Cela lui permet aussi de remettre son seul costume, il y a fort à parier que la dernière fois qu'il l'a porté c'était pour tout sauf un entretien d'embauche.
Quoi qu'il en soit avec sa mine de déterré (il a 30 ans, mais en fait pratiquement 50), bouffie et rougeot avec une calvitie avancée, il ressemblait plus à la dépouille de Charles Bukowski que l'on aurait enterré avec un verre de scotch.
La soirée battait son plein, l'alcool coulait à flots et les joints se passaient de mains en mains (tournaient bien) sauf pour Damien qui se baladait avec son verre à la main en disant à qui voulait l'entendre que c'était de l'eau et non de vodka. Il se justifiait en expliquant qu'il avait arrêté de boire depuis 2 mois.
Un Morgan survolté proposa à ses convives de passer au niveau supérieur en leurs distribuant des pilules, ce à quoi une Marie joviale surenchéri en suggérant qu'il serait très amusant d'appeler les esprits. La jeune femme en clin avec son costume à un maximum de blasphème semblait oublier que dans quelques heures, le lendemain, le 1er novembre, était célébrée la fête des morts.
Alors que les lumières avaient été précautionneseument éteintes à l'exception du lustre qui surplombait la table ronde ou ils étaient à présent tous installés, la séance de spiritisme commença, mais fut interrompue par l'arrivée d'un nouvel invité.
Dans le contre-jour de la lumière extérieure, il se tenait là, sur le pas de la porte, affublé seulement d'un grand drap blanc sur lesquels il avait dessiné une bouche et deux yeux noirs, il se contenta de prononcer "un BOO-soir" qui déclencha un peu trop facilement l'hilarité générale.
S'ils n'étaient pas tous déjà complètement souls et drogué dés le début de la soirée, ils auraient peut être remarqué qu'aucun pied ne dépassait en bas du drap qui recouvraient leur drôle d'invité.
C'était de loin le déguisement qui avait eu le plus de succès au cours de la soirée, pourtant ils n'avaient pas réussi à identifier qui se cachait dessous ni sa voix ni sa démarche.
Damien prétexta aller en cuisine lui chercher une bière fraiche et en profita pour s'éclipser dans la cuisine. Il murmura un "que la fête commence" au sens des plus cyniques surtout quand on le connaissait bien.
Ce qu'il détestait par-dessus tout, c'est d'être le moins bourré de la bande, celui qui passe la soirée presque sobre à regarder les autres s'amuser.
Morgan se rapprocha en faisant dépasser volontairement son sexe de sa mini-jupe tandis que Marie qui ne portait visiblement aucune lingerie sous sa soutane en fit la démonstration devant le fantôme. Ce dernier leur répondit en mimant un pénis qui pointait à travers le drap tendu. 
Tous rirent aux éclats, sans même se demander comment leur invité avait pu faire ça sans l'aide d'un troisième bras.
Pour deviner qui se cachait dessous ce déguisement, Morgan et Marie enjaillés par leurs derniers verres (à moins que ce ne soit la MD qui commençait à faire effet) décidèrent de se lancer dans une partie de Strip Poker.
Pendant ce temps dans la cuisine, Damien descendait d'une seule et longue gorgée une bouteille qu'il avait planquée dans le double fond d'un placard sous l'évier en cas de nouvelle crise. Sachez que toute personne qui a une addiction, quelle qu'elle soit, aura toujours une cachette secrète, un dispositif de secours, en l'occurrence pour lui c'était une bouteille de (chercher une bouteille avec un taux d'alcool le plus fort et mauvaise au gout)
Pour les amateurs d'alcool, cette bouteille est ignoble, mais gardez à l'esprit qu'être alcoolique ne fait pas de vous un sommelier.
Revenons à notre partie de strip-poker.
Les cartes distribuées, les premières donnes ont dissuadé ceux qui ne pouvaient pas suivre et qui préféraient ne pas se mouiller.
C'est ainsi que Marie se retrouva en face à face avec son mystérieux invité, a miser et surenchérir jusqu'à faire tapis.
Difficile de savoir si son adversaire bluffe ou pas quand celui-ci se cache derrière un déguisement.
Le moment de montrer les cartes enfin venu, le fantôme abattit les siennes avec un petit rire grave et inquiétant.
6 de coeurs, 6 de trèfles, 6 de piques, 6 de carreaux.
À son tour Marie posa ses cartes sur la table.
Valet, Reine, Roi, As, tout en coeur.
Bon perdant, le fantôme souleva alors le drap qui le recouvrait et disparu subitement dans un rire sonore résonant dans toute la maison.
Les autres joueurs se regardèrent circonspects puis éclatèrent de rire à nouveau.
Ailleurs, loin de toute cette agitation juvénile, dans cet hôpital ou l'on peut côtoyer la mort à chaque couloir, deux âmes en peine refusaient leurs sorts, renonçaient de laisser les parasites qu'ils soient sociaux ou médicaux s'emparer d'eux et de tout ce qu'ils avaient mis une vie à construire. 
Et plus leurs états de santé se dégradaient, plus leur maison se détériorait, nul doute que le destin de Françis et Jeannette Lemarchand était étroitement lié à leur demeure.
La moisissure gagnait peu à peu l'ensemble de la maison, elle avait commencé par quelques taches d'humidités aux angles de certaines pièces et avait fini par s'étendre du sous-sol au grenier. L'intérieur des murs avait pourri jusqu'à en décoller le papier peint de certains.
Au plafond, les craquelures de peinture semblaient s'agrandir avec les vibrations du vent comme une fissure dans la glace, autant de passage pour les cafards qui se faufilaient partout. Les insectes avaient pris possession des lieux et en avaient fait un cercueil.
Difficile d'imaginer la famille Lemarchand vivant autrefois dans cette demeure, avec le père Francis qui bricolait toutes sortes de choses, sa femme Janine affairée au ménage balayant tout ce qui lui passait sous le plumeau tandis qu'un bon petit plat mijotait dans la cuisine et que les enfants jouaient dans le jardin ou plutôt Victor embêtait une fois de plus sa petite soeur Margaux.
Au lieu de ça, tout était délaissé et à l'abandon désormais.
L'embrasure des fenêtres par lesquelles le vent s'engouffrait comme autant de murmures réveilla Damien qui était allongé dans le canapé.
"Bad trip, hallucination ou délire comateux ? Quelle différence?^^" se demanda Damien en se frottant les yeux. Le doute s'immisça un peu plus dans son esprit quand il réalisa que le drap blanc du fantôme de son rêve lui servait de couverture de fortune. Il regarda autour de lui et constata que la musique continuait de jouer bien que tous les invités soient partis.
"Peu importe, cela ne va pas m'empêcher de m'amuser tout seul" conclut-il en se dirigeant vers la table du salon ou trônaient encore des verres à moitié pleins.
Damien les but les uns après les autres, il n'essayait même pas d'en deviner le contenu, tout ce qu'il cherchait c'était l'ébriété.
Comme disait le proverbe "peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse".
À la manière de ces boulimiques qui mange tout ce qui leur passe sous la main, l'alcoolisme pouvait parfois se manifester de la même manière.
Bien que l'une concerne les liquides et l'autre les aliments, ces deux maladies sont similaires à bien des égards.
Si un mélange de plusieurs fonds de bouteille est appelé communément "un cimetière (ou cercueil à vérifier)" alors cela devait faire de Damien "Un profanateur de sépulture, un fossoyeur".
Et alors que tous les verres et bouteilles étaient vides, sans même lui procurer un frisson de dégout ou un signe d'ivresse, il remarqua cette bouteille sans étiquette au centre de la table. Elle était là, à attendre que quelqu'un veuille la boire, pleine et pas encore ouverte, son liquide brunâtre et épais laisser présager une forte concentration d'alcool.
Du coin de l'oeil il aperçu une silhouette dans l'obscurité et manqua de sursauter.
"Qui êtes-vous?" demanda le squatteur.
"Un ancien locataire." Lui répondit un vieil homme moustachu au dos courbé et coiffé d'un béret en s'avançant vers lui.
"Je pense que tu vas avoir besoin de ça" lança-t-il en lui tendant un tire-bouchon.
Damien s'en saisit et enleva le bouchon de la bouteille. 
"Ce bruit ne t'en rappelle pas un autre mon garçon ?" le vieux monsieur à la bonhommie bien franchouillarde lui mima avec ses doigts une pénétration sexuelle avant de poursuivre "C'est ce que je me disais, ça fait un bon moment que tu ne l'as pas entendu celui-là!"
"Bois mon garçon! Bois!" s"exclaffe le fantôme en donnant une tape amicale dans le dos du jeune homme.
Damien porte le goulot à sa bouche, et descend d'une longue traite la bouteille.
"Tu sais, tous les alcooliques boivent pour oublier un parent abusif, une femme infidèle, des problèmes d'argent ou d'érection comme toi, Damien. Bien sûr, cela ne résoudra pas ton impuissance, cela les aggravera certainement, mais au moins tu n'y penseras plus."
Le spectre regarda ses propres entrejambes et fit claquer les bretelles qui maintenaient son pantalon comme pour illustrer son propos.
Subitement (sans mauvais jeu de mots), Damien se sentit mal, a tels points qu'il dut se précipiter aux toilettes pour ne pas vomir dans le salon.
La tête plongée dans la cuvette, on aurait cru qu'il régurgitait en continu tout ce qu'il avait ingéré depuis son dernier repas de Noël.
De sa bouche s'écoulait cette bile noire, aussi épaisse qu'odorante semblable à du goudron ou de la peinture industrielle.
Les spasmes s'accéléraient à un point ou Damien ne parvenait même plus à respirer entre chaque réjections. Il se noyait littéralement dans son vomi.
Et alors que le squatteur suffoquait une ultime fois, le fantôme se pencha sur sa dépouille pour l'accabler d'une dernière répartie : "Voilà, jeune homme, considère à présent que tous tes problèmes sont résolus."
Dehors, les clapotis de la pluie. La chambre s'éclairait subitement à chaque fois que la foudre frappait avant de replonger aussitôt dans les ténèbres.
Le tonnerre grondait, mais ne pouvait camoufler les vomissements agonisants de Damien.
Marie qui essayait de dormir avait la triste habitude d'entendre cela, à tel point qu'elle n'y prêtait même plus attention.
Non, ce qui l'empêchait de trouver le sommeil c'était quelque chose à l'intérieur d'elle, un traumatisme qu'elle essayait d'oublier.
Plusieurs mois en arrière, Marie et ses deux amis vivaient dans un autre squat non loin d'ici. 
La raison qui les avait poussés à quitter les lieux n'était pas une énième expulsion comme l'on pourrait le penser, mais plutôt un événement que nos adeptes du vivre ensemble n'avait pas anticipé. Peut être que dans leurs mondes imaginaires peuplés de lutins asexués chevauchant des licornes ce qui est arrivé à Marie reste inconcevable...ou peut être pas, dans celui-ci en tout cas, ils partageaient leur lieu de vie avec des migrants africains.
Exclusivement des hommes, contrairement à ce qui est parfois avancé par les journalistes, ces gens ne fuient pas la guerre.
Bien souvent, ils laissent femmes et enfants derrière eux, ce ne sont rien d'autre que des réfugiés économiques. 
Et bref, un soir lors d'une petite fête un peu trop arrosée, Marie se montra des plus entreprenante avec l'un d'entre eux et invita ce dernier à le rejoindre dans sa chambre, une fois leurs affaires fini, c'est un autre africain qui se glissa...qui prit le relai sans consulter la principale intéressée.
Comment en vouloir à ces pauvres étrangers qui n'ont pas les codes sociaux culturels de ce pays inhospitalier? Interrogeons-nous un instant sur ce que peut signifier le consentement pour des victimes de l'histoire, des descendants d'esclaves. 
Marie était en proie au doute, dans son esprit un vrai conflit idéologique la déchiré, son féminisme acerbe venait se confronter à son antiracisme angélique.
La jeune femme ne pouvait tout de même pas se résoudre à demander de l'aide à la police qu'elle détestait par-dessous tout, alors elle préféra quitter le squat avec le courage de ses convictions.
Au-dessus d'elle, une grosse goute se forma, grossit puis tomba jusqu'à s'écraser sur son front et rouler sur sa joue comme le ferais une larme.
Baigné dans cette semi-obscurité, difficile pour elle de discerner si cette tache au plafond était de la crasse (pourriture/moisissure) ou une ombre.
Allongé, là, dans ce lit, les yeux fixés sur cette tache au plafond qui ne cesse de croitre, souillant le blanc immaculé de la peinture, Marie n'avait même pas remarqué la présence du fantôme de Janine Lemarchand, la propriétaire des lieux qui flottait au-dessus d'elle l'oreille collée contre son ventre puis se fondit en elle.
"Bientôt, tout le monde connaitra ton horrible secret...tu ne pourras plus le cacher, ton gros ventre." Murmura une voix étrangère dans sa tête.
Dans l'obscurité totale, la jeune femme vit des yeux humains et des sourires malsains éclore un peu partout sur les murs.
Marie se demanda alors si elle n'était pas en train de devenir folle à cause de la drogue.
Elle se leva pour allumer la lampe d'appoint à l'autre bout de sa chambre.
La lumière était faible, mais suffisante pour la rassurer, les yeux et les sourires s'étaient refermés, mais maintenant l'ombre s'était muée en des vingtaines de mains qui venaient des quatre coins de la pièce et se rapprochaient de Marie.
La voix de la vieille dame résonna une nouvelle fois dans sa tête : "Tu es pas trop du genre vierge Marie, je dirais que t'es plutôt une Marie-couche-toi-là! La vérité c'est que t'es une souillon, une petite salope aguicheuse. Quand y en a pour un, y en a pour deux ma chérie, je dirais même trois maintenant."
Sortant de l'obscurité, les mains noires essayaient de toucher et attraper la squatteuse, celle-ci recula brusquement pour échapper à leurs emprises et fit tomber la lampe par terre.
La luminosité de la pièce changea à nouveau et devint plus sombre, Marie se recroquevilla sur son matelas le regard figé sur la petite zone encore éclairée de la pièce.
Un doigt de l'ombre bougeait à mesure que l'ampoule affaiblie tremblait, comme si l'esprit malin jouait à une partie macabre de "1,2,3 soleil".
Soudain, la lumière cessa et toutes les mains s'emparèrent du corps de Marie, arrachant ses vêtements par des attouchements sexuels.
La dernière chose que vit la jeune femme, était une main qui se posa violemment sur sa bouche pour étouffer ses cris avant de se voir littéralement tirée dans le matelas devenu une sorte de portail vers l'au-delà.
La tempête faisait remonter une odeur tellement nauséabonde des canalisations que l'on aurait pu facilement croire que les cadavres de générations et générations d'ancêtres de la famille lemarchand venaient d'être exhumer par les coulées de boue du jardin.
Morgan qui était penché au-dessus de l'évier de la salle de bain se demandait également ce qui pouvait puer ainsi.
Devant le miroir "iel" se contemplait dans son costume de "Clara Morgane".
Malgré sa perruque, ses sourcils épilés, la couche épaisse de maquillage et ses ombrages en trompe-l'oeil quelque chose clochait pour Morgan, il ne se sentait pas encore assez femme.
Le travesti inspectait son rouge à lèvres quand le fantôme de Françis Lemarchand se fondit dans son corps, affublant ainsi le squatteur transgenre d'une barbe, une moustache et de sourcils épais. Le spectre du propriétaire joua avec le reflet de Morgan un instant avant de prendre l'apparence du père de celui-ci et de déclarer :"ton père avait toujours voulu d'une fille, c'est pour ça qu'il ne s'intéressait jamais à toi. Avant il t'ignorait, maintenant tu lui fais carrément honte."
"Vous n'êtes pas..." répliqua Morgan et au fantôme de le couper en disant : "toi, non plus. Regarde, toi!"
De rage iel donna un coup de tête dans le miroir et le fit voler en éclat.
"Tu pourras faire autant d'opérations que tu veux, avec ton 1m92 pour tes 134 kilos, ta pomme d'Adam, ta pointure 51 et de tes mains de maçon...personne ne te prendra jamais pour une femme, voyons!" 
Le transgenre se saisit d'un morceau de verre tranchant et commença à découper son sexe masculin.
À la limite de l'évanouissement, Morgan tenait du bout des doigts l'appendice génital quasi atrophié par les traitements hormonaux et le jeta dans la baignoire.
Laissant sur son passage une coulée de sang, l'eunuque tituba dans le couloir en implorant de l'aide avec sa voix de fausset.
Morgan tapa à la porte de la chambre de Marie sans obtenir de réponse de sa part puis se traina jusqu'au rez-de-chaussée et là, dans les toilettes, il découvrit avec horreur le corps inanimé de Damien noyé dans une flaque noirâtre.
L'eunuque qui tenait une serviette entre ses jambes (pour tenter de contenir l'hémorragie) essaya d'ouvrir la porte d'entrée, mais sentant que celle-ci lui résistait (elle était verrouillée de l'extérieur), lâcha son point de pression pour s'aider des deux mains sans se douter que cela lui serait fatal.
Le squatteur vacilla, ses tripes se déversèrent sur le seuil et le couple de fantômes se pencha au-dessus de lui.
Avant qu'il ne perde connaissance, Morgan entendit Lemarchand faire à sa femme :"ça, Janine, c'est ce que j'appelle une belle descente de m'organe".
Quelques jours plus tard, un vieux photographe libidineux venu au prétexte (la jeune femme qui l'accompagnait avait refusé de se mettre nue dans une ambiance "boudoir") d'une séance photo d'exploration urbaine (appelé aussi "URBEX" par les connaisseurs) s'arrêta devant la demeure des feux Lemarchand.
L'homme observa un instant la maison abandonnée et franchit la clôture, malgré le petit panneau d'avertissement qui lui signalé une propriété privée à ses risques et périls.
Aurélie dont c'était la première expérience en tant que modèle attendait au portillon en grelottant, il faut dire qu'elle était en lingerie sous son long manteau.
Tout semblait indiquer que la bâtisse était inhabitée à l'exception de deux choses : la porte semblait fermée de l'intérieur, pas de poignet ni de serrure à l'extérieur, elle était condamnée. En regardant par la fenêtre, il constata qu'il n'y avait pas de poussière, comme si le ménage venait d'y être fait.
Ce qu'il ne savait pas c'est que peu de temps avant, les cadavres des précédents squatteurs avaient été jetés dans la fausse sceptique et la maison nettoyée par le couple de fantômes.
Naturellement, tout ceci intrigua notre photographe qui fit signe à sa modèle de le rejoindre.
L'homme brisa le carreau à l'aide d'une pierre et s'introduit dans l'habitation.
En entrant, ce qui les frappa c'était les inscriptions d'une couleur rouge sombre peintes sur les murs : "Creve hivernale, Treve infernale"; "Anarcho-aufantome" ; "Morts aux dégénéré.e.s"; "Esprits conservateurs".
Avec son appareil photo il prit quelques clichés de ce qu'il considérait ni plus ni moins comme d'étranges graffitis.
Sur le petit écran de celui-ci, il observa le rendu et remarqua en faisant défiler les images qu'une silhouette inquiétante s'avançait jusqu'à l'objectif.
Effrayé, il lâcha son appareil photo qui vint s'écraser sur le sol et prit la fuite comme il était venu sous une rafale de flash.

Tout cela aurait pu finir autrement. Pourtant on le dit et on ne cessera de le répéter : il ne faut jamais mettre en colère des esprits malins.
Il est vrai que la méthode choisit est plutôt radicale, nos fantômes auraient tout aussi bien su se contenter de jouer avec leurs indésirables...un peu de possession de temps à autre histoire de pousser ses "hôtes" à faire des choses qu'ils leurs sont contre nature comme un shampoing, un bain ou un entretient d'embauche; une porte qui claque par ci; un cri strident par là; quelques pièges dans la maison; cacher la télécommande de la télé; les enfermés dehors ou encore essayer cette fameuse technique réputée pour son efficacité qui consiste a dissimulé des crevettes dans les tringles à rideau et autres endroits insolites. À la longue avec la chaleur, les bestioles pourrissent et dégagent une odeur pestilancielle. Le hic, c'est que ce genre de manoeuvre ne fonctionne pas avec certain, surtout quand il s'agit comme ici, de squatteurs crado à l'hygiène douteuse qui n'ont que faire des mauvaises odeurs. Ils ne l'auraient probablement même pas remarquer.

vendredi 1 mars 2024

Sourire figé


Je suis sûr qu'elle peut m'entendre, d'une caresse je glisse une de ses mèches de cheveux derrière son oreille.
Il y a des personnes avec qui vous avez un lien si fort qu'elles pourraient bien se trouver à l'autre bout de la planète que vous auriez toujours l'impression d'être aussi proche.
Comme si vous communiquiez par la pensée. Ceux qui ont perdu ou connu quelqu'un qui était dans le coma savent de quoi je parle.
J'enserre sa main avec les miennes pour la réchauffer et lui murmure "mon amour, c'est l'heure du bain" au creux de l'oreille.
Parce qu'elle ne peut pas bouger c'est moi qui doit m'occuper de sa toilette.
Je pose le bouchon au fond de la baignoire et y fait couler l'eau jusqu'à ce quelle soit chaude et suffisamment remplie puis reviens vers ma femme.
Non sans difficulté, je la porte jusqu'à la baignoire et la dépose délicatement.
D'une main je fait ruisseler l'eau sur ces cuisses.
Je trempe le gant (ou la fleur de douche) dans la mousse et le fait glisser sur sa peau, sur son cou et sa nuque, sa poitrine et ses épaules, son ventre et son sexe.
Tout en tendresse, je la caresse, mon doigt se hasardant sur ses lèvres et son clitoris sans qu'elle ne réagisse, ni consentement, ni révulsion.
Alors, je remonte l’éponge sur ses bras et son dos.
Ensuite je fait basculer sa tête en arrière, me saisit du pommeau de douche et arrose ses cheveux.
Je masse son crane lentement avec le shampoing et toujours aucune réponse à mes différent stimulus, même pas un frémissement ou un spasme nerveux. Rien.
C'est en soulevant ses cheveux pour dégager sa nuque que je remarque avec horreur une tache sombre sur sa peau, une sorte de champignon ou de moisissure, une nécrose.
Je pourrais me faire aider...enfin c'est ce qu'ils me diraient, mais si ils savaient, les gens ne comprendraient pas, ils trouveraient tout cela malsain.
Ils me jugeraient, on me ferait interner sans hésiter, peut être même jeter en prison. Devenu un sordide fait divers dans la presse, j'inspirerais certainement le cinéma.
Or, je ne suis pas le Norman Bates du film de Hitchcock.

Une fois rincé et séché, il est maintenant temps de l'habiller.
Qu'est ce que je vais bien pouvoir te mettre aujourd'hui?...Commençons par les dessous. Regardons ce que tu as en lingerie.
Après tout, ce n'est pas parce que tu es...disons que ta condition ne t’empêche pas d'être coquette.
Tandis que je t'enfile un soutien gorge, je me fais cette réflexion : "ça a toujours été plus simple pour moi que de te l'enlever."
Ensuite c'est ton string que je passe sur tes jambes et fait remonter jusqu'à ton sexe imberbe.
Cette vulve sans poils ni trace de repousse, avec ses fines lèvres rosées lui donnerait presque des airs immaculés.
Je lui préfère une jupe à un pantalon, et puis c'est pas comme si elle allait avoir la chair de poule.
En haut? Ce ne sera pas un décolleté pour autant. Non, je trouve que ça fait trop vulgaire.
Quel paradoxe me direz-vous et je vous répondrais par l'argumentaire suivant : sachez que pour moi la lingerie c'est intime, ce n'est réservé qu'à moi et moi seul.
Alors si elle porte un décolleté ce sera accessible à tous.
C'est pour cela que je préfère la voir avec un pull à col roulé...mais bien moulant pour que ce soit sexy!
Par contre pour lui faire enfilé je dois avouer que c'est plutôt compliqué avec la rigidité.
Concernant les chaussures je ne lui en met pas, c'est trop difficile et puis c'est pas comme si elle allait s'en servir pour marcher.

Maintenant, je passe à la coiffure, on va d'abord sécher les cheveux avant de les brosser. Cela abime moins les cheveux et ça les garde plus propres plus longtemps.
J'invente rien, je l'ai lu dans un cosmo!
Et là, je vois de grosse touffes tomber à chaque coups de peigne.
Sa tignasse se clairsème à vue d’œil si bien que l'on croirait maintenant voir le crane d'une femme âgée.
Je ne sais plus quoi faire et j'ai peur d’aggraver un peu plus la situation en tentant encore quoi que ce soit.
Alors je passe au maquillage, de toute manière elle ne verra pas le haut de son crane si je ne lui montre pas.
Par contre son visage face au miroir elle ne pourra pas le louper.
Sa peau est lisse et bien rosé, sans aspérité, je n'ai pas besoin de lui appliquer du fond de teint ou de la poudre.
Un peu de far à paupière, de crayon ou d'eyeliner et elle aura presque à nouveau forme humaine.
Quand je me penche sur son visage pour lui mettre du crayon, elle tourne de l’œil, il se révulse littéralement.
Une fois fini, ses deux yeux restent bloqué dans cette position, laissant uniquement entrevoir le blanc de son globe oculaire.
Je la secoue à plusieurs reprise mais son regard reste tel quel. Avant il était sans vie, aujourd'hui on dirait celui d'un zombie.
Ce n'est juste qu'une poupée, réaliste c'est vrai, mais pas plus vivante qu'un objet.
Elle ne remplacera jamais ma femme, celle avec qui j'ai partagé 22 ans de mariage.
On fait des trucs drôlement étrange quand on est pas bien.
Pour mon deuil, ma psy voyant que je n'arrivais plus à dormir dans mon propre lit depuis, m'a conseillé une thérapie de substitution.
Autrement dit, prendre une poupée gonflable pour combler l'absence physique de ma femme, faire illusion.
Et c'est vrai que pendant un temps, ça à marché. Je retrouvais le sommeil et l’appétit.

Pendant ces dernières années, ma femme était très malade.
Sa santé déclinante la rendait totalement dépendante des autres, surtout de moi.
J'avoue que malgré les difficultés que cela occasionnait, j'aimais m'occuper d'elle.
A son chevet je me sentais utile.
Être dévoué à ma femme était la plus belle preuve d'amour que je pouvais lui donner.
Ça va vous paraitre bizarre et certainement un peu machiste si je vous dis que j'appréciais de l'avoir sous mon contrôle, ou plutôt ma protection.
Je sais aussi que pour certain tout cela leur parait insensé, c'est un peu comme si je prenais un chien après avoir perdu mon enfant et d'un coté vous avez pas vraiment tord.
Quoiqu'il en soit, j'ai beau avoir substitué ma femme à une poupée, le même problème fini toujours par revenir.
La mort me poursuit alors je la fuit. Si cela a marché une fois, je peux peut être la tromper encore une fois?
Partagé par l'envie et la culpabilité qui me rongent, je parcoure l'avenue Pigalle et ses devantures aguichantes.
Non pas comme un gosse devant un magasin de jouet mais plus comme un adolescent en pleine puberté devant les vitrines à prostitués d'Amsterdam.
Il y en aurait bien une ou deux qui m’aie tapé dans l’œil, malheureusement si j'avais le ticket, je l'ai égaré, impossible de me la faire ni échangé ni remboursé.
Quant à la garantie, il n'y en a pas pour les aléas de la vie, rien ne vous en prémuni.
Hélas, bien au contraire, je ne suis ni échangiste, ni libertin, je suis malgré moi fidèle à mon chagrin.

mercredi 14 février 2024

Tous les mêmes


"Thomas" ne pouvait s'en empêcher.
Fallait voir, comment il se comportait sans sa femme pour comprendre, qu'il était un monstre en laisse quand il était avec elle. Être infidèle était sa manière bien à lui d'échapper à l'ennui d'une vie bien rangée : marié depuis plus de 20 ans avec la même femme avec laquelle il avait 2 enfants maintenant adolescents, une maison, 2 voitures et 1 chien. En février des vacances enneigés dans les Pyrénées et en juillet un séjour à l'étranger. Entre ces deux périodes, il fallait combler. Son travail, pour lui, manquait d’intérêt depuis qu'il était affecté au poste de directeur. Il n'y avait plus d'objectif, maintenant qu'il avait atteint le sommet. Cette pensée aurait pu donner le vertige à quelqu'un de moins orgueilleux et de plus mesuré, mais ce n'était pas le cas de Thomas. À ce propos, Thomas c'était comme ça qu'il se faisait appeler sur les sites et applications de rencontre, mais son vrai prénom était Laurent.

Bien que ce soit son visage sur les photos de son profil, il empruntait pour son pseudo le prénom de son meilleur ami, adjoint et confident. Laurent donc, avait l'art de se mettre dans des situations compliquées. Il vous le concéderait lui même, s’il faisait tout ça, ce n'était pas tellement pour le sexe.
Mais plus pour l'adrénaline que la situation lui provoquait, ce petit frisson qui fait accélérer son pouls, redonne une pulsation de vie à son cœur qu'il croyait presque mort. En plus de son gout du risque, il avait aussi un penchant pour les belles femmes et il savait que pour les appâter il fallait employer les grands moyens. Il le savait, avec elles, dire la vérité ne l'aiderait pas à obtenir ce qu'il veut. Des hommes prêts à les satisfaire formaient déjà une file d'attente. Ces femmes, bien que célibataires, ne sont pas pour autant désespérées. Ce n'était pas aussi facile que quand il était ados, ou il suffisait de sortir un beau discours voir même un "je t'aime" pour emballer. Il lui fallait sortir le grand jeu pour la convaincre. Le problème c'est qu'une fois qu'il a tout fait pour l'avoir, qu'il l'obtient enfin ce qu'il désire, il s'en désintéresse. Entre-temps la femme tant convoitée a fini par s'amouracher, elle devient envahissante et parfois imprévisible. Certaines se mettent à l'appeler chez lui, d'autres à passer à l'improviste à son boulot pour lui faire une "surprise". À partir de là, nécessairement il doit s'en débarrasser. Vous l'aurez compris la franchise n'étant pas son fort et au vu du risque que comporte la vérité, il préfère élaborer des stratagèmes de dissuasion voir de dégouts.

Par le passé, il avait déjà essayé la méthode de l'enfant autiste serial killer en devenir. Alors qu'il recevait un énième appel inopportun de sa conquête, il improvisa une situation au téléphone.
"Oh non tu m'as encore ramené un oiseau mort!" lança-t-il à haute voix hors du combiné. De l'autre côté du téléphone, la femme devait surement croire qu'il s'adressait à son chat jusqu'à ce qu'elle demande curieuse "Tu ne m'avais pas dit que tu avais un animal de compagnie?".
Et à lui de répondre "Heu...non, attends, j’ai un problème avec mon fils! Rappelle-moi plus tard chérie s'il te plait." Bien entendu, elle ne le fit jamais.

Dans le même genre, il inventa une autre supercherie, celui de la femme "handicapée". Pour se débarrasser d'une amante un peu trop collante, il eut l'idée de lui envoyer plusieurs photos de sa femme, dont une qu'il avait prise à Noël dernier. Sur l'image on pouvait voir cette dernière posant avec ses cadeaux où on la voyait assise dans un fauteuil en cuir et portant une paire de chaussons neufs. La maîtresse ne mit pas longtemps à remarquer que sur toutes les photos sa femme était en position assise et que ses chaussures n'étaient jamais usées. Prise de remords, elle ne donna plus de nouvelles à Laurent.

Il avait aussi échafaudé un autre subterfuge, celui-ci était bien plus complexe que les deux précédents, mais diablement efficace. Cela consistait à faire croire à sa liaison qu'il était initialement homosexuel, mais que sa rencontre avec elle le faisait douter. Une fois sa crampe tirée, il retournait sa veste en disant que "finalement c'était une erreur, qu'il avait essayée, mais qu'il ne peut pas lutter au fond de lui même, il le sait, il est gay".

Malgré tous ces précédents, il se retrouvait une nouvelle fois dans cette situation. Pourtant, il avait bien préparé le terrain avec Nathalie. La tactique qu'il avait élaborée se résumait à mettre l'accent sur la pression familiale suite à une séparation récente avec sa femme. Il expliqua à sa maîtresse comme quoi sa fille à Noël lui aurait dit "Tu sais papa, mon plus beau cadeau serait que tu te remettes avec maman". Et rebelote au Nouvel An, sa gamine lui avait sois disant souhaitée cette même résolution.
S’il y avait bien une chose sur laquelle il ne mentait jamais, c'était sur le fait qu'il soit père de famille, à un certain âge, il le savait, cela n'était que peu crédible.

C'est ça qui avait plu et convaincu à une Nathalie complètement désabusée. Elle qui au début avait cru être tombé sur un queutard de plus jusqu'à ce qu'il lui raconte "sa situation familiale" et "ô combien il faisait passer le bonheur de ses enfants avant toutes choses". Nathalie pensait avoir enfin trouvé cet homme qu'elle recherchait depuis si longtemps. Sans enfant, la quarantenaire avait priorisé sa vie professionnelle à sa vie personnelle au risque de passer à côté de belles rencontres. Mais aujourd’hui, alors qu'elle était déterminée à ne pas laisser filer Laurent, ce dernier quant à lui, avait choisi de mettre un terme à leur relation. Comprenez par là qu'il avait fui lâchement sans explication. L'infidèle n'avait même pas pris la peine de soigner la mise en scène de sa disparition. Il aurait pu laisser un message sur son répondeur en pleine nuit, mais non, il s'était contenté de changer de numéro de téléphone. Enfin techniquement, il avait laissé la carte sim dans un vieux téléphone qu'il gardait éteint. De sorte à ce qu'il ne soit plus joignable, une fois le répondeur plein elle se ferait une raison et sa propre version de la vérité.

Cela faisait maintenant quelque temps que Laurent faisait profil bas où plutôt profil "désactivé" sur les sites de rencontres. Il était redevenu un mari aimant et vertueux, pour un moment seulement.
Les choses commençaient à se tasser et il allait pouvoir se remettre à la recherche de sa future conquête. Il était dans sa période brunette, la précédente Nathalie était rousse et sa femme était blonde. Avant ça, il avait eu des envies plus exotiques...filles de l'Est, asiatiques, africaines et métisses. Mais son obsession du moment était portée sur les brunes aux yeux noirs, les latines.
Bien sur, si une jeunette qui ne correspond pas à sa recherche venait à le liker voir le superliker, il ne bouderait évidement pas son plaisir. Et c'est exactement ce qui se passa. Son nouveau "match" était une petite blonde de l'âge de sa fille.
"Son petit abricot doit être encore tout rose pâle et ferme, je vais n'en faire qu'une bouchée". C'est la petite remarque à voix haute salace qu'il lâcha en parcourant les photos de son profil. À noter qu'il ne se saurait jamais permis de dire cela en parlant de son enfant.

"Bonjour Margaux, Slt Thomas
Comment vas-tu?
sa va et toi
Très bien, je sors du sport à l'instant.
Envoi une photo des tablettes de chocolat, j'ai un petit creu mdr
Tu es très mignonne sur tes photos. Tu as vraiment 21 ans?
oui pk
Je me demandais juste comme ça.
est toi 46 T vieu
Tu trouves?

Non je rigol  tu veu être mon sugar daddy?
Pourquoi pas ahah
Je m'ennui tu fait quoi ce soir
Rien de spécial de prévu et toi?
on peu ce voir si tu veu
Pourquoi pas, tu habites où?
Villejuif
C'est pas loin, je passe te prendre dans une heure si ça te va?
Ok mon num 0645234356
Je t'appelle quand je pars de chez moi bisous
"

"Elle est plutôt directe la gamine, j'aime ça! Reste maintenant à trouver une bonne excuse pour m'absenter. Je sais! Et si je prétextais une alarme déclenchée au bureau? Pour gagner encore plus de temps, je pourrais même justifier cela par l'attente du technicien. Bonne idée Lolo, fait donc ça!" se disait le père de famille en même temps qu'il enfilait une chemise propre. Il annonça à sa femme les raisons de son départ en catastrophe et pris le soin de préciser qu'il ne savait pas combien de temps il s'absenterait avant de franchir le pas de la porte. Dans sa voiture, il se parfuma et piocha un chewing-gum dans une petite boite qu'il porta à sa bouche. Il envoya un message via tinder et se mit en route.
Arrivé à Villejuif, il l'appela et il passa la récupérer à l'angle de rue convenue. "Salut daddy!" lui lança la jeune fille quand il ouvrit la fenêtre une fois arrivé à sa hauteur. L'espace d'un instant, il avait l'impression de faire monter dans sa voiture une jeune prostituée russe et comme si c'était le cas, il prit la direction d'un endroit tranquille de sa connaissance. Cette seule pensée déclencha une réaction dans le bas ventre de Laurent ou plutôt une érection. Elle était là, assise sur le siège passager, les jambes et la poitrine laissée nue par sa robe un peu trop courte et décolletée. Pour éviter de trop focaliser sur la peau aguicheuse de la jeune femme, il engagea la conversation timidement. Il réalisa alors que c'était plus facile sur les réseaux sociaux de discuter avec légèreté. Quelque chose le rendait mal alaise, ce n'était pas sa conscience vis-à-vis de ce qu'il s'apprêtait à faire, non, c'était autre chose.
La jeune femme, lui rappelait vaguement quelqu'un, l'avait-il déjà croisé avant? Mais où ? Elle aurait très bien pu être la fille d'un de ses collaborateurs? Ou bien même celle d'une de ses ex fréquentations sur tinder? Qui sait?!
La réponse ne tarda pas à se faire savoir lorsque la jeune femme reçut un appel pendant le trajet.
"Salut Victoria, c'est Margaux, ça va copine?"
L'énonciation du prénom de sa fille comme étant peut être l'interlocutrice de la jeune femme fit plus qu'attirer son attention, cela lui glaça le sang. Son érection retomba immédiatement. "Dis-moi, je me demandais si demain on avait bien amphi pour la socio à 11h?"
Laurent n'en croyait pas ses oreilles, avait-il bien entendu la  de sa propre fille voix résonner dans le combiné?
"Super bisous ma belle!" fit Margaux en embrassant le combiné avant de raccrocher.
Le père de famille qui conduisait avait du mal à garder son attention sur la route. Il avait envie de planter la voiture dans un mur. Margaux lui tendit le téléphone en lui disant "tiens tu veux dire un truc à ta fille?!"
Le véhicule pila net, Laurent était sidéré par la scène a laquelle il venait d'assister.
"Ne me regarde pas comme ça! J'aurais très bien pu prendre un selfie avec ta bite dans ma bouche et l'envoyer à Vicky!"
"TU N'ES QU'UNE PETITE SALOPE!"
"Dis donc on se calme hein?"
"QU'EST CE QUE TU VEUX?!"
La jeune femme replissa sa robe et sortit une cigarette.
"J'espère que ça ne te dérange pas" dit-elle en allumant une cigarette avant de poursuivre.
"Voilà, je veux que tu m'achètes tout ce qui est inscrit sur cette liste."
Elle lui tendit un petit bout de papier plié en quatre.
"Un sac Michael Kors noir, une paire de Balenciagas ou de louboutin?
Oui, c'est au choix. En taille 40 ?! J'ai de grands pieds et alors! Continue de lire, ce n’est pas fini!"
"Un iphone X rose, une Apple watch avec son bracelet Hermés, un Macbook pro, une carte cadeau victoria secrets, une mallette de maquillage professionnel de chez Mac, un appareil photo reflex avec un téléobjectif, rien que ça! Sinon tu ne veux pas aussi les clefs de ma 106?"
"Tu vois quand tu veux, tu as un peu d'humour daddy! Bien sûr, si tu ne le fais pas, j'enverrais un screenshot de ton profil tinder avec toutes tes photos et nos conversations.  Avec tes photos torses nues, ça va être compliqué de faire croire aux gens que ce n’est pas toi. Ton téton en moins, c'est pire que si tu avais un tatouage sur le pec. Réjouis-toi, ça te coutera toujours moins cher qu'une pension pour tes enfants et un divorce.
C'est donnant donnant, regarde. Avec tout ce qui est dans cette liste, je serais aussi gâté qu'une enfant du divorce et toi ça te permettra d'en éviter un.

Nathalie n'arrivait pas à s'en remettre. Laurent était tout pour elle. Bien qu'ils ne se connaissaient que de depuis quelques mois, leur relation avait pris un tel élan que les sentiments s'en étaient mêlés rapidement. Un véritable coup de foudre, une histoire d'amour comme on en voit qu'au cinéma, le genre de romance à l'eau de rose qu'elle ne croyait être jusqu'ici que des récits de fiction. Mais Nathalie ne le savait que trop bien, c'était trop beau pour durer. La célibataire endurcie avait envisagé plusieurs situations bien distinctes, du mari adultère qui a une femme au compagnon qui a des troubles de l'érection en passant par l'homme violent ou alcoolique. Elle s'était attendue à tout sauf à ce qui était arrivé : la disparition soudaine de Laurent.
Désespérée, Nathalie s'était tournée vers les voyantes et autres charlatans qui moyennant finance étaient prêts à vous raconter tout ce que vous voulez entendre, tous les contes et mensonges possibles et inimaginables. Cependant, la presque veuve était à la recherche de la vérité, c'est tout ce dont elle avait besoin pour faire le deuil de la situation. Pour cela elle était allée au commissariat sans toutefois trouver de réponse à ses questions. Et c'est un peu désemparé, qu'elle se tourna vers un détective privé. Je vous arrête de suite, n'allez pas imaginé un petit cabinet avec une porte en bois vitrée sur laquelle serait inscrit "Le furet enquête privée".
De même que l'homme qui l'accueilla ne portait ni trench ou imper couleur sable, ni chapeau brosalino ou fedora, cela dit il fumait énormément, c'était là le seul aspect qu'il avait en commun avec les personnages de fiction qui faisait la réputation de la profession.  À ce titre, il ne fumait pas la pipe comme Sherlock Holmes ni des cigares à la Colombo, non, notre détective était un homme de son temps, il utilisait une cigarette électronique. Quand Nathalie entra dans son bureau, elle exposa son problème au détective tout en tentant de retenir sa détresse. En guise de réponse Le furet, Nicolas de son prénom, plissa les yeux en tirant de grosse bouffée de fumé blanchâtre sur sa vapoteuse. Pendant un court instant, il considéra son interlocutrice en la déshabillant du regard. Son instinct de prédateur lui désignait une nouvelle proie. Par expérience, il le savait les veuves plus encore que les femmes trompées étaient faciles à séduire. Quand l'une avait besoin de se venger, l'autre aspirait juste à être réconforté. Le privé fut interrompu dans sa rêverie perverse par la sonnerie de son téléphone - un thème à la mélodie jazzy joué au saxophone - qui aurait très bien pu être utilisé comme le générique d'une série télévisée dont il serait le héros. Il regarda sur son appareil, pris l'appel en couvrant sa bouche avec sa main et murmura : "je ne peux pas parler là, je suis encore au boulot, on se voit ce soir au club."
Le furet eut un petit sourire en coin en raccrochant et inspira à nouveau dans sa cigarette électronique. Son attention toujours un peu distraite, il se saisit d'un petit carnet et d'un crayon à papier pour prendre des notes.
"Asseyez-vous, je vous en pris mademoiselle, mettez-vous à l'aise."
"Mademoiselle?! Vous rigolez j'ai la quarantaine passé."
"On est jamais trop âgée pour un compliment. Excusez-moi, je ne voulais pas vous faire rougir!"
Mal à l'aise, elle ne put réprimer un sourire gêné.
"Je vous sers un verre d'eau?"
Nathalie refusa poliment d'un geste de la main.
"Bon, je vais avoir besoin de quelques informations pour commencer mon enquête.
Le nom, prénom de la personne que vous recherchez, sa dernière adresse connue, son numéro de téléphone et une photo si vous avez ça?
"
"Tout est là." Elle lui tendit une enveloppe.
"Super! Par contre je suis désolé, je vais devoir écourter notre entrevue, j'ai un rendez-vous en ville juste après."
Le détective se redressa, regarda sa montre et enleva son tee-shirt dévoilant ainsi un torse aux muscles encore bien dessiné pour son âge. Nathalie détourna le regard par pudeur, mais curieuse elle se laissa aller à regarder du coin de l’œil. Soudain prise de culpabilité, elle se souvint pourquoi elle était venue ici : retrouver son Laurent bien aimé. Le furet qui ne ménageait pas ses effets prit tout son temps pour enfiler sa chemise à la manière d'un stripteaseur. Ce dernier se rapprocha pour attraper son sac de sport noir qui trainait sous le siège de sa nouvelle cliente. Et quand elle se redressa pour lui faciliter le passage, ils se frôlèrent, se regardèrent l'un l'autre comme s’ils allaient s'étreindre.
Ils n'avaient pas besoin de se le dire, il y avait quelque chose électrique entre eux...mais il y avait bien un "mais" ou plutôt un "mec" celui que le détective était engagé à retrouver.

"Thomas", enfin Laurent avait déjà repris ses mauvaises habitudes. Bien sûr, il était sur ses gardes, encore, plus qu'auparavant. Mais comme je vous l'ai déjà dit en début de nouvelle, il ne pouvait pas s'en empêcher. Néanmoins, il avait mis de côté les sites et autres applications de rencontres. À la place, sa stratégie nouvelle s'orientée autour de son carnet d'adresses et ses vieilles, très vieilles connaissances. Dont l'une d'elles avait répondu partante, en la personne de Claire, 62 ans. Une fréquentation qui avait cessé du jour au lendemain suite à une expérience un peu particulière que Laurent semblait avoir momentanément oubliée. Pourtant à l'époque, la chose l'avait plutôt marqué et c'est peu dire, il avait perdu un téton dans l'histoire. La cougar était adepte de pratique BDSM un peu extrême. Ceci expliquait en partie qu'elle avait attaché Laurent au lit et l'avait gentiment torturé avec une pince. Malgré que le mot de passe fut répété jusqu'à être hurlé, le signal n'avait pas été entendu par sa vieille connaissance, en effet la cougar était atteint de surdité. En dépit de cet épisode douloureux - qui semblait-il n'avait pas laissé de souvenir traumatisant outre l'imposante cicatrice - Laurent se retrouvait une nouvelle fois au lit avec Claire. Pour sa défense et si ça peut vous aider à le comprendre, notre homme accumulé énormément de frustrations sexuelles depuis quelque temps.
Sans compter qu'il avait besoin "d'évacuer toute cette tension" qu'occasionnait le chantage de la jeune Margaux. Et puis il avait une revanche à prendre sur le lit à baldaquin de Claire qui semblait s'être mué exceptionnellement en cage de MMA. Alors qu'il lui assenait des coups de reins comme autant de coups de poing, la cougar prenait son pied, mais semblait toujours autant insatiable. Intérieurement, il souhaita la baiser si violemment que cela provoquerait un infarctus ou un AVC à sa partenaire. Hélas, plus il y allait fort et plus elle prenait du plaisir. Cela exaspéra tellement notre homme que ça sa soif de domination se mua en une colère sourde. Il en perdit son sang froid, il ne contrôlait plus ses gestes. Laurent qui exécutait une levrette un peu étrange - sa partenaire avait la tête enfouie dans le matelas et maintenue ainsi par le pied de ce dernier appuyé sur sa joue - la sodomisa profondément pour assoir son autorité. Totalement soumise, elle s'abandonna et ne put contenir le geyser de sang et de merde qui jaillit par son anus. Dans la panique et en voulant certainement reboucher brutalement l'orifice, il se péta littéralement la bite.

Le Furet avait retrouvé la trace de "Thomas" facilement.
Sans dévoiler les astuces du détective, il avait déduit que le prénom donné à sa cliente était faux. Pour se faire, il prit contact avec une connaissance qui travaillait justement pour l'opérateur téléphonique auquel était rattaché le numéro. Moyennant un petit billet, celui-ci lui communiqua l'identité et l'adresse du client à laquelle était déclarée la ligne. Tout cela avait permis à l'enquêteur privé de prendre "le disparu" en filature de son domicile à celui de sa maitresse et jusqu'à l'hôpital. Aux urgences, une poche à glace sur ses attributs, Laurent attendait le résultat de l'échographie. Quand le médecin revint enfin vers son patient, il lui diagnostiqua une fracture du pénis, le syndrome de l'aubergine. C'est à ce moment bien précis, quand Laurent était le plus vulnérable que le détective et sa démarche nonchalante entrèrent en scène.
"Je ne m’attendais pas à vous rencontrer dans de telles circonstances"
"Pardon?!"
"Faut dire que c'est un peu cocasse ce qui vous arrive."
"Je suis tombé à vélo..."
"Va falloir trouver une meilleure excuse/histoire à raconter à votre femme. Si je peux me permettre un petit conseil...aujourd'hui, vous avez la bite pétée, mais demain à trop jouer avec le feu, vous allez tomber sur une folle qui vous l'arrachera en vous suçant pour se venger!"
"Mais vous êtes qui au juste ?"
"Votre meilleur ami en ce moment, c'est moi qui vous le dis!"
"Ha bon?"
"Parce que les vrais amis sont là quand on est dans la merde et visiblement ça semble être votre cas" Le Furet lui tendit sa carte de visite avec un sourire en coin.
Laurent lu la carte à voix haute "Détective privé?"
"Exact, croyez-le ou pas, je peux résoudre tous vos problèmes!"
"Et vous comptez vous y prendre comment?"
"Déja il faudrait par finir ce que vous avez commencé..."
"Cet à dire" Laurent coupa le détective.
"Votre idée de vous faire passer pour mort aux yeux de Nathalie n’était pas si mauvaise en soi, je dois bien l'avouer, mais il fait amateur. Tout ça manque de preuve.
C'est pourquoi je vous propose de me procurer de faux documents comme un dossier médical et un acte de décès que je fournirais à ma cliente. Je peux même produire un journal réédité daté d'y a deux semaines avec une rubrique nécrologique modifiée. Tout est possible, c'est vous qui voyez. La limite, c'est ce que vous permet votre budget
."
"Et justement, ça va me couter combien tout ça?"
"Bien évidemment, tout ça à un certain prix vous l'imaginez et puis ce n'est pas sans risque non plus. Je peux perdre mon assermentation"
"Combien!"
"Disons 6 000 euros et considérez que je vous fais un prix si vous me garantissez de ne jamais plus rentrer en contact avec Nathalie."
"Est-ce que j'ai vraiment le choix?!"
"C'est vous qui voyez! On peut également pousser le concept encore plus loin, on pourrait par exemple acheter un caveau/emplacement dans un cimetière ou une concession funéraire, mais là encore cela va faire augmenter la facture comme vous l'imaginez. Voyez ça comme un investissement, au lieu d'acheter un studio ou des places de parking, la au moins ça sera rentable après votre mort. L'avantage c'est que vous ne payerez pas de frais de copropriété. Et pas de problème de voisinage bruyant non plus à prévoir!
"J'ai encore un autre problème à régler, quitte à faire appel à vous autant me débarrasser de tout."
"Je vous écoute, Laurent."
"Y a une copine de ma fille, elles sont à la fac ensemble, qui me fait du chantage depuis qu'elle a trouvé mon profil sur tinder..."
"Ok, il va falloir que vous procuriez son identité et son numéro de téléphone."
"Je peux vous avoir ça."
"Super! Pour le reste et les détails, on verra plus tard."
"Qu'on soit bien d'accord, toute cette histoire sera notre secret!"
Le Furet fit un clin d'oeil et mima une fermeture éclair imaginaire sur sa bouche en signe d'approbation avant de s'éloigner.
"On se recontacte, tombeur!" lança-t-il à Laurent puis tira sue sa vapoteuse et recracha la fumée en murmurant pour lui "Tu t'es bien fait baiser!".
Non loin de là, mais à une distance suffisante pour ne pas se faire repérer, la femme de Laurent assistait à la dernière interaction des deux hommes. Du peu qu'elle avait pu observer, Sarah se fit un avis bien tranché de la situation. Bien qu'elle était sous le choc de cette révélation, elle n'était pas complètement surprise par la nouvelle non plus. En effet, avant ça Sarah était déjà en proie à un doute grandissant sur la question. Ce qu'elle venait de voir en était simplement la confirmation : Laurent, son mari était un homo qui affectionnait les pratiques sados masos.
Depuis quelque temps, elle avait remarqué des petits changements dans son comportement : il prenait plus soin de lui et avait renouvellé entièrement sa garde-robe.
Logiquement, à l'époque Sarah avait imputé cela à une crise de la quarantaine.
Et quelle triste ironie, pour cette femme qui plaisantait souvent avec son mari, sur le fait qu'il se découvrirait homo à la quarantaine!
Si un jour on lui avait dit que cela se réaliserait, elle ne l'aurait pas cru, elle en aurait même rigolé.
C'était peut-être ça le pire dans l'histoire. Sarah ne lui en voulait pas autant qu'elle s'en voulait à elle même de ne pas l'avoir vu, alors que c'était juste sous ses yeux.
"C'est vrai qu'il m'a trahie, mais ce n'est pas comme s'il l'avait fait avec une femme plus jeune et plus jolie.
Bien sûr, ce n'est pas très flatteur de savoir que son, mari s'est détourné des femmes pour les hommes.
" Se consola-t-elle.
Chacun sa façon de voir le verre, à moitié vide ou à moitié plein. La femme de Laurent poursuivit son introspection durant le trajet de retour au foyer familial. Elle estimait qu'il avait été plutôt discret pendant toutes ces années...à vrai dire elle ne s'était jamais trop posé de question sérieusement, sauf peut-être cette fois où il s'était arraché la moitié d'un téton "en se rasant". Sarah en avait presque pitié de lui, elle s'imaginait qu'il devait tellement se détester au fond de lui même, à se livrer une vraie bataille intérieure pour lutter contre sa vraie nature. Tout ce machisme et cette virilité exacerbée n'étaient en fait qu'une façade selon Sarah. Quoi qu'il en soit, sa décision était prise et cela était mieux pour lui comme pour elle. Sarah n'allait tout de même pas attendre qu'il fasse son coming out et devenir ainsi la risée du voisinage. À peine Laurent avait-il mis un pied au-delà du pas de la porte qu'il entendu son prénom que sa femme appelait depuis la cuisine.

Sarah l'attendait attablée dans une ambiance tamisée par la lueur des chandelles.
"Coucou ma chérie, quelle surprise! tu as fait quoi à manger ?"
Il traversa la pièce avec sa veste devant lui pour cacher son entre jambes.
"Alors en entrée nous aurons des aubergines grillées suivies de croques monsieurs et pour le dessert des bananes flambées! C'est à ton gout mon chéri?"
Le mari adultère se sentait pris au piège, il voulut desserrer son nœud de cravate, mais ses mains tremblaient trop pour y parvenir.
"Je suis passée à la boulangerie pour acheter des pâtisseries, mais ils n'avaient plus de "divorcés" alors je n'ai rien pris."
Si avec ça, Laurent n'avait pas compris le message...cependant sa tactique consistait quand même à faire l'ignorant. Avec un peu de chance et un bon concours de circonstances, il espérait même se faire passer pour innocent. Laurent n'était pas du genre à avouer ses méfaits par culpabilité. Non, il était de ses personnes qui le nez dans la merde vous affirmerez que c'est de la mousse au chocolat.
Au passage, c'était son dessert préféré, mais hélas pour lui, ce n'était pas au menu de ce soir.
Sa femme le connaissait par cœur et savait par conséquent que tant qu'elle ne provoquerait pas la discussion, son mari ferait comme si de rien n'était. Après tout, tant qu'il ne passait pas aux aveux, il n'était pas coupable. Summum de la vilenie, il se terrait dans le silence.
Aussi lâche qu'inutile, cette stratégie - si un jour avait-elle marché ? - ne le tirerait pas d'affaire cette fois. Cependant elle lui éviterait peut-être de s'expliquer. Et c'est bien cela qu'il essayait d'éluder, car il le savait bien, aucune des justifications qu'il avait inventées n'était suffisamment crédible pour convaincre sa femme. Quand Sarah lui balança tout ce qu'elle savait, malgré les cris, les pleurs et les assiettes cassées il fut presque soulagé d'apprendre qu'elle (ne savait pas la vérité) s'était trompée.
Bien sûr, il allé devoir galéré pendant quelque temps, mais le pire allait être évité. Enfin, si le détective s'occupait correctement du problème avec Margaux, la petite jeunette, la copine de Fac sa fille.
Après avoir traiter de tous les synonymes et insultes faisant référence à l'homosexualité - ce qui il faut l'avouer était une sacrée punition pour notre hétéro macho - son mari, Sarah décida d'aller se réfugier chez sa sœur et claqua la porte de la maison. Laurent entendit la voiture démarrée en trombe puis pilée brusquement  suivie d'un grand bruit métallique.

Le détective Le Furet avait donné rendez-vous à Nathalie dans un café en prétextant un compte rendu d'enquête. Pourtant, une fois sur place la quarantenaire n'avait pas l'impression qu'elle était conviée pour parler de la disparition de "Thomas". Bien au contraire, l'enquêteur semblait jouer la carte séduction avec sa chemise déboutonnée qui laissait entrevoir ses pectoraux.
Ce qui attira particulièrement l'attention de sa cliente, c'était l'élégant costume sombre dont il était vêtu, lui qui d'habitude portait un jean et tee-shirt. Et bien qu'elle trouve très séduisant dans cet apparat, elle sentait que tout cela était de mauvais augure. Le Furet avait amené avec lui un joli bouquet afin de tester les réactions de la quarantenaire. Pour le moment, il tâtait le terrain à défaut d'autre chose. Sa manœuvre était simple, si Nathalie lui demandait pour qui étaient les fleurs, cela voudrait signifier qu'elle est ouverte à la séduction. Dans le cas contraire, cela indiquerait qu'elle était encore trop endeuillée pour s'en rendre compte auquel cas il les lui donnerait pour déposer sur la tombe du défunt. Une fois leurs cafés consommés, Le Furet en parfait gentleman régla l'addition et suggéra une balade dans le quartier. Nathalie ne tarda pas à voir ses craintes se confirmer quand elle comprit qu'ils prenaient la direction du cimetière.
Ce n'était pas le meilleur moment et pour plusieurs raisons :
La première étant qu'elle gardait encore un infime espoir de le retrouver vivant, la deuxième à cause de ce gros nuage noir menaçant qui était au-dessus de leurs têtes.
Notre détective séducteur avait pensé à tout, ne soyez donc pas surpris de savoir qu'il l'invita Nathalie à s'abriter sous son parapluie. La pluie battante appuyée par de puissantes bourrasques de vent encourageait la jeune femme à se blottir contre le détective. Parce qu'elle se sentait protégée, il l'a pensé vulnérable et espérait bien profiter de la situation.
Avant de franchir les grilles du cimetière, le détective s'arrêta et lança un regard désolé à sa cliente.
"Je suis navré Nathalie, les réponses que vous attendez ne sont pas celles que vous espériez..."
Ils avancèrent dans les allées de tombes jusqu'à arriver à une stèle fraichement fleurie située un peu à l'écart, sur une parcelle vierge. Sur le marbre est inscrit "Thomas VERDIER 1967-2019".
Une fois de plus, Le Furet avait anticipé ses besoins en sortant un mouchoir de sa poche. Et ce simple geste marqua le début des pleurs de la désormais célibataire.
"J'ai pensé que vous aimeriez déposer des fleurs, si vous voulez inscrire quelques mots sur la carte, je dois avoir un stylo..."
Le détective retira sa
main empathique posée sur l'épaule de sa cliente et de l'autre lui tendit le bouquet. C’en était trop pour Nathalie qui s'effondra à genoux comme sous le poids de sa tristesse.
Naturellement, Le Furet proposa de la raccompagner chez elle et à sa plus grande surprise cette dernière préféra un endroit dans lequel elle n'avait pas de souvenir avec Thomas. C'est donc en toute logique qu'ils se retrouvèrent chez le détective.
Une fois dans l'appartement de ce dernier, les choses prirent une tournure "presque" inattendue pour le détective. La quarantenaire lui sauta littéralement dessus, arrachant pratiquement ses vêtements en l'embrassant. Expert, Le Furet glissa ses doigts entre les jambes de la belle et constata que ses dessous étaient trempés. Alors qu'il commençait à la tripoter, elle s'ouvrir comme une fleur et fit de petits gémissements. C'est à ce moment précis que l'homme malicieux décida de s'interrompre pour demander : "Je ne voudrais pas que tu penses que je veux profiter de ton deuil pour coucher avec toi, Nathalie. Si on le fait, je veux que ce soit parce que tu en as vraiment envie."
"Non, ne t'inquiètes pas, j'ai juste besoin de me défouler, de passer à autre chose, d'oublier."
"C'est cool, alors vas-y utilise moi!"


Laurent ne pouvait plus faire machine arrière, il ne disposait plus de plan de secours, ils les avaient tous épuisés, de B jusqu'à Z.  Depuis qu'il s'était fait passé pour mort auprès de Nathalie, une série d'événements infortunés l'avait frappé. Chaque coup du sort semblait faire écho avec une certaine ironie à son comportement passé. D'abord sa femme qui se retrouvait handicapée, puis son fils qui se la jouait pervers sexuel dans les toilettes de l'école, ce serait quoi ensuite?
À ce sujet, la directrice avait convoqué Sarah et Laurent et c'est pourquoi ce dernier venait chercher sa future ex-femme. La pauvre en fauteuil ne pouvait plus se déplacer toute seule et c'est donc Laurent qui avait gardé le monospace depuis l'accident. C'était aussi l'occasion pour lui de venir souhaiter un joyeux anniversaire à sa fille. Hélas, entre son entreprise à gérer et les aller-retour de l'hôpital à chez lui, il n'avait pas eu le temps de trouver un nouveau cadeau. À la base il avait prévu de lui offrir une voiture pour ses 20 ans, mais dans de telles circonstances, vous imaginez que cela aurait était mal venu. Laurent s'excusa auprès de sa fille de ne pas lui avoir apporté de cadeau et celle-ci lui répondit que "son plus beau cadeau serait qu'il se remette avec sa mère".
Pris soudainement de sueur froide, le père bredouilla "Malheureusement ma chérie, tu le sais ça ne dépend pas que de moi" et une petite voie intérieure lui glissa ",mais c'est entièrement de ma faute".
Cette scène ne vous rappelle pas déjà quelque chose?! À Laurent, oui, cette ironie de situation résonnait en lui comme une bonne leçon de vie. Pour éviter le malaise, il s'isola dans le jardin pour passer un appel au détective.
"Où en sont mes problèmes?"
"Ne vous inquiétez pas, ils seront bientôt tous résolus...je vais m'en occuper ce soir, vous allez pouvoir reprendre votre vie d'avant."
"J'aimerais bien, oui."

Visiblement exténué, le mari raccrocha sans avoir mis un terme de façon courtoise à la conversation.
Le Furet ne lui tenu pas rigueur de cette réaction impolie, au fond il comprenait son client. Celui qu'il avait d'abord envisagé comme potentiel rival, jusqu'à ce qu'il s'en serve d'appât. Loin de culpabiliser, il n'avait en général que peu d'empathie et encore moins de conscience, mais avait développé pour lui une forme de sympathie. Après tout, il partageait également cette lassitude vis-à-vis de Nathalie, elle semblait plus séduisante et plus spirituelle tant qu'il ne l'avait pas baisé. Mais une fois que cela avait été fait, elle avait perdu toute saveur, elle était fade comme le fruit du dragon avant de le gouter pour la toute première fois. La verve attractive des discussions s'évanouissait, mais le fait est qu'elle n'était pas à la hauteur de ses promesses - qu'elle n'avait pas faite - y était pour beaucoup. Certes, elle avait un corps plaisant qui la faisait paraitre plus jeune, mais la quarantenaire ne savait apparemment pas s'en servir. À quoi bon l'expérience sans la maitrise, me direz-vous.
Pour vous donner un exemple : en levrette elle faisait le dos rond  et si elle vous sucez...he bien...elle le faisait dans le noir. Alors qu'avec son seul regard, en vous fixant droit dans les yeux, elle aurait pu vous faire finir. Et justement, en parlant de finir, Nathalie avait cette façon de jouir bruyamment - pour ne pas dire en hurlant - qui pouvait faire sourire la première fois, mais rapidement devenir insupportable. Un peu comme pourrait devenir agaçant une femme fontaine et le rituel du changement de draps à chaque fois. En bref, Nathalie n'était pas à la hauteur de ce qu'il espérait, Le Furet le reconnaissait, il s'était déçu tout seul avec ses propres attentes.

Sur le trajet pour la réunion avec le proviseur du collège de leur fils, un lourd silence demeurait dans l'habitacle. Laurent dont l'attention focalisée sur la route ne risquait pas d'être détournée par une discussion avec sa future ex-femme remarqua une voiture dans son rétroviseur. C'était la voiture de Nathalie, du moins elle était du même modèle et de la même couleur. Le véhicule gardait toujours une distance d'une vingtaine de mètres ce qui rendait difficile pour Laurent de voir qui l'a conduisait ou de lire la plaque d'immatriculation. Rien de sur cependant, il fallait qu'il garde son sang froid et ne cède pas à la paranoïa. Il se demandait depuis quand cette voiture était derrière lui.
 Le suivait-elle ? Ou était-ce une simple coïncidence?
Avec ce qui se passait dans sa vie ces derniers temps, il sombrait peu à peu dans la paranoïa la plus totale. Laurent ne pouvait pas se permettre une énième situation problématique. Il accéléra pour franchir le feu qui passait du orange au rouge et freina d'un coup sec en voyant une voiture de police qui attendait à l'angle. Sarah engueula violemment Laurent, mais ce n'est pas pour cela qu'il porta ses mains à son visage comme pour se protéger. C'était pour cacher sa tête, car la voiture de Nathalie était arrêtée à leur hauteur et il ne voulait pas qu'elle le voie. Laurent avait peur d'être démasqué.
Mais pour la première fois depuis bien longtemps, la chance lui sourit. À son plus grand soulagement, la quarantenaire ne fit pas attention et redémarra tranquillement. Il l'a regarda s'éloigner comme si elle était un fantôme alors que si vous avez bien suivi, techniquement ce serait plutôt lui, le spectre.

Nathalie était en route pour le cabinet du détective, elle aimait bien faire des visites à l'improviste.
Une petite surprise de temps en temps, pour elle, était nécessaire pour entretenir la flamme.
Le Furet avait réussi à rentrer en contact avec la mère de Margaux et l'avait convaincue de venir avec lui à son bureau. Il l'avait attaché et suspendu au-dessus du sol à l'aide de grosse corde. L'enquêteur envoya une vidéo prise avec son téléphone à son client. Évidemment, Laurent exultait, il tenait sa revanche et transféra sans tarder la chose à celle qui le faisait chanter depuis le début. Dans son message, il avait joint à la vidéo cette légende : "Finalement Margaux, tu devrais être contente. Tu vas devenir à ton tour une enfant du divorce."
Sur l'enregistrement on pouvait entendre - bien qu'elle soit bâillonnée - les gémissements de douleurs plaisantes et plaisirs douloureux de sa mère. Depuis la pièce attenante au bureau faisant office de salle d'attente, Nathalie qui venait d'arrivée croyait entendre ce qui n'était pas des pleurs de tristesse. Naïvement, elle pensa à un énième constat d'adultère puis regarda le gros sac de sport noir. Elle le reconnaissait, c'était celui que Le Furet emmenait pratiquement partout avec lui et il était partiellement ouvert. La quarantenaire jeta un coup d’œil furtif à l'intérieur, bien sûr elle ne voulait pas fouiller dans ses affaires, mais elle devait savoir, ne serait que pour se rassurer. Et quelle fut sa déception quand elle découvrit qu'il était rempli de sachets de lubrifiant et de sex-toys en tout genre. Folle de rage, c'est alors qu'elle fit irruption dans le bureau et surprit les obscénités auxquelles s'adonnait Le Furet. Nathalie n'en croyait pas ses yeux. Écœuré, la quarantenaire claqua la porte du cabinet en partant et soupira : "tous les mêmes".

mardi 16 janvier 2024

Ascenseur Social




"Bienvenue au Titanium center building, le bâtiment le plus moderne et le plus haut de l'histoire.
En effet, ce titanesque gratte-ciel mesure 966 mètres et possède pas moins de 201 étages, 66 ascenseurs et 3583 marches d'escalier.
Vous pouvez y trouver une clinique privée, des bureaux, des appartements, un hôtel, un casino et même 4 piscines.
Et bla et bla et bla bla bla"
C'est ce que vous raconteront les guides, lors d'une visite touristique de la tour.
Par contre si comme moi vous laissez trainer une oreille indiscrète et attentive au moindre bruit de couloir vous entendrez peut-être Philippe le vigile et Maria la femme de chambre, avoir une discussion en attendant l'ascenseur.
"Tu as vu, il parait qu'ils vont engager des grooms!
Oui, j'ai dit à mon cousin Santiago de postuler. Je pensais que ce métier avait disparu...
Tu ne dois beaucoup apprécie ton cousin. Ahaha.
Pourquoi tu dis ça?
Tu n'es pas au courant, Maria?
Non...dis-moi.
Il y a eu un gros incident ici ce week-end.
Ha bon? Je ne savais pas...
C'est pour ça qu'ils ont installé des trousses de premiers secours et qu'ils vont engager des grooms.
Mais qu'est ce qu'il s'est passé?"
La sonnerie et l'ouverture des portes de l'ascenseur viennent interrompre brièvement leurs discussions.
En rentrant, le vigile jette un regard suspicieux à la caméra puis poursuit à voix basse dans sa langue natale, espagnole.
"Des gens sont restés enfermés dans un ascenseur tout un week-end et se sont entretués. Parmi eux, y avait le grand patron, le propriétaire du bâtiment, c'est lui qui a payé pour le silence des médias, des victimes et leurs familles.
Oh mon dieu, qui c'est qui t'a raconté tout ça?
Le réparateur de l'ascenseur pardi! Il m'a confié que leur calvaire a duré du vendredi 16h au lundi matin 6h.

"Dans les bureaux du 104e aux 115 étages tout le monde quitte le boulot plus tôt le vendredi sauf Dwight.
Son statut de cadre ne lui imposait pas ce genre d'excès de zèle, mais ses ambitions carriéristes, si.
C'est pour cela qu'il se faisait un point d'honneur de toujours partir le dernier, au grand dam des agents de nettoyages qui appréciaient de faire leur travail sans se faire épier.
Parfois, Dwight était tellement absorbé par son travail qu'il en oubliait de faire ses besoins de la journée.
Inconsciemment, pour lui qui détestait utiliser les toilettes publiques, cela était un signe qu'il fallait partir.
Alors qu'il venait d'appuyer sur le bouton d'appel de l'ascenseur avec impatience, il entendit le chariot de l'homme de ménage arriver derrière lui et soupira.
Dwight, détestait devoir le partager avec quelqu'un. Ce moment de confrontation sociale aléatoire le mettait mal à l'aise.
Si il le  pouvait, il descendrait par l'escalier, mais c'est beaucoup trop long depuis le 108e étage.
Pour lui, c'était une raison supplémentaire de partir après tout le monde.
Quand la double porte automatique s'ouvrit, les deux hommes rejoignirent une jeune femme déjà à l'intérieur. 
Cette dernière les informa que l'appareil, étrangement, montait bien qu'elle ait demandé à descendre.
Pourtant ils le savaient tous, dans cet immeuble ultra moderne, les ascenseurs étaient équipés des dernières technologies, accès par badge, commande vocale, camera à reconnaissance faciale, etc.
Lucius, l'homme de ménage qui gardait toujours ses écouteurs vissés dans ses oreilles n'entendit pas l'avertissement.
Il pesta silencieusement lorsqu'il se rendit compte de la chose.
Quelques étages plus hauts, l'ascenseur s'arrêta à nouveau pour faire rentrer quelqu'un à la plus grande surprise de ses occupants.
L'homme avait les cheveux mi-longs plaqués en arrière, portait un costume trois pièces et des chaussures cirées.
Avec son style  "yuppie" qui n'était pas sans rappeler Patrick Bateman de American Psycho, Milton ne laissait personne indifférent dans l'ascenseur.
Nul besoin pour lui de laisser sa carte de visite.
Il était bien plus célèbre que le personnage du roman de Bret Easton Ellis.
L'homme de ménage, Lucius l'avait tout de suite reconnu et s'était bien gardé de le saluer.
Comme bien souvent il craignait de se faire ignorer, c'est pour cela qu'il écoutait toujours de la musique dans ses écouteurs.
À moins que ce ne soit pour une autre raison: Lucius gardait un souvenir amer de son entretien d'embauche.
Initialement, il avait postulé pour devenir le nouvel assistant de Milton et avait été recalé parce qu'il était soi-disant surqualifié ou surdiplomé.
Cependant, la direction des ressources humaines l'avait recontacté quelques jours plus tard pour lui proposer le job d'homme de ménage. Quelle sinistre blague.

Une odeur nauséabonde monta au nez du personnel d'entretien et le sortit de ses pensées.
Malheureusement habitué de par sa profession, mais pas accommodé pour autant à ce genre de puanteur. Il mit un instant à se rendre compte qu'il était enfermé dans une cabine d'ascenseur et non de toilettes. Apparemment et au vu des convenances et de la bienséance il n'était pas le seul.
Tous se couvraient la bouche et le nez, se regarder en coin suspicieusement à l'exception de Milton qui restait impassible. Neutre, sans expression comme une photo d'identité.
On pourrait presque penser qu'il portait un masque de chair figeant les muscles de son visage.
Alors que l'ascenseur descendait vers l'étage qu'il avait choisi, Lucius fit un pas vers la porte en poussant son chariot d'entretien. Ses chaussures de sécurité firent un bruit étrange, non pas un couinement plastifié, mais plutôt un son que l'on attribuerait (associerait) volontiers à des flatulences.
Tout le monde le regarda subitement.
"Surtout, ne vous gênez pas pour nous!" lança Dwight.
"Excusez-moi? Je..." essaya de répondre Lucius scandalisé.
"Oui, vous pouvez!" coupa Dwight.
"Mais arrêtez, ce sont mes chaussures qui.." expliqua Lucius en désignant ses pieds avec ses mains.
"Mon cul ouais!" rétorqua l'assistant du manager régional.
"Ne soyez pas idiot!" l'employé de ménage se redressa et vint coller son front sur celui de son interlocuteur.
"Arrêtez de m'insulter, racaille! Ça veut dire quoi tout ça? Vous pensez impressionner qui ici? Allez y frappez moi!" invectiva le cadre quadragénaire en le repoussant.
Voyant que les événements prenez une tournure disproportionnée, Milton fini par s'interposer entre les deux hommes.
"Continuez de faire comme si on n’était pas là, vous vous débrouillez très bien jusque là. Même pas un bonjour, quel snob!" dit-il en faisant bouger l'ascenseur
"Vous osez me faire des reproches sur ma politesse alors que...vous ne manquez pas d'air vous!
Tout ce mouvement fit tanguer l'ascenseur jusqu'à se provoquer son décrochage.
Les lumières s'éteignirent et le silence revint, du moins un instant.¨
À présent, seules les petites veilleuses d'urgence éclairaient la cabine.
Dwight tapota sur l'écran tactile et suscita l'assistance d'un technicien via la commande vocale sans succès.
Comme quoi, vous avez beau être dans l'ascenseur du building le plus moderne du monde, si il y a une panne d'électricité vous serez quand même coincé.
Il regarda son téléphone et constata comme les trois autres qu'il n'y avait pas de réseau mobile.

"Super! Nous voilà bloqués ensemble maintenant." s'exaspéra une voix féminine.
"Vous auriez pu prendre l'escalier madame, un peu d'exercice ne pourrez pas vous faire de mal!"
"À vous non plus, visiblement." Rétorqua Lucius pour prendre la défense de la jeune femme.
"Moi, je suis enceinte et vous c'est quoi votre excuse?...Gros con!" répliqua-t-elle en finissant sa phrase dans un murmure.
À ces mots Milton reconnus enfin à qui appartenait cette voix qui lui semblait si familière.
Elle avait beaucoup grossi depuis la dernière fois qu'il s'était vu, il y a quelques mois de cela, quand ils avaient couché ensemble.
C'était pour cela qu'il avait mis autant de temps à la remettre.
Il comprit mieux alors pourquoi la jeune femme semblait si embarrassée de le croiser.
À l'époque elle était encore son assistante.
Naïvement, elle avait surement espéré que le coup de bite se transformerait en idylle de conte de fées.
La version censurée Pegi7 de 50 shades au grey.
On ne pouvait pas la blâmer pour ça, sur les écrans c'est ce genre de rêve qu'on vous vend tous les jours.
Elle a seulement voulu le vivre en 4DX. Sauf que tout ça, c'est du cinéma, c'est pas pour rien que ces émissions s'appellent "télé-réalité" pour faire rêver les idiots.
Quelle fille n'a jamais souhaité trouver sur le prince charmant, comprenez par là : un beau gosse plein aux as.
Argent facile pour une fille qui l'est tout autant, prête à écarter les jambes devant le premier milliardaire venu.
Pourquoi courir après une promotion canapé quand on peut être sa partenaire de vie, sa femme, son égal.
C'est ça le féminisme moderne, l'heure n'est plus à l'émancipation.
Quoi de mieux qu'un bon contrat de mariage pour plumer son conjoint, gagner autant voir plus que lui.
Le hic c'est qu'elle n'avait très certainement pas lu toutes les petites lignes de son contrat de travail.
Alors que les avocats de Milton, eux, avaient envisagé le pire pour préserver les intérêts de leur fortuné client.

17H00

Et quelques mois plus tard, les revoilà à nouveau réunis.
Aussi heureux et piégés qu'un jeune couple devant faire face à une naissance non désirée.
La jeune femme enceinte, Melina de son prénom, senti de fortes contractions qui la poussèrent à s'accroupir contre un angle de la cabine.
Pratiquement aux termes de sa grossesse, elle avait de plus en plus de mal à rester longtemps debout.
Cela faisait presque 1h qu'ils étaient coincés là et toujours aucune une réponse du service de sécurité ni de la société d'exploitation, pas même un signe de l'extérieur.
Ils essayaient de garder espoir dans l'attente qu'une quelconque opération de sauvetage s'organise.
Lucius tenta de forcer l'ouverture des portes sans parvenir à ses fins.
"Vous vous fatiguez pour rien, entre deux étages il est impossible d'ouvrir les portes. Il y a un mécanisme de verrouillage extérieur" lui expliqua Dwight en se tenant la tête avec la main droite.
"Merci de votre aide." Répondit l'homme de ménage sur un ton sarcastique.

20H00

Si pour vous 20 minutes coincées dans un ascenseur vous paraissent interminables, alors imaginer des heures, surtout quand vous n'avez aucun interlocuteur extérieur.
Le stress commençait à largement se manifester chez chacun d'eux, sous différente forme.
Dwigt qui avait une envie grandissante de pisser tentait de se contenir en se tortillant sur lui même.
Quant à Lucius c'était de se retenir de fumer qui le rendait de plus en plus irritable et le poussait à se gratter les avant-bras compulsivement jusqu'au sang.
Son job "alimentaire provisoire" qu'il qualifiait de dégradant lui rappelait déjà chaque jour sa condition sociale.
Mais ajoutez à ça le fait d'être enfermé, cela ne pouvait lui évoquer que la terrible histoire de ces ancêtres.
L'esclavage, la traite des hommes de couleur, mais aussi plus récemment les dérives judiciaire qui conduisait les Afro-Américains systématiquement en prison.
Enfin quand ils avaient la chance selon lui de ne pas avoir été abattus par la police. C'était tout là, sa façon bien personnelle de justifier sa claustrophobie.
Tout tremblotant, il prit une cigarette dans son paquet et la porta à sa bouche puis sortit son briquet pour l'allumer.
Au moment où la flamme éclaira son visage, un souffle à l'haleine parfumée vient éteindre celle-ci.
"Qu'est ce que vous ne comprenez pas quand je dis que "je suis enceinte"?!"
Lucius, ignora la remarque et ralluma aussitôt la flamme de son briquet.
"C'est mauvais pour le bébé!"
"Vous dites ça comme si j'en étais le père, je n’en ai rien à foutre moi de votre bébé!"
À cette réplique Milton eut un rire soudain dans son coin d'ascenseur.
Melina lança un regard noir dans cette direction et arracha la clope au bec de son interlocuteur.
"En plus vous allez déclencher l'alarme incendie!"
"Justement, ça pourrait peut-être nous aider à nous faire remarquer." dit-il en tapant au plafond avec son balai pour faire du bruit.
"J'en doute fortement, vous allez surtout réussir à nous rendre sourds."
"C'est vous qui me cassez les oreilles!"
Sur ces derniers mots, il s'énerva tellement qu'il enfonça la trappe dissimulée sous les luminaires du plafond.
Lucius était suffisamment grand pour arriver à se hisser facilement par l'ouverture sans demander l'aide de qui que ce soit.
En posant ses mains malencontreusement sur une partie métallique en contact avec les câbles, il s'électrocuta mortellement.
Tout le monde cria de surprise et de terreur tandis que son corps brulant lentement de l'intérieur pendait par la trappe.

22H00

"Il y a comme une odeur de singe grillé ou de viande de brousse."
"Vous êtes répugnant de racisme."
"Arretez un peu, j'ai voyagé en Afrique et sur certains marchés je peux vous affirmer que c'est cette même odeur que vous trouvez là bas!"
Un moment passa où le silence se fit pesant, Dwight voulant briser la glace se hasarda alors à raconter une blague.
"Oh j'en ai une bonne là! Comment reconnait-on un noir calciné?...Non, personne?
À son odeur de poulet grillé!" S'esclaffa-t-il tout seul avant de reprendre.
"Sérieusement, j'en pouvais plus de lui, c'est tellement difficile de devoir mesurer chacune de mes paroles pour ne pas vexer ce genre de personne.
Ils ne sont bons qu'à se victimiser. C'est fatigant.
Enfin bon...On devrait peut-être le décrocher, non?" dit-il en se saisissant du balai.
"Je vous le déconseille, c'est le meilleur moyen de vous électrocuter aussi."
"Vous comprenez, je ne voudrais pas qu'on croit qu'il est mort pendu..."
"Vous êtes toujours aussi drôle?!" lança Melina sans attendre de réponse de son interlocuteur.

00H00

Les genoux serrés l'un contre l'autre, le buste penché en avant. Dwight se contorsionnait littéralement pour ne pas que sa vessie cède.
Mais il avait trop d'amour propre pour se pisser dessus alors il se résout à sortir son sexe et uriner dans le coin opposé à ses compagnons d'infortune.
Dans la semi-obscurité, Melina perçut comme une vapeur chaude et odorante de pisse et déclara :
"Vous ne pouviez vraiment pas vous retenir plus longtemps?
On ne sait pas combien de temps on va encore devoir attendre, on aurez pu avoir besoin de la boire. Vous êtes bête d'avoir gaspillé!"
"Je peux vous pisser dessus si vous aimez tant ça! Je m'en ferais un plaisir!"
Melina soupira de consternation et sentit une contraction plus forte que toutes celles qu'elle n’avait pu jamais avoir avant.
Elle se recroquevilla contre la paroi de l'ascenseur et lâcha prise.
À sa grande surprise et celles des deux autres occupants, elle venait de perdre les eaux.

05H00

En son fort interieur, Dwight s'interrogea, si les eaux n'étaient finalement pas un peu la même chose que la mouille abondante des femmes fontaines.
AAprès s'être égaré un instant dans ses pensées,  il provoqua une nouvelle fois la femme enceinte. 
"Vous auriez pu vous retenir, franchement!"
Melina était tellement en souffrance qu'elle n'avait même pas la force de lui répondre par une insulte entre deux gémissements de douleur.
Le sourire narquois du cadre quarantenaire disparu de son visage alors que le liquide initialement translucide se mêlait de sang, passait du rouge au brun en se rependant sur le sol.
À la faible lueur des veilleuses, il voyait la flaque sinistre progresser vers lui comme une ombre.
Pour y échapper, il recula sans regarder derrière lui et glissa dans sa propre pisse.
En voulant se rattraper pour ne pas tomber, il posa la main sur le cadavre encore électrique de Lucius.
Au même moment Milton eut le bon réflexe de pousser le chariot d'entretien pour faire barrage.
Il se saisit du balai serpillère qui trainait et épongea comme il pouvait le liquide sombre autour d'eux.

10H00

Milton redoutait que la vue du sang ne lui fasse tourner de l'oeil, mais se rendit compte, étonnamment, que cela provoquait l'effet inverse.
Associait à ça, l'odeur de chair brulée qui flottait dans l'air ne cessait de le rappeler à la faim qui le rongeait.
Bien malgré lui, il lorgnait vers la viande grillée des cadavres et avait le plus grand mal à le dissimuler lorsque son ventre grondait pour exprimer son appétit.
Les contractions devenaient de plus en plus intenses et rapprochées, Melina allait mettre bas et Milton devait l'assister.

14H00

Après des heures de travail, le bébé montrait pratiquement sa tête.
Et dire que les médecins de la clinique privée du 32e étage où elle avait rendez-vous un peu plus tôt dans la journée, avant de se retrouver coincée dans l'ascenseur, lui avaient dit qu'ils provoqueraient l'accouchement la semaine prochaine.
C'était un avantage que le comité d'entreprise octroyait à ses employés et la jeune femme n'avait pas les moyens de se payer de tels soins autrement.
La vie est étrange pensa-t-elle, il a été conçu dans cette tour et donc c'est tout naturellement qu'il doit y naitre.

17H00

Soudain retentit à l'unisson un cri déchirant, celui de la mère et de son nourrisson.
Une membrane céda comme un barrage, déversa tout son sang sur Milton.
Dans un dernier effort avant de mourir, Melina avait transmis sa vie, elle avait littéralement donné la sienne pour sa progéniture.
L'homme couvert de sang examina l'enfant qu'il tenait dans ses bras, envisagea de le dévorer, mais s'arrêta de respirer quand il remarqua que c'était un garçon.
Le bébé lui ressemblait trait pour trait, à un tel point qu'il lui était difficile d'en faire abstraction. Indéniablement, il le savait, c'était sa descendance, son héritier.
Il se souvenait avoir lu un article animalier qui disait en substance que chez certains mammifères, le réflexe physiologique du nouveau-né était de ressembler au male pour ne pas qu'il le tue.
Cela venait chambouler ses plans, tout ce qu'il avait prévu jusque là.
Il regarda autour de lui puis vers la caméra de surveillance, hésita un instant et tira sur le cordon ombilical encore relié au fœtus duquel pendait le placenta.
Le millionnaire planta sa bouche dans l'organe gorgé de sang, arracha un morceau de chair qu'il avala goulument et adressa un sourire à son fils le menton dégoulinant.
"Bonjour Otis" murmura-t-il d'une voix douce au nourrisson tout en agitant le doigt devant son visage pour attirer son attention.
L'avait-il baptisé ainsi en hommage à la société d'ascenseur dans lequel il avait vu le jour? Certainement.
Milton passa la main dans sa poche et en sortit une petite télécommande tactile sur laquelle il tapota plusieurs fois avant de la ranger.
Quelques instants après, les lumières et la caméra se rallumaient, le courant était revenu.
Les pompiers qui s'apprêtaient avec des outils de découpe et désincarcération à intervenir sur la cage d'ascenseur furent très surpris quand les portes s'ouvrirent d'elle même, automatiquement.
Mais ils l'étaient encore plus de découvrir ce qui se trouvait à l'intérieur : un homme au visage couvert de sang tenant dans ses bras, tout enveloppés dans sa veste de costume, un nouveau-né.
Ce dramatique incident, leur rappelaient les scènes de survivants lors de crash aérien dans une zone montagneuse.
Bien entendu, pas un journaliste n'a relaté les faits dans les médias, silence radio, de même pour les familles.
Ont elles été achetées? Personne ne vous répondra à cette question, sauf si vous pouvez payer plus que l'homme le plus riche du pays, en l'occurrence Milton."

Philippe, le vigile vérifia que sa radio n'avait pas été en porteuse pendant qu'il racontait cette histoire à la femme de chambre.
"Dios Mio" étouffa Maria dans un mouchoir qu'elle porta à sa bouche avant de poursuivre.
"Et qu'en est-il du petit Otis?
Tu ne vas pas le croire! Milton a décidé d'adopter le bébé plutôt que de la reconnaitre."
"Pas étonnant c'est plus simple pour lui juridiquement, enfin j'imagine."
Le vigile regarda l'oeil sombre de la caméra de surveillance et se demanda si quelqu'un derrière son écran l'observait.
Soudain, les lumières s'éteignirent et l'ascenseur se bloqua entre deux étages.
Philippe esquissa un sourire et lança à Maria :
"Je t'ai dit que j'ai mangé des fayots ce midi?"