C.H.A.T.S
Conspiration Humaine d'Attaques Terroristes Supposées
Tout le monde connaît une vieille dame qui vit avec ses chats, d’innombrables chats. Il y en avait une qui habitait dans une grande maison au coin de la rue. Pas très difficile de deviner où elle vivait, il suffisait de suivre le chemin de terre conduisant à sa demeure. Chemin qui n'était plus entretenu depuis longtemps, comme la maison elle-même. Le portail en bois grand ouvert donnait sur un jardin auquel le terme terrain vague correspondrait mieux. Les mauvaises herbes s'élevaient jusqu'aux fenêtres. Les volets restaient fermés jour comme nuit, on les entendait bouger quand les gonds rouillés grinçaient sous le souffle du vent. Le soir, une fumée noire s'échappait de la cheminée et à chaque fois, on craignait que ce soit la maison entière qui brûlait. Elle s'appelait Madame Abernathy mais plus personne n'utilisait son vrai nom hormis la factrice peut-être, et vu qu'elle ne recevait pratiquement jamais de courrier cela limitait l'échange. Les rares fois où elle sortait c'était par nécessité, celle de faire ses courses. Elle vivait seule, avec ses chats depuis plus d'une décennie. Ça n'avait pas toujours été ainsi. Elle avait été mariée autrefois mais un jour son mari était parti promener le chien et n'était jamais revenu. Elle pensait que c'était parce qu’elle ne pouvait avoir d'enfants. Des jours entiers à attendre, à se poser des questions en pleurant. Un soir où elle ne parvenait pas à trouver le sommeil, elle se mit à prier devant sa fenêtre les yeux fermés. Je ne sais pas quel souhait elle avait fait, mais il se passa quelque chose. S’il y a un dieu, il se manifesta ce soir-là. Quand elle rouvrit les yeux une étoile filante traversa le ciel ce qui la fit sourire. En fermant les volets, elle entendit un bruit aigu. Croyant au grincement des charnières des volets, elle fit jouer les battants pour en être certaine. Le silence demeura un instant puis le gémissement reprit. Il provenait des hautes herbes, elle s'approcha et vit que c'était un « mignon petit bébé chat tout noir ». Perdu et affamé, elle le recueillit. Son deuil serait plus facile avec une présence pensa-t-elle. Le temps passa et le nombre de chats vivant dans la maison augmentait un peu plus chaque année. Si bien qu'elle en possédait plus d'une centaine. Les félins avaient pris possession des lieux et refait la décoration à leur goût. Leur territoire s'étendait partout. Ils ne se contentaient pas seulement d'occuper le canapé, ils choisissaient aussi le programme télé. La chaîne info allumée en continu faisait office de fond sonore. Quand la vieille dame voulait changer de chaîne, elle se frottait à un mouvement de colère général de ses occupants. Elle avait deux passions, ses chats – mais ça je vous en ai déjà largement parlé – et l’Égypte ancienne. Sur son buffet en bois brun étaient exposées des dizaines de statuettes à la gloire de ce peuple du Nil. Ainsi elle avait donné à ses chats les noms des dieux tels qu’Osiris, Râ, Seth, Ptath...
Depuis
quelques mois, les renseignements
généraux essayaient de démanteler un réseau
terroriste islamique. Selon leurs informateurs, une cellule locale de ce mouvement avait pris refuge dans la région du New Jersey. Le petit village de New Egypt – ça ne s'invente pas– où résidait notre vieille dame, était dans le périmètre de recherche. Après des semaines d’investigation minutieuse, les enquêteurs soupçonnèrent la mamie vivant toute seule dans cette grande bâtisse au fin fond d'une impasse. Le lieu rêvé pour se cacher et préparer des opérations terroristes. La première question qui venait renforcer cette hypothèse était : comment avec cette maigre retraite faisait-elle pour vivre seule dans un tel logement ? Bien que sa propriété n'ait rien de luxueux, ni même d'entretenu, elle possédait un vaste terrain que nombre d'agents immobiliers avaient essayé de lui faire vendre.
généraux essayaient de démanteler un réseau
terroriste islamique. Selon leurs informateurs, une cellule locale de ce mouvement avait pris refuge dans la région du New Jersey. Le petit village de New Egypt – ça ne s'invente pas– où résidait notre vieille dame, était dans le périmètre de recherche. Après des semaines d’investigation minutieuse, les enquêteurs soupçonnèrent la mamie vivant toute seule dans cette grande bâtisse au fin fond d'une impasse. Le lieu rêvé pour se cacher et préparer des opérations terroristes. La première question qui venait renforcer cette hypothèse était : comment avec cette maigre retraite faisait-elle pour vivre seule dans un tel logement ? Bien que sa propriété n'ait rien de luxueux, ni même d'entretenu, elle possédait un vaste terrain que nombre d'agents immobiliers avaient essayé de lui faire vendre.
Un
matin, deux inspecteurs vinrent sonner à sa porte. Jones, l'agent à
la moustache, spécialiste en criminalité idéologique et son
partenaire Dick que l'on reconnaissait à ses lunettes de vue et sa
manie d'aspirer toute les deux secondes dans son
inhalateur. Ce dernier était connu pour ses théories complotistes extravagantes qui avaient valu au
binôme d'être la risée de tout le service. Surprise de cette visite, la première depuis bien longtemps, la vieille dame ouvrit la porte aux deux hommes pensant sûrement que c'était le facteur, qui d'autre sinon? A vrai dire, elle n'avait pas pu vérifier dans le judas à cause de sa dégénérescence maculaire qui l'avait pratiquement rendu aveugle. L'agent Jones, lui expliqua la raison de leur venue. Sur le pas de la porte, un chaton tigré roux, vint se frotter aux jambes de l'inspecteur Dick qui se mit à tousser et à agiter la jambe pour éloigner le mignon petit chaton. Elle demanda : « Qu'est-ce qui ne va pas Monsieur l'agent, vous n'aimez pas Tigrou ? » L'homme ne répondit pas, trop occupé à surveiller que l'animal ne revienne pas à la charge. Son
coéquipier expliqua alors qu'il ne fallait pas faire
attention à lui avant d'ajouter qu’'il était
ailurophobiaque. Autrement dit, il avait une peur panique des chats. Il caressa la tête de l'animal pour montrer à la dame qu'elle n'avait pas à s'inquiéter. Étonnée par cette réponse au début, elle eut un geste de recul mais à la vue de leurs insignes officiels, elle se résigna à les faire entrer. Bien sûr, elle aurait pu leur demander de revenir avec une injonction du tribunal ou un quelconque mandat comme il est courant de voir dans les séries télévisées mais elle n'avait rien à se reprocher alors pourquoi faire durer les choses. Elle prit dans ses bras le chaton, et fit à l'intention de Dick : « Les animaux sentent quand on a peur d'eux » en avançant le chat serré sur sa poitrine. Excédé, Dick rétorqua que ce n’était pas une peur mais une réaction allergique. Avant de
pénétrer dans la maison, il enfila un masque sur la partie inférieure de son visage et mit des gants en latex. Pendant que son équipier, Jones, faisait une visite guidée avec la vieille dame, Dick inspectait les lieux méthodiquement. Cherchant à tâtons une porte dérobée vers un passage secret qui mènerait à un repère terroriste, il sortit son détecteur de fréquences et commença à le pointer dans toutes les directions. D'abord vers le bas, soupçonnant une cache en sous-sol avec un équipement électronique conséquent comme il est courant dans les cellules terroristes. Rapidement, les ondes le conduisirent vers le salon où la télévision était restée allumée comme d'habitude. Cependant une chose étrange l'interpella. L'écran de son appareil de mesure indiquait une très basse fréquence qui dominait les autres ondes, entre 8 et 12 hertz. Sceptique, il
éteignit puis ralluma l'outil. L'écran affichait
toujours le même résultat. Il se rappela alors avoir lu quelque chose à propos du rythme cérébral des chats qui était constamment en alpha contrairement aux êtres humains qui eux étaient majoritairement en fréquence bêta. Il interpréta donc le résultat comme étant la mesure de l'activité électrique
cérébrale des chats, qui étaient présents en grand nombre dans la pièce. L'émission de ces ondes
expliquait en partie leur vertu à relaxer l'être humain, associé à l'endorphine qu'ils produisent en ronronnant. Durant quelques minutes, il observa la vingtaine de chats occupant la pièce miauler les uns envers les autres. La chaîne info sur le poste de télévision diffusait un débat politique. Quand les félins remarquèrent qu'ils étaient étudiés par notre agent des renseignements, ils s'arrêtèrent et commencèrent à se disperser. Dick se retourna dans l'intention de les suivre de loin et tomba nez à nez avec l'un d'eux, un énorme Maine coon penché au-dessus de lui, qui cracha pour exprimer son énervement. L'homme trébucha à terre, le chat sauta sur le parquet et avança entre ses jambes. Bientôt d'autres félins se rejoignirent et se mirent tous à faire le gros dos en marchant de travers. Le message était clair, Dick n'était pas le bienvenu ici. En guise de mise en garde l'un d'eux lui griffa la joue en soufflant. Terrifié, il se mit à courir dans la maison à la recherche de son partenaire. Personne au rez-de-chaussée. Il monta instinctivement les escaliers appelant Jones. Les chats l'observaient du bas de l'escalier. Il se mit à ouvrir toutes les portes de l'étage. Des chambres vides qui puaient le renfermé, le vieux et le chat, rien de bien surprenant pour une maison habitée par une dame âgée et ses chats. Il entendit du bruit dans le plafond, pensant que Jones se trouvait là-haut, il monta jusqu'au grenier. Il poussa la porte en bois grinçante. La pièce était sombre, à peine éclairée par une fenêtre œil de bœuf. La salle était remplie d'objets recouverts par de longs draps blancs. Au centre de celle-ci était entreposé quelque chose de plus volumineux que le reste. Ce n'était pas un objet mais plutôt un engin à en juger par sa taille. Animé par sa curiosité, l'inspecteur souleva le drap pour jeter un œil. C'était une machine, difficilement identifiable, même dans le cadre de sa fonction, il n'avait jamais rencontré une telle technologie. Soudain, il entendit un bruit, pensa à une énième représailles des chats il lâcha le tissu et se cacha derrière l'angle que formait la porte en s'ouvrant. Après un instant, il se rendit compte que le bruit venait du jardin. Il regarda par la petite fenêtre ronde et vit dehors, devant le porche Jones remercier la vieille dame d'avoir permis l'inspection de son domicile. Dick, se précipita à la porte mais au moment de franchir son seuil il vit les chats lui barrer la route. Dans son élan, il en heurta quelques-uns. Il dévala les escaliers sans se retourner bien qu’il les sentait à ses trousses.
inhalateur. Ce dernier était connu pour ses théories complotistes extravagantes qui avaient valu au
binôme d'être la risée de tout le service. Surprise de cette visite, la première depuis bien longtemps, la vieille dame ouvrit la porte aux deux hommes pensant sûrement que c'était le facteur, qui d'autre sinon? A vrai dire, elle n'avait pas pu vérifier dans le judas à cause de sa dégénérescence maculaire qui l'avait pratiquement rendu aveugle. L'agent Jones, lui expliqua la raison de leur venue. Sur le pas de la porte, un chaton tigré roux, vint se frotter aux jambes de l'inspecteur Dick qui se mit à tousser et à agiter la jambe pour éloigner le mignon petit chaton. Elle demanda : « Qu'est-ce qui ne va pas Monsieur l'agent, vous n'aimez pas Tigrou ? » L'homme ne répondit pas, trop occupé à surveiller que l'animal ne revienne pas à la charge. Son
coéquipier expliqua alors qu'il ne fallait pas faire
attention à lui avant d'ajouter qu’'il était
ailurophobiaque. Autrement dit, il avait une peur panique des chats. Il caressa la tête de l'animal pour montrer à la dame qu'elle n'avait pas à s'inquiéter. Étonnée par cette réponse au début, elle eut un geste de recul mais à la vue de leurs insignes officiels, elle se résigna à les faire entrer. Bien sûr, elle aurait pu leur demander de revenir avec une injonction du tribunal ou un quelconque mandat comme il est courant de voir dans les séries télévisées mais elle n'avait rien à se reprocher alors pourquoi faire durer les choses. Elle prit dans ses bras le chaton, et fit à l'intention de Dick : « Les animaux sentent quand on a peur d'eux » en avançant le chat serré sur sa poitrine. Excédé, Dick rétorqua que ce n’était pas une peur mais une réaction allergique. Avant de
pénétrer dans la maison, il enfila un masque sur la partie inférieure de son visage et mit des gants en latex. Pendant que son équipier, Jones, faisait une visite guidée avec la vieille dame, Dick inspectait les lieux méthodiquement. Cherchant à tâtons une porte dérobée vers un passage secret qui mènerait à un repère terroriste, il sortit son détecteur de fréquences et commença à le pointer dans toutes les directions. D'abord vers le bas, soupçonnant une cache en sous-sol avec un équipement électronique conséquent comme il est courant dans les cellules terroristes. Rapidement, les ondes le conduisirent vers le salon où la télévision était restée allumée comme d'habitude. Cependant une chose étrange l'interpella. L'écran de son appareil de mesure indiquait une très basse fréquence qui dominait les autres ondes, entre 8 et 12 hertz. Sceptique, il
éteignit puis ralluma l'outil. L'écran affichait
toujours le même résultat. Il se rappela alors avoir lu quelque chose à propos du rythme cérébral des chats qui était constamment en alpha contrairement aux êtres humains qui eux étaient majoritairement en fréquence bêta. Il interpréta donc le résultat comme étant la mesure de l'activité électrique
cérébrale des chats, qui étaient présents en grand nombre dans la pièce. L'émission de ces ondes
expliquait en partie leur vertu à relaxer l'être humain, associé à l'endorphine qu'ils produisent en ronronnant. Durant quelques minutes, il observa la vingtaine de chats occupant la pièce miauler les uns envers les autres. La chaîne info sur le poste de télévision diffusait un débat politique. Quand les félins remarquèrent qu'ils étaient étudiés par notre agent des renseignements, ils s'arrêtèrent et commencèrent à se disperser. Dick se retourna dans l'intention de les suivre de loin et tomba nez à nez avec l'un d'eux, un énorme Maine coon penché au-dessus de lui, qui cracha pour exprimer son énervement. L'homme trébucha à terre, le chat sauta sur le parquet et avança entre ses jambes. Bientôt d'autres félins se rejoignirent et se mirent tous à faire le gros dos en marchant de travers. Le message était clair, Dick n'était pas le bienvenu ici. En guise de mise en garde l'un d'eux lui griffa la joue en soufflant. Terrifié, il se mit à courir dans la maison à la recherche de son partenaire. Personne au rez-de-chaussée. Il monta instinctivement les escaliers appelant Jones. Les chats l'observaient du bas de l'escalier. Il se mit à ouvrir toutes les portes de l'étage. Des chambres vides qui puaient le renfermé, le vieux et le chat, rien de bien surprenant pour une maison habitée par une dame âgée et ses chats. Il entendit du bruit dans le plafond, pensant que Jones se trouvait là-haut, il monta jusqu'au grenier. Il poussa la porte en bois grinçante. La pièce était sombre, à peine éclairée par une fenêtre œil de bœuf. La salle était remplie d'objets recouverts par de longs draps blancs. Au centre de celle-ci était entreposé quelque chose de plus volumineux que le reste. Ce n'était pas un objet mais plutôt un engin à en juger par sa taille. Animé par sa curiosité, l'inspecteur souleva le drap pour jeter un œil. C'était une machine, difficilement identifiable, même dans le cadre de sa fonction, il n'avait jamais rencontré une telle technologie. Soudain, il entendit un bruit, pensa à une énième représailles des chats il lâcha le tissu et se cacha derrière l'angle que formait la porte en s'ouvrant. Après un instant, il se rendit compte que le bruit venait du jardin. Il regarda par la petite fenêtre ronde et vit dehors, devant le porche Jones remercier la vieille dame d'avoir permis l'inspection de son domicile. Dick, se précipita à la porte mais au moment de franchir son seuil il vit les chats lui barrer la route. Dans son élan, il en heurta quelques-uns. Il dévala les escaliers sans se retourner bien qu’il les sentait à ses trousses.
Arrivé
au rez-de-chaussée, un petit comité d'adieu l'attendait devant la
porte d'entrée, il s'enferma dans la cuisine plus par réflexe
qu'après
réflexion. À
sa
grande surprise, la cuisine était pourvue d'une sortie de service
mais quand il voulut l'utiliser, il se rendit compte qu'elle était
fermée à clef. Les vieux ont toujours peur des voleurs. Il
envisagea une seconde de passer par la chatière avant de réaliser
qu'il y avait une fenêtre grande ouverte au-dessus de l'évier. Une
fois dehors, il fit le tour du jardin pour rejoindre le portail où
son équipier l'attendait, discutant avec l'octogénaire.
Ils
quittèrent la propriété, pour regagner la voiture garée sur le
chemin de terre. Dick bien que soulagé d'avoir réussi à s'échapper
ne pût s'empêcher de jeter un dernier regard inquiet derrière lui.
Il vit la vieille dame essayant de fermer son portail et dans les
carreaux de la maison une centaine de têtes de chats qui
surveillaient leur départ de leurs yeux brillants. Sur la route
conduisant aux bureaux, Dick retira son masque et fit part de ses
hypothèses à Jones entre deux coups de brosse sur ses vêtements.
Comme je le disais plus haut, Dick était la risée de son service
mais pas seulement. Son coéquipier, depuis son affectation au
binôme, ne prenait plus au sérieux les théories extravagantes de
son partenaire. Quand celui-ci lui confia qu'il pensait que les chats
étaient une espèce extraterrestre Jones demeura silencieux,
sûrement lassé d'une situation qui devenait gênante pour ses états
de service.
Quand
l'inspecteur Dick avait une idée en tête, il pouvait y consacrer
tout son temps, ce qui expliquait en partie qu'il soit encore
célibataire la trentaine passée. Ainsi Dick une fois revenu chez
lui passa toute la nuit à rédiger son rapport. Au fil
de ses recherches, il exposa l'idée selon laquelle un complot de
taille planétaire se tramait. Pour
appuyer sa thèse, il disposait de dossiers qui
attestaient de la mort récente d'un brillant ingénieur en
informatique retrouvé pendu. Peu de temps avant sa mort, l'homme en
question avait contacté l'agence de renseignements concernant une
invasion extraterrestre sans toutefois être pris au sérieux.
L’enquêteur chargé de l'affaire avait conclu à un suicide en
dépit du fait que le rapport d'autopsie avait révélé une
occlusion intestinale causée par ce qui semblait être une boule de
poils félins. L'argumentaire de Dick venait se compléter par des
anecdotes sur l’Égypte ancienne, où les chats avaient une place
importante dans le culte religieux. Osiris, le dieu des dieux, se
déguisait en chat pour se mêler aux mortels. La déesse Bastet
était représentée avec une tête de chat mais fut aussi à
l'origine peinte en lion belliqueux tout comme la divinité guerrière
Sekhmet. Le sphinx, mi-homme mi- félin, symbole de la puissance
souveraine, était appelé « père de la terreur » par
les arabes. Les édifices de l’époque, notamment les pyramides au
vu des moyens de construction donnés laissaient beaucoup de
scientifiques et historiens perplexes. Ensuite, Dick remonta la
chronologie jusqu'au Moyen-âge où une croyance populaire racontait
que les chats étaient des créatures malfaisantes envoyées par
Satan pour peupler la terre. Une légende japonaise quant à elle,
disait que les chats à longue queue étaient capables de prendre une
apparence humaine et qu’ils avaient une influence négative sur les
hommes. Ne se contentant pas que du folklore pour étayer son
raisonnement, il faisait état des aptitudes reconnues par la
science. Comme par exemple le fait qu'en se frottant aux meubles, les
chats déposent des phéromones, ce qui permet de mieux contrôler
les humeurs de leur maître, ou de les droguer en quelque sorte. Il
mentionnait ensuite, leurs grands yeux ovales, rappelant ceux
qu'évoquaient les témoins lors de rencontres du troisième type et
ainsi leur capacité à voir dans le noir ou encore les émissions
d'ondes alpha de leur cerveau et leur ronronnement permettant de
diffuser leur idées sereinement. Il abordait également leur
fabuleuse adaptabilité, l'utilisation du langage en guise de réponse
à l'homme prouvant ainsi toute leur intelligence, leur capacité à
prévoir les séismes. Il finissait son rapport en soulignant le
danger que représente le contact quotidien d'un chat. En effet,
l'animal est porteur d'un parasite qui peut favoriser des cancers du
cerveau ou la toxoplasmose, virus s'attaquant au système nerveux de
l'homme et visant particulièrement les femmes enceintes.
Le
lendemain matin, à son arrivée au bureau, l'un de ses collègues
lança à l'intention de Dick : « Regardez qui voilà,
l'Inspecteur Fox Mulder en personne ». Un autre, les mains
au-dessus de la tête mima des oreilles de chat en miaulant puis
s'arrêta devant lui en dessinant avec ses doigts de grands yeux
ovales avant de crier : « Vision nocturne !» Soudain
sortant de la masse, une jeune femme en tailleur, peut-être une
secrétaire, s'interposa entre eux : « Arrêtez quoi... Il
a raison, dans les films le chat est toujours le compagnon du
méchant. » Tout le monde se mit à rire sans complexe de la
blague sauf le principal intéressé. Elle ajouta : « Le
directeur vous convoque en salle de conférence, Inspecteur Gadget. »
Dick s'engagea dans le couloir sous les gloussements de ses collègues
qui l'observaient passer devant leurs bureaux. Il tenait à la main
son rapport, non sans appréhension. Il retrouva Jones qui
l'attendait sur le pas de la porte. Il frappa et le directeur vint
ouvrir aux deux hommes, il leur serra la main et les invita à
s’asseoir en face de lui. La
pièce affichait sur ses murs de nombreuses décorations
de guerre et autres trophées de chasse. Sur le bureau une plaque en
métal dorée indiquait son nom, Commandant Mitchell. Le directeur
était un homme dans la force de l’âge, aux épaules larges et au
regard sévère : « Dick, puis-je voir votre rapport
concernant le quadrillage de la zone prioritaire ? »
fit-il sur un ton monocorde.
Au
bout de quelques minutes à examiner le dossier qu'il avait dans les
mains, il changea de regard puis ferma brusquement le document et
leva les yeux sur le binôme. Dick pensant avoir Mitchell acquis à
sa cause fit une requête : « Comme vous pouvez le lire
dans mon rapport, j'ai été confronté dans le grenier de Madame
Abernathy
à une machine que je ne saurais identifier par mes seules
compétences. Ainsi, j'aimerais poursuivre l'investigation si vous me
le permettez. Pour cela, j'aurais besoin, d'un chien ou d'un rat
entraîné à la recherche d'explosifs, en plus d'un ingénieur en
technologie de pointe mais surtout j'aimerais un mandat pour
soumettre la propriétaire et quelques uns de ses chats au test
Rosenfeld1.
- Hum...
et vous comptez interroger comment ses félins ?
- Pas
besoin de parler si c'est à ça que vous faites allusion. Comme vous
le savez, il nous suffit juste d'analyser le
relevé encéphalographique pour obtenir nos réponses
mon commandant.
- Je
vois... Toujours est-il que ce test n'est fiable qu'à 83 % alors de
là à l'expérimenter sur des animaux vous imaginez. C’est
ridicule. Et ce qui l'est d'autant plus, c'est d'envoyer un chien ou
un rat dans une maison rempli de chat. Non mais vous imaginez un peu
la scène Dick ? Vous n'êtes pas sérieux ?! Dick, répondez ! »
Décontenancé,
le jeune inspecteur ne sachant quoi répondre balbutia des sons sans
arriver à former de mots. « Vous devriez vous reposer... »
fit le commandant avec un regard plein de compassion.
«
Je... je... dois clore ce dossier avant, s'il-vous-plaît.
- Puisque
vous me forcez la main Dick, je vais devoir vous mettre à pied
- Non
Commandant... Vous ne comprenez pas, c'est d'une importance
capitale.
- Ne
discutez pas mes ordres Dick, rendez-moi votre plaque et votre arme.
Et que je n’apprenne pas que vous avez
encore importuné cette vieille dame aveugle. »
L'enquêteur rendit son insigne et son revolver, récupéra son rapport et quitta le bureau le dos courbé et les sourcils bas. Une fois Dick parti, Jones, resté assis dit : « Il va trop loin, cela devient gênant pour nous. » Le Commandant Mitchell acquiesça en se redressant sur son siège :« Oui... s'il continue comme ça il risque de... »
Le
lendemain, Dick fut retrouvé mort dans son appartement. Le cadavre
fut découvert par la concierge, alertée par une tache d'humidité
qui s'était formée sur son plafond. La police découvrit par la
suite que cela avait été occasionné par un robinet resté ouvert.
Ses collègues de l'agence vinrent inspecter la scène de crime.
Aucune trace d'infraction ou de lutte, les inspecteurs conclurent à
un suicide par arme à feu, ce que venait confirmer la lettre
tapuscrite retrouvée près du corps. Ils ne relevèrent pas la
présence de poils de chat sur ses vêtements, lui qui y était
allergique, ni même la disparition du dossier que Dick avait ramené
avec lui. L'agitation qu'avait créée la mort de l'inspecteur avait
attiré l'attention du voisinage. Après le passage de la civière,
un voisin curieux ouvra sa porte pour demander ce qui se passait, son
chat se faufila entre ses jambes pour se promener dans le couloir
balançant joyeusement sa queue de gauche à droite.
L'appartement
de Dick ne fut pas sans occupants très longtemps. L’enquête,
quant à elle, fut même bâclée. Ce
n'est pas sa famille qui aurait réclamé une révision ou qu'elle
soit approfondie, il n'en avait pas. Pas plus qu'il n'avait d'amis ou
de relation amoureuse. Dick était un solitaire, du genre
célibataire endurci qui mange ses repas devant un épisode de Star
Trek. Personne donc ne réclama ses effets personnels. Il n'était
pas non plus propriétaire, pour quoi faire ? Qui en hériterait ?
Après
quelques petits travaux de rafraîchissement, le changement des
moquettes – à
cause du sang et de l'eau qui avaient imbibé les tissus – et
peintures, les lieux étaient prêts à accueillir de nouveaux
locataires.Le bailleur avait choisi le dossier d'une jeune veuve et
de sa fille, sûrement avait-il été pris par les sentiments. Six
mois plus tôt, Marion avait perdu son mari, la laissant seule avec
Sabrina, tout juste adolescente. La mère avait dans les premiers
temps envisagé de garder la maison familiale, mais face à l'ampleur
de la tâche que représentait l'entretien d'une telle surface elle
fut contrainte de renoncer. La vérité c'est qu'il était pour elle
de plus en plus difficile de se confronter aux souvenirs qui
hantaient les lieux. Ça aurait bientôt fait vingt ans de mariage,
les noces de porcelaine, c'est ce qu'elle s'était dit en quittant
son ancienne maison. L'emménagement avait été difficile, les
cartons envahissaient l'espace et plus elles déballaient d'affaires
moins elles pensaient tout faire rentrer dans leur nouvel
appartement. C'était un deux pièces contenant une chambre, un
salon, une cuisine, une salle de bain et des toilettes. Marion
dormait dans le salon, de toute façon elle n'avait pas besoin de
plus d'intimité que ça et comme c'était toujours elle la dernière
couchée et la première levée, ça ne lui posait pas de problème.
Le mobilier familial avait été vendu au profit de meubles en kit
tout neuf. Le changement était total et leur permettait d'aller de
l'avant. Une fois la décoration finie, la routine pouvait reprendre
son cours, c'était tout ce à quoi elles aspiraient. Certes une
photo du père et défunt mari trônait toujours sur le buffet mais
c'était la seule chose qui appartenait au passé.
Sabrina
comme toute adolescente, aimait passer son temps sur internet à
parler avec ses copines et à écouter de la musique. C'est ce qu'ils
font tous à son âge. Mais ce qu'elle préférait, c'était regarder
les vidéos de chats stupides sur Youtube. Ces chats qui
sautent, essaient de parler, se déguisent ou prennent des pauses
grotesques. Elle ne se lassait pas de voir et revoir Maru, un chat
coréen s'enfiler tout seul des pots de yaourts vides sur la tête
pour parader ainsi tout fier devant la caméra de son maître. De
temps à autre, le chat du voisin s'invitait dans leur appartement,
en passant d'un balcon à l'autre. C'était l'occasion pour Sabrina
de jouer avec lui ce qui n'échappait pas aux yeux de sa mère. Le
matin de ses 16 ans, Sabrina trouva sur la table de la cuisine une
enveloppe laissée par sa mère qu'elle ouvrit. La carte
d'anniversaire représentait un chaton avec un nœud de cadeau sur la
tête. Elle sourit, reposa la carte sur la table et s'installa pour
déjeuner. Le soir alors que sa mère n'était pas encore rentrée du
travail, Sabrina regardait la télévision tranquillement après une
longue journée de cours. Soudain la chasse d'eau des toilettes
siffla à travers tout l'appartement, elle eut beau monter le son, le
bruit persista. C'est alors qu'elle se leva du canapé où elle était
allongée pour voir d'où cela provenait. Dans la salle de bain, elle
comprit que le mécanisme de la chasse d'eau avait cessé de
fonctionner provoquant le vacarme. L'adolescente essaya de tourner le
robinet se trouvant sur le tuyau d'arrivée d'eau mais rien ne se
passa. En ouvrant le couvercle, elle découvrit qu'une grande
pochette plastique empêchait l'obturateur de se rabattre sur la
conduite. Elle le retira, et le sifflement cessa instantanément.
Après avoir retiré le manuscrit de l'emballage étanche, la jeune
fille se mit à le lire. Ce qu'elle pensait être le manuel de la
chasse d'eau s’avérait être un dossier top secret laissé par le
précédent locataire, l'inspecteur Dick. La lecture du document la
partageait entre amusement et inquiétude. Il mentionnait des études
démontrant que le chat provoque des cancers du cerveau, qu'il
transmet la toxoplasmose aux femmes enceintes afin d’empêcher
l'homme de se reproduire. Il évoquait les ravages de la drogue
« Meow Meow », très meurtrière notamment en
Angleterre, et le maire le plus célèbre d'Alaska qui était un chat
du nom de Stubbs. Il désignait les vidéos de LOLcats
comme une savante opération de communication et s'interrogeait sur
le contenu du site Cashcat.biz qui compile des
photos de chats assis sur des montagnes de billets, avec des armes et
de la drogue. Elle voulut vérifier certaines informations avec son
ordinateur quand elle entendit sa mère sur le pas de la porte. Dans
la surprise, elle remballa le dossier dans sa pochette et le replaça
dans la chasse d'eau avant de refermer le couvercle. Marion qui était
dans l'entrée demanda à sa fille de fermer les yeux et d'avancer
dans le couloir. Quand elle fut autorisée à les rouvrir un mignon
chaton blanc se tenait devant elle, en train de jouer avec le ruban
cadeau qui lui servait de collier. Elle porta ses mains à sa bouche.
«
Oh... maman! Merci, mais fallait pas...
-
Comment ça ? C'est pas ce que tu voulais ?
-
Si... si... bien sûr que oui, c'est juste que je ne m'y attendais
pas... »
Elle
se baissa, l'animal la dévisagea de ses yeux verts et vint se
frotter à ses jambes. Sabrina le prit dans ses bras, le tenant
contre son épaule. Sa mère lui demanda :
«
Comment tu vas l'appeler ? »
Ce
à quoi l'adolescente, entre deux caresses, répondit par une autre
question :
«
Ça dépend c'est une femelle ou un mâle ? »
Marion
approcha sa main de la tête du félin :
«
C'est une femelle ma chérie. »
Sabrina
déclara :
«
Alors je l’appellerai Kitty, ça te plaît comme nom hein ? »
fit-elle en s'adressant finalement au chaton.
Les
jours passèrent et Sabrina n'arrivait pas à oublier ce qu'elle
avait entraperçu dans le dossier de Dick. Sa mère commençait à
s'inquiéter de la voir se réfugier un peu trop souvent aux
toilettes avec la fenêtre ouverte. « Ma
fille se met à fumer en cachette. » C'est ce que
n'importe quelle mère penserait et c'est bien ce que soupçonnait
Marion. Bien sûr, Sabrina aurait pu lire le document secret dans sa
chambre mais si son chat était vraiment ce que Dick déclarait dans
son rapport le risque encouru était trop grand. Elle avait de
nouveau essayé de vérifier discrètement certaines informations sur
son ordinateur mais son chat s'était allongé sur le clavier
empêchant toute recherche sur internet. Elle avait tenté de le
déloger mais celui-ci persistait. Après de longs moments à
observer ce comportement chez Kitty, Sabrina était incapable de
déterminer si c'était un jeu ou une machination. Elle voulut en
avoir le cœur net. Dans son dossier, Dick faisait mention d'une
série de tests pour déterminer les intentions de l'animal.
Il
s'agissait d'un questionnaire portant sur les réactions de votre
chat :
1.
Vous allumez la télévision, vous zappez jusqu’à tomber sur la
chaîne info...
a)
Il cherche à savoir d'où viennent les bruits.
b)
Il dort sur le canapé, rien ne peut troubler son sommeil.
c)
Il vous rejoint, s'installe, attentif à ce qui se passe dans la
boite à images.
2.
Devant une porte fermée...
a)
Il attend assis ou couché devant pour qu'on lui ouvre.
b)
Il miaule sans arrêt et gratte furieusement.
c)
Il a sa propre méthode pour ouvrir la porte.
3.
Vous êtes à table, vous vous apprêtez à manger...
a)
Il attend que vous lui donniez des restes.
b)
Il monte sur la table, défiant votre autorité pour vous volez la
nourriture de la bouche.
c)
Il va directement en cuisine se servir.
4.
Vous vous réveillez dans la nuit, votre chat est...
a)
Dans son panier.
b)
Au pied du lit.
c)
Sur votre visage en train de ronfler.
5.
Dans le jardin vous envoyez une balle à votre chat...
a)
Il s'en fiche, il préfère prendre un bain de soleil.
b)
Il ramène la balle comme le ferait un chien.
c)
Il vous ramène un oiseau mort, ce qui dans certaines cultures peut
s’interpréter comme une offrande ou un avertissement.
6.
A la maison...
a)
Il vous colle, toujours installé à moins d'un mètre de vous.
b)
Il n'est jamais avec vous.
c)
Il est rarement auprès de vous, sauf quand vous êtes malade,
vulnérable.
7.
Devant un insecte qui vole...
a)
Il se contente d'observer.
b)
Il ne réagit pas.
c)
Il le capture, le tue mais ne le mange pas, c'est juste pour le
plaisir de tuer.
8.
Si votre chat croise un autre chat...
a)
Il est agressif.
b)
Il est indifférent.
c)
Il est tour à tour intrigué, sociabilisant puis câlin.
9.
Vous donnez un ordre à votre chat...
a)
Il obéit.
b)
Il est indifférent ou ne comprend pas.
c)
Il vous regarde en se léchant l'entrejambe, l'air de dire :
« Je m'en bats les couilles. »
10.
Vous appelez votre chat...
a)
Il ne vient pas.
b)
Il vient.
c)
Il vous prend par surprise, en bondissant de sa cachette, derrière
vous.
Petite
questions bonus de prévention :
Pour
quelle raison les chats n'aiment-ils pas l'eau ?
a)
C'est culturel, leurs ancêtres étant originaires des régions les
plus désertiques du Moyen-Orient.
b)
A cause du manque d’imperméabilité de leur pelage.
c)
L'homme étant constitué à 60% d'eau et le chat étant une race
extraterrestre, c'est pour lui une réaction instinctive.
Quand
un chat vient se coller à vous et exerce des pressions avec ses
pattes sur votre ventre c'est :
a)
Un signe d'affection, il fait son nid auprès de vous.
b)
Un geste qui lui vient de son enfance quand il essayait de tirer le
lait de sa mère.
c)
Il teste les défaillances de vos organes internes.
Si
à l'issue du test votre chat a obtenu au moins quatre réponses C,
cela signifie que vous êtes peut-être en danger. Votre animal
maîtrise les codes du monde des humains ! Vous qui l'observez
actuellement, sachez que lui aussi vous a longtemps étudié jusqu'à
imiter certains de vos gestes et savoir exactement se faire
comprendre. De plus, sachez que le chat utilise uniquement sa voix
pour se faire entendre de l'homme. Dans son milieu naturel, il a
d'autres modes de communication. Faites attention, il sait tout de
vous et a certainement une longueur d'avance sur vous.
A
peine avait-elle fini de remplir le questionnaire, troublée, qu'elle
appela le chat qui surgit de sous le lit. Sabrina cria sous le coup
de la surprise. Quand elle retrouva ses esprits, elle s'approcha du
chat avec un de ses jouets à la main. Pour ne pas que le chat se
rende compte de l'expérience elle décida de profiter d'un moment de
jeu. C'est alors que sa mère passa la tête par le cadre de la
porte, lui demandant de mettre la table, puis celle-ci s'en alla
allumer la télévision. Marion ne ratait jamais le journal télévisé
de 20 heures. Kitty s'installa aussitôt devant la télévision. La
jeune fille prit la télécommande et changea de chaîne, puis la
reposa sur le canapé. Le chat se jeta sur elle pour piétiner la
télécommande jusqu’à ce que la chaîne info revienne à l'écran.
Le chaton courba le dos et sortit les dents, soufflant en direction
de sa maîtresse. « Arrête de jouer avec le chat, on va
manger », lança Marion à sa fille. Elle s’exécuta sous le
regard menaçant de l'animal qui se retourna vers l'écran après son
départ. La présentatrice blonde en tailleur foncé annonça la
venue dans les prochains jours du président Ron S. Whitmore à
l'occasion du Mémorial de la célèbre bataille de Trenton. Sabrina
en observant la scène depuis la cuisine, réalisa toute l'ampleur du
danger. Les chats prévoyaient un attentat à l'encontre du pays.
Ce
soir là, le dîner fut silencieux et difficile à avaler. Elle en
fut même malade, sans que sa mère ne comprenne pourquoi. Marion
était pourtant infirmière. Kitty vint à son chevet dans la nuit,
ce qui ne fit rien pour rassurer Sabrina.
Le
lendemain, Sabrina prépara son sac de cours comme à son habitude à
la différence près qu'elle y ajouta un classeur supplémentaire,
contenant le dossier de l'agent Dick. Elle se dirigea vers la salle
de bain pour le récupérer quand elle vit derrière elle Kitty
surgir de nulle part. Elle se précipita à l'intérieur claquant la
porte derrière elle. Pensant l'animal coincé dans le couloir, elle
verrouilla la serrure. Or il avait réussi à rentrer. Le chat lui
sauta au cou mais elle l'attrapa en plein vol et le jeta dans la
cuvette qu'elle referma aussitôt. Pour éviter que la bête ne
sorte, elle s'assit sur le couvercle. Malgré sa petite taille
l'animal tapait suffisamment fort pour faire trembler le toilette
avec Sabrina dessus. Sabrina savait qu'elle ne retiendrait pas bien
longtemps l'animal ainsi. Cherchant du regard un objet plus lourd
pour maintenir la cuvette fermée, elle eut l'idée qui lui sauva la
vie : utiliser le désodorisant pour tuer le chat. Elle se pencha sur
le côté pour attraper le spray. Profitant du contre poids le chat
parvint à glisser une patte au dehors. Il déchira l'air de ses
griffes acérées. Sabrina s'en rendit compte et bascula tout son
poids à cet endroit. La patte coincée, l'animal hurla et
l'adolescente l'aspergea de désodorisant tout en se couvrant la
bouche et le nez avec du papier toilette. Sous l'effet de surprise,
il retira son membre et l'abattant claqua contre le siège du WC.
Après
plus d'une minute, la bombe vidée entièrement de son
gaz, Sabrina écouta attentivement avant de tirer la chasse pour
achever le calvaire de Kitty. La jeune fille eut
trop peur de
regarder à l'intérieur pour vérifier que son chaton soit mort.
Elle souleva le capot du mécanisme de la chasse d'eau, récupéra le
dossier de Dick, referma le couvercle et déverrouilla la porte.
Avant de se rendre au défilé du Mémorial, elle passa récupérer
son sac et son classeur dans sa chambre et ne put s’empêcher de
jeter un dernier coup d’œil en direction de la cuvette des
toilettes. Le claquement de la porte résonnait encore dans la cage
d'escaliers, que Sabrina franchissait déjà le portail de
l'immeuble.
Trenton,
la petite ville tranquille du New Jersey, accueillait aujourd’hui
le président pour une commémoration. C'était un événement sans
précédent pour ses habitants. Il y avait foule sur Hamilton Avenue.
Pour l'occasion, des vigiles étaient postés tous les trois mètres
sur le trottoir pour prévenir d’éventuels débordements. La mise
en place de barrières n'avait pas été jugée nécessaire,
seulement la présence d'un cordon de sécurité. Sabrina arriva sur
le lieu du rassemblement et put se faufiler à travers la foule grâce
à sa petite taille. Elle atteignit rapidement le premier rang. Elle
pouvait entendre le cortège et sa fanfare approcher doucement à
moins d'une centaine de mètres. Ses doigts se crispaient contre la
pochette cartonnée du dossier. Sans savoir pourquoi elle présageait
le pire, pourtant tout n'était que sourire et joie autour d'elle.
Les gens brandissaient des pancartes en chantant l'hymne national se
tenant amicalement par les épaules.
Quand
le cortège arriva à sa hauteur, l'adolescente passa en-dessous du
cordon et s’élança en direction de la voiture présidentielle. Le
vigile n'avait pas eu le temps de réagir qu'elle était déjà
contre le véhicule essayant d'attirer l'attention de l'homme d’État.
Sabrina cria quand l'escorte l'attrapa et commença à la ramener sur
le bord de la route. Le président fit signe au service de sécurité
de s’arrêter un instant et se pencha vers l'adolescente.
« Qu'y
a-t-il mademoiselle ?
« -
Bonjour Monsieur le président... Excusez-moi... Je crois que vous
êtes en danger... Lisez ceci. »
Elle
sortit le dossier caché sous sa veste au niveau de la poitrine ce
qui déclencha une vive réaction chez les vigiles. L'un d'eux reçut
un appel sur son talkie-walkie. Après ça, les vigiles
raccompagnèrent subitement Sabrina à l'écart tandis que d'autres
reconduisirent précipitamment le président dans son véhicule. Le
bruit d'une explosion retentit dans la foule, suivi du démarrage en
trombe de la voiture.
Une
demi-heure après, quand l'escorte présidentielle fut arrivée à
Newark, au bureau du FBI, une conférence de presse fut organisée en
urgence. Pendant le trajet, Ron S. Whitmore avait eu le temps de
feuilleter le dossier transmis par la jeune fille. Avant de monter
sur scène, un de ses assistants lui annonça qu'elle faisait partie
des nombreuses victimes de l'attentat. Lors de son discours, le
président apparu avec une tristesse non dissimulée, rapportant
qu'il n'avait que « trop peu d'information pour l'instant mais
que les auteurs de cette catastrophe seraient retrouvés et jugés.
God Bless 'Merica ! » Le chef d’État quitta ensuite
l'espace de conférence. Mitchell, le directeur de cette antenne du
FBI vint à sa rencontre : « Monsieur le président, nous
sommes prêts pour vous faire notre débriefing si vous le voulez
bien. Nous pensons détenir des éléments très importants. »
Les
deux hommes avancèrent dans un long couloir débouchant sur une
grande salle comprenant deux écrans géants accrochés au mur.
«
Tout d'abord, pour mieux comprendre l’événement et
l'analyser, nous avons utilisé CoSync qui comme vous le savez est un
logiciel qui récolte toutes les sources vidéos et audios provenant
des téléphones portables, des appareils-photos ou encore des Google
Glasses et émis à un moment et à un lieu précis grâce aux
réseaux Bluetooth, Wi-fi et 3G, ainsi qu'aux réseaux de données
LTE. »
Mitchell
se tenait droit le torse bombé fier de ses trouvailles
technologiques quand le président Whitmore l'interrompit d'un geste
de la main : « Évitez-moi votre charabia de geek. »
Mitchell
toussa légèrement puis sourit mal à l'aise : « Pour résumer
cet outil nous permet de former un panorama interactif, de regarder
une seule version des événements, comme si on y était. Ce que nous
avons découvert grâce à ce système, c'est que les commanditaires
des attentats ne sont pas que des hommes. D'ailleurs, ce n'est même
pas l’œuvre d'un homme. Ils ont utilisé des chats pour faire le
travail à distance et en toute impunité. »
Le
président Whitmore qui avait les yeux rivés sur les deux écrans
géants tourna la tête vers son interlocuteur : « Monsieur
Mitchell, tout cela je le savais déjà, c'était inscrit dans le
dossier que m'a donné la jeune fille avant de... A ce propos, si je
puis me permettre c'était un dossier top secret appartenant à l'un
de vos subordonnés je crois... L'inspecteur Dick si mes souvenirs
sont bons. Comment expliquez-vous cela ?
« -
Il
a dû être égaré. Je pensais qu'il avait été supprimé.
-
Et ce Dick où est-il ? Égaré lui aussi ?
-
Non Monsieur le président. Nous avons retrouvé l'inspecteur Dick
mort dans son appartement il y a quelques mois. Il semblerait d’après
nos enquêteurs qu'il se soit suicidé.
-
J'en suis attristé. Il nous aurait été d'une grande utilité. Il
faudra que nous reparlions de tout cela plus tard. » dit-il en
pointant un doigt menaçant sur son interlocuteur avant de se
retourner vers les écrans géants.
«
Savez-vous pourquoi le D.A.S2
n'a rien signalé au moment des faits ?
-
Apparemment, les vieilles dames et les chats ne sont pas dans les
critères de menaces potentielles du système.
-
Des vieilles dames ?
-
Oui en effet. Après analyses des images de vidéosurveillance
biométrique par nos équipes nous avons remarqué que peu de temps
avant l’explosion, une vieille dame était rentrée dans le
bâtiment avec un chat dans une cage. Au début, nous n'avons pas pu
l'identifier sur les bandes, une énorme tache blanche apparaissait à
la place de son visage. Il aurait pu s'agir d'un reflet, mais sur ce
type de matériel c'est tout simplement impossible. En
corrélant d'autres
sources provenant de caméras de technologie standard nous avons
enfin pu comprendre l'origine du problème. Ce que les agents de
sécurité lors du contrôle à l'entrée du bâtiment, compte tenu
de l'âge supposé de la vieille dame, pensaient être de simples
lunettes pour traiter une dégénérescence maculaire, était en
réalité un astucieux dispositif de brouillage. Les dites lunettes
étaient sans aucun doute équipées de leds infrarouges, invisibles
à l’œil nu mais très efficaces pour tromper les caméras
biométriques. Ainsi, la reconnaissance faciale devenait impossible.
- Je
vois. »
Le
président se gratta le cou, puis saisit son téléphone, pour
demander à ce que l'on convoque en urgence le conseil de sécurité
de l'ONU.
Les
dirigeants chinois, russe, français et anglais se réunirent sur
invitation du président américain. Contrairement aux idées reçues
les chefs d’États russe et chinois entretenaient une relation très
conviviale avec leur homologue américain. Ils se tutoyaient et
s'appelaient par leurs prénoms. Comme toujours l'ambiance était
plutôt décontractée pour une réunion au sommet.
«
Dis-moi, tu as bien reçu mes travers de porc et mon magret ? »
dit Ron à Xintao en
prenant l'accent français et en lui tapant amicalement
l'épaule.
« Tu
as terrorisé tous mes paysans avec tes conneries!
- 13
000 cadavres de cochons et 1000 de canards dans les eaux du Huangpu.
Ça en fait du canard laqué et du porc au caramel ! » ajouta
l'Américain en passant derrière le Russe.
«
Je pensais que c'était Petrov. Du coup, je lui ai balancé un de mes
satellites dans l'Oural.
- Enfoiré
de niakwé !
C'était toi alors la fameuse météorite à Tcheliabinsk ! J'ai cru
que c'était ce salopard de Ron ! » s'esclaffa Petrov.
« J'aurais
du m'en douter. Les chats venus de l'espace, du Petrov tout
craché. T'as bien failli m'avoir comme avec cette histoire à
Roswell. »
Tous
se regardèrent et explosèrent de rire. Quand le silence fut revenu
le président américain interrogea ses compères : « Non,
sérieusement les mecs c'est qui ? »
A
nouveau, ils se dévisagèrent les uns les autres à la recherches
d'un rictus mal dissimulé mais tous restèrent sérieux à la plus
grande surprise de Ron. Il se passa la main sur le visage en secouant
la tête : « Et merde... »
FIN...Peut-être...
1 Outil
de détection expérimental, la version évoluée du détecteur de
mensonges, le fameux P300. Protocole utilisant un système
électroencéphalogrammes, des courants électriques prélevés par
électrodes à la surface du cuir chevelu, qui varient en fonction
de l'activité du cerveau. Activité qui se traduit par un signal
caractéristique lorsque le sujet reconnaît un visage, un lieu, un
objet ou nom.
2 Domain
Awareness System : Logiciel de lutte antiterroriste qui associe
un système d’analyses en temps réel aux images de
vidéosurveillance de la ville émanant de cameras et drones
volants, dans le but d’identifier des menaces potentielles.