lundi 21 avril 2025

Des papillons dans le ventre

Mon premier crush, si on exclut mes profs de sports et les chanteurs présents sur les posters qui recouvraient les murs de ma chambre d'ados, c'était lui.Théophile, mais tout le monde l'appelent Théo. On s'est rencontré au collège, en 5eme.
J'étais nouvelle, mon père était militaire alors on déménagé souvent.

Mon premier jour, Théo, m'a adressé la parole, je crois que c'était en rapport avec un des patchs cousu sur mon sac à dos (c'était un eatspak, c'était la mode et ça l'a resté, je crois), un groupe de musique que lui aussi écoutait.

Comme pas mal d'ados à l'époque, Théo aimait le ska, moi aussi et depuis ce jour on est resté pote avec "Ska". C'est d'ailleurs ainsi que ses potes l'appelaient, surement par rapport à ça.

On n’a jamais été hyper proche, mais on évoluait dans les mêmes cercles d'amis, on fréquentait les mêmes lieux, les mêmes gens jusqu'à la fac (on s'est retrouvés en licence de Com ensemble) et même encore aujourd'hui en entreprise, ici à Paris. La vie est parfois étrange et en même temps c'est assez logique de se retrouver dans la capitale pour travailler, surtout dans cette branche. Tout ça ressemble un peu à un conte de fées moderne, le genre de récit qu'on aimerait raconter à sa famille quand ils vous demandent "alors comment vous vous êtes rencontré ?"

Sauf qu'on en est pas encore là...ou plutôt, disons qu'à l'instant où je vous parle, je ne semble pas faire partie des projets de Théo.

Pour tout vous dire, on s'est toujours tourné autour sans vraiment concrétiser.

Et puis il était encore en couple jusqu'à récemment. Comment je le sais ? Non, je ne me suis pas risqué à jouer les bonnes confidentes, je ne veux pas servir de mouchoir.

Disons que j'ai juste eu à tendre un peu l'oreille dans l'open space. Ne me jugez pas, c'est ce que tout le monde fait de nos jours.

J'ai même entendu un bruit de couloir ou plutôt de toilette si je puis dire...alors que j'étais dans une des cabines, bref, je vous passe les détails, j'ai surpris une discussion entre Margaux et Alice qui en se refaisant une beauté évoquaient le récent célibat de Théo.

Après leurs départs, je me décidais à sortir de ma cachette pour me laver les mains.

Dehors, je tombais nez à nez avec le principal intéressé, Théo.

Un peu gênée, comme n'importe qu'elle fille quittant les toilettes après une grosse commission, je n'imaginais pas tombé sur lui et encore moins que ce soit pour m'inviter à diner en sa compagnie ce soir. Un date quoi!

Prise au dépourvu, je m'efforçais de garder toutes contenances et accepter sans hésiter sa demande.

Voilà, vous savez tout.

C'est le grand soir et je ne sais toujours pas ce que je vais bien pouvoir me mettre!

Depuis le temps que j'attends ce moment, que j’en idéalise chaque instant, comment se fait-il que je n'aie pas anticipé ma tenue, ce que je porterais lorsque ce jour viendrait. Bref, je n'ai pas le temps de me lamenter, il faut que je m'active sinon je vais être en retard. J'enfile cette robe corset, certes, elle est un peu "ajustée" pour ne pas dire sérré mais elle me va tellement bien.

Dans le métro, je tombe sur le quotidien 20minutes, on ne va pas se mentir, j'ai toujours considéré que c'était un torchon, mais il est gratuit et j'aime bien y lire mon horoscope.
Celui du jour est pour une fois plutôt adapté à ma situation : "aujourd’hui, lâchez-vous, il est temps de vous laisser allez avec l'être aimé".

Théo, il est là, au point de rendez-vous et n'attend que moi.
Le serveur nous amène les cartes, et nous nous laissons tenter par la suggestion d'apéritif du jour : "le floc".
Un savant mélange de mout de raisin et d'armagnac jeune. On trinque en réfléchissant au choix de nos plats, le serveur revient et nous prévient qu'il n'a plus de confit de canard alors ce sera cassoulet pour moi. Vous l'avez compris, nous dinons dans un restaurant de cuisine du sud-ouest.

Rappelez vous, je vous les dis plus haut, on vient tous les deux du même coin. Complices, nous échangeons sourires et remarques pleines d'esprit, sans temps morts, bien sur nous évitons de sujets de conversations : le boulot et sa précédente relation. Quelques parts c'est assez étrange, car je ne sais pas s’il est préférable que je sache ou pas, et malgré tout l'amusement que j'éprouve actuellement, je ne peux m'empêcher d'y penser. Sans manquer de respect à son ex, j'ai comme l'impression qu'il y a un éléphant dans la pièce.
Ce flot de pensées négatives semble également contrarier mon système digestif.
"Je vais aux toilettes, et n'en profites pas pour mettre du GHB dans mon verre, s'il te plait" que je lance à Théo en rigolant et me dirigeant au fond du restaurant.

Tout se passait pourtant si bien, mais qu'est-ce qui ne va pas chez moi?! Parfois, j'ai l'impression qu'inconsciemment j'essaie de me saboter, comme si au fond de moi, j'estimais ne pas avoir droit au bonheur.

Je me retiens d'accélérer le pas, en serrant mon sac à main contre mon ventre, essayant de garder une démarche normale.

Une fois dans la cabine, je me "laisse aller" comme dirait 20minutes, mon horoscope du jour, pour une fois leurs prédictions sont vraies. Ces crampes stomacales sont tellement intenses que je pourrais en perdre connaissance. Dans d'autres circonstances, j'aurais certainement mis un terme au rendez-vous en prétextant être malade ou des règles douloureuses, mais là je ne peux m'y résoudre, cette opportunité ne se représentera pas de si tôt. Il faut que je me ressaisisse, j'inspire profondément un instant avant de retourner à la table.

Et la soirée reprend son cours, en accéléré, j'ai l'impression que les plats nous sont servis puis que l'instant d'après on se retrouve à la fermeture.

Alors qu'on quitte le restaurant, Théo qui m'indique habiter à deux rues d'ici m'invite à prendre un dernier verre chez lui. Contre toute attente.
Oui, car bien que j'en meure d'envie depuis si longtemps, j'en viendrais presque à refuser à contrecœur, tout ça à cause de ces fichus maux d'estomac.
La simple évocation mentale de mes problèmes de ventre suffit à les relancer. Quelle plaie!
Je regarde ma montre puis autour de moi, je constate qu'à cette heure tardive tout est fermé et je ne peux qu'accepter son invitation.

 

Nous voilà à 3h du matin assis face à face, yeux dans les yeux sur son canapé.
Je ne saurais dire si le cadre intimiste de son appartement y est pour quelques choses, mais la discussion se fait plus intense.
Faut dire aussi que je me sens plus à l'aise, même si je peine à camoufler les grondements de mon ventre en y appuyant un coussin dessus.
Parce que bon, l'Amour peut bien rendre aveugle, mais je n'ai jamais entendu qu'il vous prive de l'odorat pour autant, par contre le covid19 le peut, lui.

 

Ska, enfin Théo, me propose un café, entrouve la fenêtre puis s'allume une cigarette. Je fais de même. C'est peut-être pour moi l'occasion de laisser filer un pet silencieux en toute discrétion.
Camoufler l'odeur par la fumé.
Tout cela est quand même bien dangereux - non, je ne risque pas de m'enflammer en allumant une cigarette après avoir pété - cela pourrait faire un appel d'air dans lequel s'engouffrerait une chiasse incontrôlable. Je vais plutôt tenter ma chance aux toilettes, il y a bien des façons de procéder sans que l'on puisse le soupçonner. Un petit matelas de papier toilette; faire couler un filet d'eau avec le lavabo pour camoufler le bruit des éclats, etc.

Et alors que je me décide enfin à me lever pour aller aux toilettes, Théo choisit ce moment exact pour se confier.
On dirait qu'il le fait exprès pour "me faire chier", comme s'il le sentait et voulait jouer avec moi. Aussi bien sur le plan physique, que sentimental.

Et c'est de lui-même et sans que je le lui demande, qu'il finit par évoquer succinctement sa précédente relation.
Il résume la rupture au fait qu'ils n'avaient tout simplement pas les mêmes "besoins"...mais qu'il espère sincèrement que me concernant ce sera différent.

Enfin, c'est qu'il me dit en me prenant la main pour me conduire jusqu'à sa chambre.
À cet instant, c'est comme lors d'une partie de poker il faut retenir son enthousiasme et rester de "marbre".
Ce n'est pas si facile qu'on le croit, c'est comme d'essayer de contenir ses flatulences après un cassoulet, un café et une clope.

 

Jusque là, rien ne s'est passé comme je l'avais prévu et pourtant...Tout ça est si inattendu, comme un coup langue sur l'anus. Ce n'est pas désagréable, mais c'est surprenant quand on le fait sans prévenir. Et c'est surtout un peu malaisant quand on est indisposé ou barbouillé comme je le suis aujourd'hui. En plus, je ne me suis pas lavé et ça ne semble pas déranger Théo, bien au contraire. Rien ne semble l'arrêter, il est déterminé et cela me plait, mais j'ai quand même un blocage. Il faut que ça sorte. Et je me dis que ça pourrait être pire que de devoir retenir une crise de pets, je pourrais avoir mes règles et il aurait pu me les déclencher en plein acte.
"Assis toi sur mon visage, surtout ne te retiens pas, soulage-toi" me Susurre-t-il avant de descendre en moi. Mais comment sait-il que j'ai...il est rentré dans ma tête ou quoi? Non...et puis même...je ne peux pas...je dois laisser exploser ma...Totalement désinhibée, j'ai perdu le contrôle et découvert un sens nouveau à l'expression sexuelle "faire du sale". En dessous de moi, je vois sur son visage recouvert de merde noirâtre se dessiner un grand sourire avec ses dents blanches qui contraste, apparemment ça lui plait, il semblerait que Théo soit scato.

Avec un peu de recul, j'aurais peut-être dû le voir venir. Après tout son surnom c'était quand même Ska Théo. Est-ce que je me sens soulagé ? Quelques parts, oui, ça pourrait etre pire, il aurait pu être fétichiste des pieds, et moi, je déteste mes pieds. J'en ai une honte terrible.
Vous allez trouver ça ridicule, mais, imaginons que, je ne sais pas, vous désirez "pimenter" votre relation en utilisant la nourriture, mais qu'à la place des fraises, du chocolat et de la creme chantilly votre partenaire décide de se servir d'aliments que vous avez en aversion comme des champignons, des épinards ou bien de denrhées pour lequel vous êtes allergique et bien ce serait pareil que pour moi de le faire avec des pieds. Faut croire qu'on a tous nos préférences et nos répugnances.
Le bon coté des choses, c'est qu'au moins, je n'ai plus eu a avoir peur d'aller au toilette comme il est d'usage les premiers temps d'une relation amoureuse.