mardi 11 février 2025

Fusionnelles ou la bête à deux dos

Au début c'était juste des caresses, je pensais que c'était involontaire. On était au cinéma, je ne me rappelle plus du film, ce n’était pas important, et j'avais mon bras autour de la taille de Anna quand sa soeur, Johanna m'a effleuré la main.
Pour tout vous dire, j'ai d'abord pensé que c'était elle, avant de comprendre que ce n'était pas possible, que ce ne pouvait qu’être sa soeur. Et ça m'a quelque peu troublé.
Longtemps, j'ai hésité avant d'en parler à Anna, cela peut remettre tellement de choses en question que je n'osais pas y penser jusqu'à ce que cela finisse par m'obséder.
Dans les moments, les plus anodins, cette idée venait détourner mon attention du réel. Parfois même, cela gâchait l'innocence des plus purs instants.
À tel point que ça me déconcentrait au travail ou quand je conduisais... à m'en réveiller la nuit.

J'ai remarqué que cela s'est accentué depuis qu'on a emménagé ensemble...ou du moins depuis que j'ai rejoint la collocation qu'elle a avec sa soeur.
Au début, j'ai eu du mal à trouver ma place, faut dire qu'elles ont une relation tellement fusionnelle que parfois s'en était même difficile d'avoir un moment d'intimité, sans se sentir écouter ou observer.
Alors au bout d'un certain temps, je me suis dit que peut-être l'intégrer à nos ébats serait une façon de concilier les deux.

Ça n'a pas été facile d'amener le sujet sur la table - ou plus précisément sur le lit - sans passer pour le dernier des pervers.
Un gros dégueulasse qui ne chercherait qu'à baiser deux soeurs. Fantasme un peu tabou et pourtant assez courant dans la pornographie.
La pornographie, justement, influence bien souvent la sexualité des spectateurs...mais il ne faut pas oublier que le porno s'inspire des désirs de ses consommateurs.
On pourrait se questionner légitimement sur qui a inspiré l'autre, l'oeuf vibrant ou la poule qui l'utilise ?

Et puis, j'avais tellement peur que ça fragilise notre couple...que cela brise la confiance qu'elle porte en moi.
J'ai hélas eu quelques exemples autour de moi, qui vienne contredire les bénéfices supposés du triolisme, et qui doivent me servir d'avertissement.
Quelques fois, cela peut se conclure par une expérience malheureuse. Tenter la relation de trouple, c'est prendre le risque d'exposer son couple.
Ici, peu de chance qu'elle prenne gout à la chose et qu'elle me quitte pour elle, puisqu’il s'agit de sa propre soeur. Si elle avait voulu le faire, elle l'aurait sans aucun doute fait avant.
Bon, entre nous, qui n'a jamais rêvé d'un rapport sexuel avec l'être aimé et son double en même temps? C'est deux fois plus de plaisir, quand on est amoureux!
Imaginez un peu la situation, une double pénétration ne serait plus vue comme quelques choses de sale, mais plus comme un acte de l'ordre du divin, une représentation mythologique.
Et c'est peut être parce que je suis un gros geek que tout ça me fait un peu penser à cette scène dans le film "the Watchmen", où le Dr Manhattan se multiplie physiquement pour satisfaire l'appétit sexuel du Laurie Jupiter alias le "Spectre Soyeux". C'est dingue, peu importe, le pseudo de ce personnage, ça sonne comme celui d'une actrice porno.
Bref, je m'égare...on va mettre ça sur le compte de l'excitation parce que je m'apprête à le faire pour la première fois à trois.
Je tiens à clarifier les choses avant d'aller plus loin. Quoi que vous m'ayez dit avant que je finisse de vous raconter mon histoire, je sais pertinemment que vous ne pourrez pas comprendre.
Aussi ouvert d'esprit que vous prétendez l'être, je sais pertinament que vous changerez forcément de point de vue sur ma situation et me jugerez, irrémédiablement.

Comme toutes les premières fois, les caresses, les baisers sont empreints d'une certaine maladresse.
Gardez bien à l'esprit que les choses ne se passent pas toujours exactement comme vous l'aviez imaginé dans vos fantasmes...pour ainsi dire jamais.
Mais parfois...cela peut aussi dépasser vos attentes et même vos espérances...
Toutes deux me regardent avec une lueur de provocation dans les yeux tandis qu'elles s'enlacent.
Je m'approche, et de mes doigts caresse l'entre jambes d'Anna puis les glisse dans la bouche de sa soeur, Johanna, et elles s'embrassent.
Au bout de mes doigts, sa cyprine se mélange à sa salive, ses muqueuses sont si douces que j'en confondrais presque l'intérieur de sa bouche à celui de son vagin.
Leurs nuques se contorsionnent à mesure que leurs langues s'entremêlent à la manière qu'ont les serpents en s'accouplant.
Notre plaisir semble se décupler, toutes craintes que les attentions se divisent se sont évaporées, car maintenant, ne nous ne faisons qu'un, cette créature fantastique : la bête à trois dos.

Maintenant, oseriez-vous me dire que tout ça ne vous fait pas bander ?
Oh oui, je vous voie déja venir avec vos discours culpabilisateurs et votre morale hypocrite.
Et ce serait donc moi le dépravé ? Celui qui devrait vous inspirer du dégout. Seulement parce que cela ne correspond pas à vos valeurs, vos criteres, vos gouts ?!
Alors qu'au fond, que vous vouliez l'admettre ou non, ce n'est que de l'amour. Appelez ça consanguinité si vous le souhaitez, pour moi c'est juste du polyamour.
Nous sommes trois âmes soeurs siamoises, aux deux coeurs inséparables d'un amour insoutenable.

lundi 25 novembre 2024

Taulard

Tout le monde m'a mis en garde, mais je l'ai fait quand même. Ça pourrait très bien être mon épitaphe ou une phrase stupide que je me ferais tatouer plus tard, aujourd'hui c'est celle-là que je me fais piquer : "Good life" sur les phalanges avec un palmier et un verre à cocktail dessiné sur les pouces.
J'ai pas mal hésité avec "last life", une tête et une queue de chat. Il y avait aussi  "long exil", un papillon et une chaine brisée en référence au roman d'Henri Charriere, mais ça faisait peut être trop "taulard", et donc référence à mon boulot. Ce n’était clairement pas le but, voir même tout l'inverse pour être honnête.
Oui parce que je suis surveillant à la pénitenciere, un maton comme on dit! Un métier avec une pénibilité particulière il faut l'avouer.
Non seulement vous êtes enfermés avec des individus dangereux, mais bien souvent vous avez le sentiment que ce sont eux qui vous surveillent et non l'inverse.
C'est justement pour me rappeler à mes bons moments, quand les temps sont difficile entre ses murs qu'alors je regarde mes doigts et relativise sur l'instant. Et là, je pense à mes vacances, à ses souvenirs qui me sont chers, loin d'ici, de tous ses barreaux d'acier et murs de béton. C'est un peu ma façon à moi de m'évader l'espace d'un instant.

Ca faisait un moment que je voulais me faire tatouer les doigts, aussi loin que je me souvienne, je crois que ça remonte à cette époque où je regardais des vidéos clips musicaux sur MTV allongé confortablement sur le lit de la chambre de ma grande mère.
Il y avait celui de "What's my age again" de Blink 182 qui passait en boucle à ce moment-là avec leurs batteur, Travis Barker, qui était entièrement tatoué!
À moins que ce soit les freres Madden dans le clip "boys and girls" de good charlotte.
Vous l'avez compris, j'ai eu une adolescence influencée par la musique pop punk...rien ne présageait donc une orientation professionnelle autour des métiers de la sécurité et pourtant...

C'est un milieu professionnel des plus dangereux. Basiquement, vous pouvez vous faire planter à chaque instant et si vous n'êtes pas suicidaire en rentrant vous le deviendrez surement. Cela touche aussi bien les "résidents" que les "surveillants". D'ailleurs, on est tous quelques parts résidants, puisque nous autres "matons" logeons généralement dans les quartiers jouxtant la prison. Tout ça peut rapidement devenir étouffant. Vous ressentez cette étrange sensation que les murs se resserrent autour de vous un peu plus chaque jour qui passe. Cet uniforme qui vous colle à la peau au point de vous demander si vous aussi vous n'êtes pas qu'un matricule. Voilà, pourquoi je me suis tatoué le cou et les doigts, pour me réapproprier mon corps, ma personne.
On pourrait très bien faire le parallèle avec les murs d'une cellule de prison, sur lesquels un condamné dessine, inscrits des phrases pour s'approprier l'espace.

Et donc, comme je disais au début, ma famille, mes amis et mes collègues m'avaient mis en garde, avec plus ou moins de bienveillance au sujet des conséquences que cela implique.
"Si un jour tu changes de travail ou que tu as des recrutements, ça va poser problème";
Certes, de par mon statut de fonctionnaire, j'ai une relative "sécurité" de l'emploi même si je peux me faire tuer à tout moment. Pour ma part, je ne nourrit pas d'ambition professionnelle particulière, n'étant pas carriériste et les perspectives étant assez limités, la promotion interne n'a que peu d'intérêt pour moi comme pour beaucoup de mes collègues.
À croire qu'ici, tout le monde veut s'évader.
Si au début, je m'en foutais, cela a fini par m'atteindre jusqu'à m'inquiéter.
Pourquoi me discriminerait-on sur mes tatouages plus que sur une ma taille, mon sexe, une calvitie, une dyslexie, un accent ou même une mauvaise dentition ?
Outre le fait qu'elles peuvent indiquer un éventuel problème d'hygiène, cela peut également être le cas de vice bien plus inquiétant comme la toxicomanie ou plus couramment l'alcoolisme associé au tabagisme.
Sinon, on pourrait tout aussi bien se concentrer sur les qualifications du candidat, comme sa maitrise de l'expression orale et écrite, de la pratique de langues étrangères (prenez l'anglais par exemple, qui de nos jours, s'impose comme un indispensable), mais non, on préfère s'arrêter sur des détails futiles.

J'ai un job qui me permet de payer mes factures et de voyager un peu, j'ai une femme que j'aime, qu'est ce qu'il me faut de plus ?
Peut être que j'aime vivre dangereusement ou que tout simplement, j'ai envie de faire ce que je veux, sans me soucier des conséquences, après tout, chaque jour qui passent j'ai d'innombrables exemples de personnes qui ont fait des choix de vie bien plus discutables et controversés que des tatouages sur les doigts.
Est-ce une raison valable pour me mettre moi aussi, au banc de la société comme les détenus que je surveille à longueur de journée ? Parfois, j'ai l'impression qu'on a plus de mensuétude envers les criminels que ceux qui ont la difficile tache de les garder.
Quoi qu'il en soit, je prefere etre moi même, que de rester enfermé dans les standards de cette conformité.

lundi 21 octobre 2024

Histoires de tournée

Croyez-le où non, ceci est une histoire vraie!
Et comme tout événement fantastique, le doute divise toujours ceux qui en sont témoins.
C'est d'ailleurs encore le cas aujourd’hui des protagonistes du récit que je vais maintenant vous raconter.

Mais avant de commencer, je tiens à préciser que ce que vous allez lire là est un exercice un peu nouveau pour moi.
Durant toutes ces années, j'ai pris l'habitude de distiller un peu de moi entre les lignes de mes nouvelles, par toutes petites doses, via quelques clins d’œil, traits ou détails.
Il n'y a qu'à relever la présence de ce cher Carl le Carlin qui bien souvent se balade dans mes récits comme pour lever la patte et y marquer son territoire.
C'est donc un récit autobiographique que vous lirez là, ce choix se justifie par la simple nécessité pour moi de vous livrer la vérité sur ces étranges événements sans détour et telle que je les ai perçu.
Imaginez qu'on soit assis vous et moi au coin d'un feu de camp ou alors comme des enfants sous une tente faite de draps, le visage éclairé par le bas à la seule lueur d'une lampe torche pendant que je vous raconte ceci : "A cette époque je jouais les roadies (je m'occupais surtout de distribuer des flyers, faire le merch et amuser la galerie) pour un groupe de ska-rock qui s'appelait Solyass.
Ceux qui étaient ados dans le Vaucluse et qui écoutaient du rock entre 2003 et 2008 en ont forcément entendu parler à un moment donné.
Solyass donc, qui fort de sa notoriété locale grandissante aspirait à se faire entendre dans de nouveau territoire.
Bien qu'étant sudiste, le groupe nourrissait sans complexe l'ambition de se produire dans la capitale, ce qui finit par arriver après avoir écumé les salles de concert et les magasins Cultura d'une bonne partie de l'hexagone.
C'est d’ailleurs une tournée promotionnelle de leur album "des corps et décors" qui nous amenait en région parisienne.
Pour le jeune provincial de 20 ans que j'étais et qui n'avait encore jamais mis les pieds en ile de France, ne serait-ce même qu'à Eurodisney, ce voyage à Paname était une première, pour ne pas dire une aventure.
En déplaise à certain politique victime de la fièvre démagogique bienpensante ainsi qu'à l’agglomération de la ville de Saint Denis, qui se passerait bien de toutes mauvaises publicités, sa réputation n’était déjà plus a faire!
Famille et connaissances diverses nous avaient déjà mis en garde contre les banlieues parisiennes, en particulier le 93, que tout le monde qualifiait de ghetto, de jungle urbaine ou souvent comparait la zone au jeu video GTA.
Tout cela n'est qu'à peine exagéré, en témoigne c'est 10 jours passés là-bas, dans cette no-go-zone de non-droit.

C'est après plus de 7h route en mini-van que nous sommes arrivés.
Réveil difficile pour ma part puisque assis sur la banquette trois places à l'avant, je fus attaché (il suffit de faire passer le morceau de ceinture distendu derrière l'appui-tête) par les 4 assis derrière moi, même si je soupçonne Mathieu plus que les autres d'avoir fait le coup.
Un exemple des petits jeux stupides auquel nous aimions jouer en tournée.
Et c'est donc en chahutant bruyamment (7 jeunes hommes, je vous laisse imaginer l'ambiance!) que nous avons débarqué au motel F1.
Christian que tout le monde appelle Chrid pour une raison que j'ignore qui faisait aussi office de producteur/tourneur/chauffeur/manageur et père de Arnaud le chanteur réservait les chambres, pendant qu'on déchargeait les affaires dans l'entrée.
En montant à nos chambres, au dernier étage, nous croisons dans le couloir une femme intégralement voilée avec une enfant qui sortait de la dernière porte au fond, face à la notre.
La silhouette fantomatique aussi déroutante qu'inhabituelle n'occupa nos pensées que le temps de son passage et d'une petite réflexion humoristique entre nous.
Dans notre chambre, on s'attribuait les lits ou plutôt se les disputait et une fois tout le monde installé Mathieu, le batteur, sortit une bouteille de vodka accompagnée de jus concentré de citron et de quelques bières.
La soirée pouvait enfin commencer!
Je vous en épargne sa description et vous laisse imaginer ce festival de discussions grivoises, de paris stupides aux enjeux insensés, de rires et de flatulences auquel on peut s'attendre entre jeunes adultes ivres.
Deux chambres, deux ambiances.
La notre était un véritable défouloir pour ne pas dire un dépotoir quant à l'autre c'était le dortoir de Véran, Chrid et Fred tenter de faire abstraction du vacarme que l'on occasionnait.
À intervalle régulier, l'un d'eux frappait dans le mur mitoyen pour nous signifier qu'il fallait faire moins de bruit.
La fatigue nous gagnant comme le silence depuis un moment dans la chambrée, nous commencions à nous endormir lorsque Arnaud reçut un SMS de Véran nous demandant d’arrêter de crier à la surprise générale.
Nuit trop courte ou inconfortable, car entassé à 3 dans un lit deux places comme une fratrie pauvre; les ronflements de Chrid et Véran dans la chambre d'à côté qui faisait vibrer la cloison; au matin chacun choisissez son option pour justifier de sa fatigue et de son manque de motivation.
Une tournée promotionnelle de show-case peut rapidement s'avérer ennuyante : jouer le même set de 30 minutes 2 fois le matin faire une pause déjeunée, jouer encore 3 ou 4 fois avant la fermeture du magasin, répéter les mêmes blagues entre chaque chanson à un rythme d'usine en essayant de garder ce sourire clownesque forcé et surtout faire semblant d'y trouver encore de l'amusement.
Tout ce que vous finissez par souhaiter c'est la fin de la journée pour aller vous reposer ou vous détendre avec vos potes.
À vous de choisir la bonne chambre.

Et rebelote, nouvelle bouteille de vodka, nouveaux paris encore plus stupides.
Cette fois il était question que je boive un cocktail à base de Vodka et de jus de citron dans lequel j’aurais fait tremper mon gros orteil purulent (en cause un ongle incarné mal soigné).
Véran, Chrid ou Fred à côté qui tapaient encore pour qu'on arrête notre vacarme quand soudain un bruit vient couvrir le nôtre, un cri strident et terrifiant!
TA CHATTE QUI SENT LA MERDE!!! PETITE PUTE! HAAAAA!
OUIN..OUIN..OUIN..
Dans notre chambrée un long silence demeura durant lequel on se regarda tous les uns les autres avant d'exploser d'un rire nerveux et communicatif.
OUIN OUIN OUIN TA CHATTE QUI SENT LA MERRDDDEE!!
"On dirait des cris de femme et des pleurs d'enfants ?" fit Mathieu en me regardant.
"±." lui disais je en écoutant avec attention.
HAAAAA! SALOPE!!!! TA CHATTE QUI SENT LA MERDE!!!
"On se croirait plutôt dans un film d'horreur...c'est étrange, ça se répète, toujours les mêmes phrases...tu sais on dirait les samples de film d'horreur que certains groupes de grindcore utilisent en sample au début de certains morceaux"
"Ha peut-être.." me répondit Mathieu intrigué.
PETITE PUTE! SAAAAAALLLLLLOPE!!!!
Je me rapprochais sans faire de bruit, collais prudemment mon oreille contre la porte de la femme et chuchota à Mathieu : "Non..Non c'est bizarre, c'est drôlement fort" constatais-je en étant parcouru par un frisson de terreur.
TA CHATTE QUI SENT LA MERDE!!!!
"Je pense que c'est ça, mais c'est étrange! On devrait prévenir la sécurité."
Sur la pointe des pieds nous avons longé les murs du couloir jusqu'à l'ascenseur.
En bas, nous avons demandé au responsable de l’hôtel d’aller gentiment faire son boulot tandis qu'il était en plein visionnage d'un porno ou d'un match de foot.
Ce dernier nous raccompagna à notre chambre puis tapa avec insistance à la porte de notre voisine et après quelques longues secondes elle entrouvrit sa porte.
Alors qu'il lui demandait de "baisser le volume de la TV ou de la radio" et une voix de femme répondit "je n'ai rien d'allumé".
Cette seule phrase suffit à nous glacer le sang et faire de notre pire délire paranoïaque une certitude.
Arnaud était le septique de la chambré et naturellement il lança le débat autour de nos diverses théories sur ce qui se tramait de l'autre coté du couloir.
Évidemment, les cris reprirent 1h après, retentissant jusque dans notre chambre!
En dépit de deux descentes à la réception, nous abandonnions l'idée même de la faire cesser et je vérifiais le verrou de la porte puis m'endormis d'un sommeil alerte, recroquevillé sur moi même avec les mains jointes comme pour prier.

On s'habitue à tout, les ronflements des 3 autres de la chambre voisine, les odeurs de pied, de pet froid et même la gueule de bois...
Mais on se lasse de tout également, jouer toujours les mêmes chansons, sortir les mêmes blagues, manger à Flunch, faire les mêmes chorégraphies et les mêmes commentaires du public.
Alors quand vous voyez depuis votre fenêtre une voiture bruler sur la bretelle d'entrée du périphérique forcément vous êtes un peu excité!
D'autant plus quand vous venez d'une province où ce genre d’événement ne se déroule que dans les films ou les quartiers sensibles où personne n'oserait s'y aventurer hormis pour acheter du shit.
Même les cris de la folle de la chambre d'en face finissaient par faire parti du décor, c'était devenu à force un running gag pour combler les silences de façon comique.
Le rire avait pris le pas sur la crainte, les gars lui répondaient même en passant la tête dans l’entrebâillement de la porte, mais elle continuait de m'effrayer au fond de moi.
Et je trouvais au fond de la bouteille de vodka et les jeux alcoolisés avec Mathieu la distraction parfaite à mes peurs.
D'ailleurs l'histoire de la femme voilée et son bébé n'était pas le seul mystère durant ce séjour, il y avait aussi celui du "caca sur l'oreiller".
Au cours de notre rituel festif j’avais une fois de plus perdu en refusant de boire le shot de trop et était soumis à un gage.
Lors du précédent j'avais failli tomber en pissant par la fenêtre et donc logiquement avait demandé à devoir exécuter quelque chose de moins dangereux, c'est pour quoi je devais traverser le couloir tout nu ne tapant à toutes les portes.
Finalement, une fois déshabillé et devant la porte je me débinai.
In extremis, j'avais réalisé que je risquais de tomber sur la "fatma" comme aimait l'appeler Mathieu.
C'est alors que les trois autres de la chambrée se liguèrent contre moi pour m'évincer hors de la chambre, tout nu dans le couloir.
Au bout de quelque minute, ils me rouvraient la porte et je jurais à Mathieu que je me vengerais, qu'il ne devrait pas s'étonner de se réveiller au matin avec un caca sur l'oreiller.
Le lendemain, à ma plus grande surprise, mais pas seulement, celle aussi de Arnaud, Patrick et Mathieu un gros étron de chocolat filandreux était retrouvé enfoui tout pré de la tête de ce dernier, dans son coussin.
Bien que le seul à avoir acheté au distributeur et mangé des sucreries ce soir-là était Arnaud, personne ne s'était dénoncé et le mystère restait entier.

C'est au terme de notre quatrième et avant dernier jour de tournée que Chrid en sa qualité de producteur et manageur satisfait de nos ventes et de nos prestations nous invita au restaurant.
Évidemment, cela dégénéra en bagarre de nourriture où chacun avait pris soin de saboter le plat de son voisin et nous furent contraint de quitter prématurément les lieux.
À notre retour à l’hôtel nous remarquions un taxi à l’arrêt moteur tournant devant l'entrée qui venait de déposer un couple d'Africains.
Le temps de monter une partie de nos affaires à nos chambres et de retourner récupérer le reste au van, nous croisions à notre étage 3 hommes cagoulés sortir de l'ascenseur et se précipiter vers la chambre du couple africain.
Tout se passa à une vitesse....l'homme eu à peine le temps d'ouvrir la porte qu'une pluie de coups s’abattit sur lui tandis qu'elle se faisait frapper et arracher quelque chose des mains.
Les malfrats étaient repartis avec seulement une sacoche et rien d'autre tandis que les prétendues victimes, elles redescendaient en trombe pour regagner le taxi qui les attendaient étrangement toujours à l'entrée.
Arnaud, certainement le plus bagarreur d'entre nous, aveuglé par son courage ou n'ayant compris que partiellement la situation, avait voulu s'interposer en entendant les cris de la femme, mais avait été retenu par son père, heureusement pour lui et pour nous.
Qu'est-ce qui est plus effrayant qu'une voiture qui crame, une fatma frappa dingue et un caca sur votre oreiller? Se retrouver mêlé à un deal qui tourne au règlement de compte.
C'est ce que je pensais à ce moment-là sans me douter que ce qui m'attendait durant cette nuit me ferait changer d'avis.
Ah ça non, je n'étais pas encore au bout de mes surprises.
Tous ces événements étranges ne nous empêchèrent ni de faire une nouvelle fois la fête ni de trouver le sommeil.
Sauf peut-être les cris de la fatma qui reprirent de plus belle au milieu de la nuit après une relative accalmie en début de soirée.
Cependant il y avait quelque chose de différent et de beaucoup plus inquiétant dans ses cris qu'à l'ordinaire, on pouvait percevoir une sorte de tristesse dans ceux-ci.
Depuis notre porte laissée entre-ouverte, on l'a vit traverser le couloir à la manière d'un spectre, allant d'un point à autre sans se soucier de ce qu'il y avait autour d'elle ou de notre réalité, comme si elle errait hantée par d'éternels tourments.
Mathieu pris par une furieuse envie de pisser, bien que je lui ai déconseillé d'y aller et de plutôt se soulager par la fenêtre, se leva et se dirigea dans la même direction qu'elle : les sanitaires communs.
Il s'en suivit une longue attente inquiète ou je prêtais attention au moindre bruit provenant du fond du couloir.
Soudain, Mathieu réapparut dans l'encolure de la porte avec une expression étrange.
À ce moment-là, je n'aurais su dire si c'était là un signe d'un état d'ivresse avancé ou un rire nerveux et bien lucide.
La raison en était la découverte qu'il avait faite dans les sanitaires et qu'il me sommait de venir constater à mon tour.
Évidemment je refusais en me débattant tandis qu'il me trainait par les pieds dans le couloir jusqu'à ce que je cède.
De toute façon c'était déjà trop tard pour faire demi-tour et valait mieux ne pas faire de bruit que de risquer une confrontation avec la "Fatma".
Nous nous approchions prés d'un toilette à la porte entrouverte, c'était là que Mathieu avait uriné avant d'y découvrir cet intriguant sac poubelle qu'il me désignait du doigt.
Je m'approchais pour regarder à l’intérieur.
Un frisson me parcourait alors que je la savais enfermée dans une cabine de douche à quelques mètres de nous, le bruit de ses pleurs se confondant avec celui de l'eau ruisselante.
Penché au-dessus du sac, je renonçais à défaire le nœud et déchirait le plastique.
Une odeur infâme me parvint et me fit détourner le regard.
"Alors tu vois quoi?" m'interrogea Mathieu.
Je ne trouvais pas de mot pour décrire ce que je voyais, dans la semi-obscurité des toilettes je discernais des morceaux grisâtres et un liquide épais jaune, vert s'apparentant à du pu.
Quand l'eau de la douche cessa de couler, nous nous précipitions hors de la salle de bain pour prendre l'ascenseur et gagner la réception.
Je me souviens avoir eu cette peur panique dans ma fuite, cette peur d’apercevoir du coin de l’œil la fatma sortir et m'attraper d'une main monstrueuse.
Le veilleur de nuit qui commençait à nous connaitre à force, ne prêta pas beaucoup de crédit ni d'intérêt à ce que nous lui racontions (après tout, nous n'étions pour lui que des blancs becs de province) et décida de rester confortablement assis derrière sa banque, vautré dans sa fainéantise.
Inutile de préciser que cette nuit là, je ne dormis que d'un œil, l'autre étant resté braqué sur la poignée de la porte de notre chambre fermer à double tour.
Au petit matin, je croisai une femme de chambre qui récupérait les serviettes pour la blanchisserie et lui demanda de me suivre pour lui montrer quelque chose.
Le sac-poubelle était resté au même endroit où nous l'avions trouvé la veille et lorsque je demandais à la femme de ménage de me dire ce que c'était pour elle, cette dernière le souleva, l'ouvrit puis me répondit :"on dirait de la viande".
Il n'en fallut pas plus pour confirmer les théories les plus folles que Mathieu et moi avions élaboré.
Et tandis que notre chambrée s’affairait à ranger ses affaires en vue du grand départ tout en débâtant des événements de la nuit dernière, la fatma passa une dernière fois devant notre porte, elle quittait sa chambre avec sa valise, mais sans nourrisson.

Bien des années après, cette histoire invraisemblable, sujette à l’interprétation et au témoignage de chacun, continue d'animer nos discussions et de soulever des questions et peut être les votre maintenant.