dimanche 14 décembre 2025

(T)repas de Noël


Cette année 2020 marquée par la pandémie de la covid19 a été éprouvante à bien des égards.
Beaucoup de personnes ont perdu la vie, certains leurs proches et d'autres leurs travails.
Comme vous le savez, de nombreuses entreprises ont connu une grande précarité économique, quand elle ne faisait pas tout simplement faillite.
Parmi celles qui ont eu la chance de résister à la crise, l'une d'elles avait décidé de ne pas céder à la morosité ambiante en organisant un petit repas pour célébrer Noël. C'était ici, chez "Assur'isque" à Saint Jean, une petite entreprise d'une petite ville qui pourrait se situer n'importe où en France.


C'était le dernier jour de Léo, le stagiaire (oui, son contrat n'était pas reconduit) et comme chaque début de journée, il faisait le tour des bureaux pour le courrier.
En ce jour un peu particulier, il avait la lourde tache de distribuer les cadeaux du "secret santa", déguisé en lutin de Noël.


Quoi, comment ça vous ne savez pas ce qu'est un secret santa ? Je vais vous expliquez...le principe est simple, quelques semaines avant Noël, vous tirez au sort le nom d'un de vos collègues,  à qui vous devrez offrir un cadeau un peu bête sans dépasser un montant d'une dizaine d'euros. Comme son nom l'indique, vous devez garder le secret jusqu'au repas d'entreprise de Noël.
Suivons donc le stagiaire, Léo, dans sa tournée.
Son premier arrêt c'est avec Gilles, le comptable : un économe. C'est aussi comme ça qu'il aime à se qualifier pour se défendre quand les autres employés lui font remarquer qu'il a cette fâcheuse tendance à se montrer radin. C'est le premier à se goinfrer à un buffet quand c'est gratuit, mais ne paye jamais rien en retour. Pire, il est du genre à vouloir réclamer les restes.
Son cadeau de secret santa aurait tout aussi bien pu être un ticket restaurant, mais ça mettrait directement fin à l'intrigue avec le nom de l'émetteur dessus.


Passons maintenant à Nathalie, la vendeuse : un test covid. Elle est prête à tout pour vendre, venait même au boulot en ayant le coronavirus au risque de contaminer ses collègues et continuait à faire du porte-à-porte chez les personnes âgées.
En parlant des personnes âgées justement, voici Laurent, le plus ancien des employés qui approche de la retraite et trouve une oreille attentive auprès de Nicolas, le syndicaliste (lui a le virus de la Corona, c'est pour ça qu'il boit son café bien corsé et un peu salé) qui s'assure un bulletin d'adhésion l'année prochaine en accordant de l'attention à un vieux salarié fidèlement aigri. Ils ont respectivement reçu une cartouche de paquet de mouchoirs et une brosse à chiotte.


Ensuite, vous avez Jerome, le vendeur : un peigne et un paquet de chewing-gum. Le quadra inspecte sa calvitie dans le miroir des toilettes pour hommes et envisage sérieusement de faire un détour par la Turquie avant de se rendre au tribunal pour son troisième divorce.


Adossé à la porte du bureau de Lisa, la secrétaire qui se lime les ongles, c'est Anthony, le manager : un test de grossesse et une boite de capote.
Ce beau vieux, bien qu'il soit marié et père de famille, couche avec la blonde de service qui use et abuse de son décolleté en toute occasion.
Nul doute qu'elle ne débarque déguisé en mère Noël sexy au moment d'ouvrir les cadeaux, si vous loupez le moment, ne vous inquiétez pas vous aurez tout sur son compte Onlyfan.
Le plus drôle, c'est que tout le monde fera semblant de ne pas savoir de quoi il s'agit quand ils recevront tous la notification en même temps.
Vous ne serez pas non plus étonné d'apprendre qu'elle devrait bientôt passer directrice des ventes sans même passer par le poste de vendeur.
Et enfin, Benjamin, le chef d'entreprise : Un martinet. Ce tout jeune trentenaire a hérité de son père, mais n'arrive pas à tenir à flot l'entreprise familiale.
Pour surmonter cette énorme pression il se noie dans l'alcool et les drogues, et comme il est encore cet enfant gâté et insolent, il s'est retrouvé empêtré dans une relation toxique avec une domina que lui aurait fait rencontré justement Lisa, vous savez miss nibard à l'air, la secrétaire.


Voilà, je vous ai présenté tout ce beau petit monde, énumérer chacun d'eux comme une liste d'enfants pas sages. De vilains garnements qui ne mériteraient normalement pas de cadeaux ou seulement un morceau de charbon, sauf si l'on considère qu'un éthylotest, un mouchoir en soie, une capote, un autotest covid, un tableau pense bête, un test de grossesse et un martinet, ces "cadeaux empoisonnés" sont tout ce qu'ils méritent.
Oui, cette galerie de personnage haut en couleur,  n'est pas sans rappeler celles de la série "The Office" dans laquelle on adore suivre ces fortes personnalités se détester cordialement. Mais si la fiction prête à sourire, la réalité, ici, est bien plus délétère. Comme partout ailleurs, les jeux de pouvoir, les coucheries, toutes les bassesses et les mesquineries sont d'usage, en attestent ces cadeaux de "secret santa" d'une méchanceté gratuite que personne n'aimerait recevoir.


Pourtant, un événement dramatique intervenu plus tôt dans l'année aurait pu les rapprocher, la mort de leurs collègues Albert des suites du covid.
Au détour d'une conversation, ou parfois une allusion plus ou moins subtile, on a l'impression qu'il est là, comme un éléphant dans la pièce ou un père Noël sadique qui observerait ces adultes peu vertueux.


C'est bientôt l'heure pour les employés de se retrouver dans la salle de réunion toute décorée pour l'occasion.
Une playlist ringarde hurle dans une enceinte Bluetooth pour signaler à chacun le début des festivités.
En cheminant jusqu'à la salle de réunion, Gilles demande sarcastiquement au stagiaire si ce n'est pas "son pot de départ".
Benjamin, le jeune patron débouche bruyamment une bouteille de champagne et propose un verre à ses employés avant de commencer un bref discours.
À ses pieds devant lui un sac rempli de cadeaux et d'enveloppes nominatives.
"Cette année prend bientôt fin, elle a été compliquée pour tout le monde avec le covid et surtout la crise économique, mais bon on est là, ici et tous ensemble enfin presque...Bref, je vous remercie d'avoir chacun d'entre vous ramené des plats pour contribuer à la réussite de cette fête et à cet esprit de partage. Vous trouverez une petite enveloppe à votre nom, mais on ouvrira tout ça avec les cadeaux du secret santa au moment du dessert si vous voulez bien. En plus, je crois savoir que Lisa nous a préparé une buche maison. Hum, j'en salive d'avance. Je vous souhaite à tous un joyeux Noël. Allez, maintenant servez-vous."


"À ton avis, il y a quoi dans les enveloppes ? Des chèques avec nos primes de Noël ?" murmure Jerome le vendeur à l'intention de Nicolas le syndicaliste et à ce dernier de répondre en sifflant entre ses dents : "Plutôt des mises en demeure pour nous virer, des putain de lettres de licenciement ouais!".
 

Tous se retrouvent autour du buffet avec leurs petites assiettes en carton et leurs discussions aussi insipides que les plats surgelées disposés...enfin peut être pas, certains mets sont un peu plus relevés qu'il n'y paraisse.
"Au fait, avant de commencer, je te conseille d'éviter le lait de poule, sauf si tu es constipé, enfin, tu vois ce que je veux dire..." poursuit Jérome avec Nicolas en cachant sa bouche avec son assiette.
"Ok merci de me prévenir hahaha. Et toi fais attention aux crevettes, elles sont peut être pas très fraiche je pense mais il y avait une super promo, c'était bête de s'en priver."
"Au pire je dirais que c'est ce que Gilles a apporté."
"Il t'a devancé, je crois, ce radin a juste amené un paquet de chips éventé et de la bière bon marché."
"Quel pingre celui-là!"
"Tu l'as dit!"


De l'autre côté de la pièce, Anthony se rapproche discrètement de Lisa et lui chuchote à l'oreille : "C'est moi qui ai fait les feuilletés roulés saucisses, mais j'ai pensé à toi, ils sont vegan". Flattée par l'intention, la jeune femme glousse en piochant un des amuses bouches puis se dirige dans le couloir en direction des toilettes ou elle croise justement Laurent qui en sort sans se laver les mains. Elle lui lance avec une condescendance empreinte de dégout : "Lave-toi les mains avant de te servir au buffet..." et à lui de répondre dans sa barbe "et toi la bouche, salope!".
"Gros porc" qu'elle continue de pester en s'installant dans la cabine.

Pendant ce temps, les autres employés et le patron passent à table, ils ne semblent pas trop se préoccuper de l'absence de la secrétaire.
Après tout Lisa est boulimique, ils sont habitués à la voir s'éclipser pour vomir son déjeuner aux toilettes ou sucer le manager dans son bureau.
Et ce n'est pas Nicolas, le syndicaliste qui le remarquera, ce dernier est ivre mort, la tête littéralement plongée dans son assiette.
Le moment d'ouvrir les cadeaux est venu. Bien sûr, ces derniers ont tous été emballés dans une boite en carton de la même taille, pour garantir la surprise et éviter que des petits malins essaient de deviner leurs contenus.
Comme on pouvait s'y attendre, les employés, suspicieux, se regardent les uns, les autres ne sachant pas comment réagir. Les mâchoires se crispent, les yeux se plissent et les poings se ferment. Parfois en société, face à une blague de mauvais gouts vaut mieux-t-il un rire jaune ou un rire forcé ? Perdre la face et garder sa dignité ou s'écraser et ravaler sa fierté ?
Libre à vous de vous positionner.


Nathalie, la vendeuse, commence toutefois à se poser des questions. Pour cette dernière, l'absence de Lisa dure vraiment plus qu'à l'accoutumée, alors elle se décide à aller à son encontre.
Elle prétexte une retouche maquillage pour aller vérifier que "tout va bien". C'est d'ailleurs ce qu'elle demande à Lisa à travers la porte.
Pour seule réponse, elle reçoit un court couinement suraigu suivi d'un bruit d'écoulement semblable à celui que l'on émet en vomissant ou en ouvrant un vieux robinet. L'espace d'un instant, cela rassure presque Nathalie, jusqu'à ce qu’elle se rende compte avec effroi qu'une grosse flaque sombre est en train de s'étendre sur le sol de la cabine où se trouve Lisa.
Paniquée, elle monte sur la cuvette pour essayer d'apercevoir par dessus la paroi, et découvre le corps inanimé avec le visage boursouflé de sa collègue gisant dans une marre de sang et de vomit. Nathalie, remarque le tupperware par terre à moitié renversé contenant ce qui semble être des restes de gratin dauphinois et de dinde.


Nathalie réalise que cette réaction fulgurante et mortelle pourrait très certainement être causé par la noix de muscade qu'elle a saupoudrée dans des quantités outrageuses sur le plat qu'elle a préparé, car elle le sait à fortes doses cela devient toxique et hallucinogène pour celui qui l'ingère.
"Quelle ironie quand même, Lisa, la secrétaire aux jupes courtes et aux mœurs légères qui meurt après avoir avalé de la noix de muscade, ça doit la changer des noix musquées" se dit Nathalie en essayant de dédramatiser. Mais...comment aurait-elle pu prévoir que sa collègue utilise son plat pour assouvir une crise de boulimie ?
Non...cela ne peut pas être le seul facteur de sa mort. Lisa avait également des allergies connues de tous, aux arachides notamment.
D'ailleurs, la farce de la dinde est aux airelles et aux noix, plat qu'elle n'a pas préparé.
Maintenant, un dilemme s'impose à Nathalie, soit elle appelle la police au risque de figurer parmi les suspects ou elle confronte ses collègues pour démasquer le coupable.


La vendeuse sort des toilettes pour regagner la salle de réunion et se fait bousculer par Gilles qui se précipite aux toilettes des hommes sans prendre la peine de s'excuser.
Elle se plante devant ses collègues attablés, les mains ensanglantées, paumes tournées vers le ciel, le regard hagard.
"Je crois qu'on a un problème."
Tous se redressent sur leurs chaises, Benjamin se lève et vient à son encontre. Elle raconte ce qu'elle a vu et les réactions ne se font pas attendre.
"Attendez, c'est bizarre non, de la dinde, on en a tous mangé tout à l'heure, je me trompe ?" lance Anthony avant de poursuivre "Comment ça se fait qu'elle est morte et pas nous ?"
"Je croyais qu'elle était "vegan" en plus." Rétorque vindicatif Laurent, qui a préparé le plat.
"Ça ne l’empêchait pas d'aimer un peu la saucisse, si tu vois ce que je veux dire" plaisante Léo le stagiaire qui visiblement est en roue libre et n'a plus rien à perdre.
"Un mauvais morceau peut être ou un de ces petits os coincés en travers de la gorge que sais je." Essaie de justifier tant bien que mal Laurent.
"Je pencherais plus pour une allergie à un truc dans la farce peut-être...son visage était tout gonflé. C'était tellement horrible." Déclare en sanglotant Nathalie.


Gilles, le comptable qui est revenu des toilettes, rougeot et en sueurs, réajuste ses lunettes aux verres embués sur son nez et se lance dans une élucubration :  "Et si c'était l'esprit vengeur et malin d'Albert qui est à l’œuvre? Après tout, Lisa ne faisait jamais attention pendant le covid, elle venait au boulot même malade et refusait de porter un masque alors qu'elle le savait fragile. Remarque, ce n'était pas la seule à manquer de précaution et de civisme pendant cette période."
Tous le dévisagent un instant avec un air perplexe, n'ayant pas l'air de prendre au sérieux la théorie farfelue évoquée par Gilles.
"À moins que le tueur, ce soit lui!" crie-t-il en désignant du doigt, Nicolas, le syndicaliste.
Ils se tournent vers l'homme à la tête planté dans son assiette. Gilles, lui retourne en trombe dans les toilettes prises par une envie pressante.
"Aprés tout, c'est le stratagème parfait, puisque les pièges sont déjà tous tendus, il n'a plus qu'a faire semblant d'être ivre mort, attendre et se délecter de la situation.
Comment peut-il être ivre mort s’il n'a pas bu?!
"
Anthony, manageur, mais aussi ancien rugby man qui a longtemps attendu cette occasion se jette sur le syndicaliste pour le frapper, mais se retrouve à glisser par terre avec un cadavre dans les bras.
"Putain, mais lui aussi il est mort!" qu'il crie en se débâtant avec les membres lourds du macchabée.
"Il n’a pas bu une goutte, mais il a mangé du gratin dauphinois et du cake aux légumes par contre." Remarque Laurent avant de continuer "ça pourrait être un coup du stagiaire, qui voudrait se venger des mauvais traitements de ses collègues et de son boss qui n'a pas reconduit son contrat."
"Ou tout aussi bien, un employé aigri de ne jamais avoir eu la promotion qu'on lui avait promis depuis si longtemps." Rétorque Léo.
"Et si c'était un patron suicidaire dont l'entreprise est en train de couler et qui veut nous emporter avec lui à la manière de je ne sais quelle secte. D'ailleurs y a quoi là-dedans ?" conclu Gilles qui revenu une nouvelle fois des toilettes, manipule une des enveloppes pour deviner son contenu.
"Ce sont des cartes de Noël avec des voeux et une lettre de remerciement. Vous me prenez pour qui?!" s'exclame Benjamin en levant les mains en l'air, exaspéré.
Léo se saisit du cadeau de Lisa, arrache le papier cadeau et sort quelque chose de l'emballage : "Voyons voir de que c'est : un test de grossesse!"
Anthony lui arrache l'objet des mains et murmure : "positif!"
En retrait, Benjamin, le chef d'entreprise, est pris d'une soudaine envie de vomir, il se dirige vers les toilettes en essayant de se retenir comme il le peut, mais Gilles le devance et s'enferme dans la cabine. Résultat, il finit par se soulager dans une poubelle de bureau et sur une partie de la moquette.
"Je suis désolé, ça doit être les crevettes." Se justifie-t-il, penaud en s'essuyant la bouche du revers de sa manche.
"Bon allez, ça suffit, c'est quoi ces trucs?! C'est vraiment les cadeaux qu'on s'est offerts ?" s'exclame Anthony qui tente de masquer un sourire hypocrite en balançant son cadeau sur la table.
"Moi, j'ai eu des pense-bêtes colorés et un réveil" déplore Léo, le stagiaire.
"Mais qui a offert quoi à qui ?" demande Benjamin entre deux régurgitations.
"Comment veux-tu que je le sache, c'est le principe même d'un secret santa, de ne pas savoir qui fait le cadeau..."
"Ben je ne sais pas comme c'est toi qui organise, t'aurais pu le savoir!"
"C'est le stagiaire qui était chargé de distribué les cadeaux, il a peut être inversé les cadeaux avec une autre hotte ou je ne sais pas moi!"
"Tu ne serais pas en train de m'accuser par hasard ?" s'offusque Léo qui se rapproche des deux hommes en bombant le torse.


Jerome qui s'est absenté un long moment pour téléphoner avec son avocat à propos de son divorce en cours, reviens dans la salle de réunion.
"Wow, qu'est ce qu'il fait froid dehors! Putain, cette fois il s'est vraiment chargé le Nico!"
"Non, Jerome quelqu'un a empoisonné la bouffe." Réponds Nathalie en portant la main à sa bouche pour marquer son indignation.
"Mais qu'est-ce qui faut pas entendre! N'importe quoi regarde ma dinde, elle n’est pas empoisonnée!" réagit Laurent, le vieux employé en surpoids pour ne pas dire obèse et qui plonge ses doigts boudinés dans la carcasse  "C'est de la dinde avec de la farce aux marrons et aux noix, c'est bon ils nous font chier tous ces donneurs de leçon de vegan et autres avec leurs allergies imaginaires, tout ça, c'est dans la tête. Ils sont juste en manque d'attention, de protéines et de calcium, ces anémiques! AHAHAHAHEUHEUH ARGHHHH" soudain le visage de Laurent se crispe, devient blême et ses yeux ronds cherchent de l'aide. De ses mains il essaye tant bien que mal d'arracher son col roulé dissimulé sous son énorme double menton sans succès. Il n'arrive même pas y accéder, ses doigts s'enfoncent dans la peau de son cou comme ils le feraient en pétrissant de la pâte à pizza.
Léo vient à son secours, lui tape dans le dos, mais ne semble-t-il pas assez fort au gout d'Anthony qui l'écarte pour prodiguer un massage dit de la méthode "Heimlich".
Hélas, toute cette agitation se révèle inefficace, les deux hommes se retrouvent au sol, Laurent avec son poids les a fait basculé en se débattant pris par un effet de panique.
Le visage du vieil employé passe du rouge au bleu accompagné d'un long râle guttural. Dans son dernier souffle l'homme obèse semble murmurer quelque chose de sa grosse voix rauque, mais que personne autour de lui ne semble comprendre comme s’il s'agissait là d'un dialecte étranger voir extra-terrestre.
La situation est d'un tel pathétique à la manière de ce qu'on peut voir dans ces films d'horreur "gore" qui use d'une violence tellement exagérée qu'elle finit par en en devenir grotesque.
C'est pour ça et aussi à cause du space cake que Léo ne peut s'empêcher d'avoir un rire nerveux.
Sachant pertinemment que sa réaction ne passe pas inaperçue, le jeune homme devance ses détracteurs pour se confondre en excuse : "je suis désolé, je ne sais pas si c'est le space cake, mais ça me fait terriblement penser à cette scène dans le retour du Jedi de Star Wars quand Jabba the Hut fini étranglé".
"C'est cool si ça te fait rire. Je ne manquerais pas de le préciser dans ma déposition à la police." Lance froidement Anthony et à Léo de lui répondre "Toujours la faute du stagiaire hein!" en approchant une nouvelle fois vers le manager le torse bombé."Je rêve ou tu viens de dire space cake?" rebondit Nathalie qui s'engouffre dans la brèche pour renvoyer la responsabilité de toute cette histoire sur le jeune stagiaire.
La sonnette de l'entrée retentit, détourne l'attention de tout le monde un instant et fait oublier la question posée par Nathalie.
"Je vais voir qui ça peut être." Annonce Gilles en prenant la direction de l'interphone.
"C'est quoi ton problème avec moi?!" crie Léo en appuyant son front contre celui d'Anthony.
"Tu vas faire quoi gamin ?!"
Benjamin s'interpose comme il le peut quand le jeune homme fait mine de vouloir embrasser avec sa bouche Anthony ce qui provoque un mouvement de recul de ce dernier et le fait glisser dans une flaque de vomit. En déséquilibre, les deux supérieurs de Léo basculent dans le vide au-dessus des escaliers qui mènent à l'entrée.
Un fracas terrible retentit suivi d'un long silence qui vous glace le sang.


Par miracle Benjamin se relève indemne, quant à Anthony, il reste prostré dans une position grotesque, le cou tordu, une ombre grandit sous sa tête, autour de son oreille.
C'est à ce moment-là que deux agents de police, une femme et un homme en uniforme, font leurs apparitions dans la cage d'escalier.
Étrangement, les agents ont l'air complètement paniqués, peut-être même plus que nous encore et en même temps, qui ne le serait pas en une pareille situation ? Ne sont-ils pas censés avoir l'expérience de gérer ce genre de chose ?! À moins que ce ne soit pas de vrais policiers et c'est ce que finit par se demander Gilles en les observant attentivement.
Un détail, notamment, sur leurs uniformes attire particulièrement son attention, il n'y a pas écrit de quel type de police il s'agit, ni le nom de la ville.
Ce premier indice l'amène a en remarquer d'autres : la qualité du tissu des tenues et la présence notamment de boutons pressions tout le long des coutures latérales du pantalon.


Profitant de la stupéfaction du couple de policiers, Jerome prend soin avec l'aide de Nathalie de redresser sur leurs chaises les cadavres de Nicolas et Laurent.
De connivence avec ses employés et pour leur faire gagner un peu plus de temps, Benjamin prend à part les agents pour leur parler brièvement avant qu'ils ne continuent leurs progressions dans le bâtiment.
Le chef d'entreprise désigne alors Léo aux membres des forces de l'ordre qui s'approche de lui pour l'interpeller.


Aussi surprenant que cela puisse paraitre, ils décident de le ligoter avec une des guirlandes lumineuses qui ornaient le sapin.
"Mais vous êtes sérieux?! Utilisez vos menottes, putain!"
"Vous croyez qu'on y a pas pensé! Elles sont en fourrure et pas assez résistantes!"
Le jeune stagiaire comprend alors qu'il ne s'agit pas de vrai policier et se débat farouchement pour échapper à leur étreinte.
"J'appelle la Police" lance Jerome en composant le numéro sur son téléphone portable.
"C'est quoi ces conneries?" demande Nathalie incrédule.
Benjamin se lance alors dans une explication hasardeuse ou il raconte qu'il a voulu faire une surprise de Noël aux employés, mais que les strip-teaseurs n'avaient plus de costume de Noël alors il a été convenu qu'ils viennent déguisés en policier.
BLAMMMMM
Un grand bruit interrompt le monologue de Benjamin et tous se tournent alors vers la table pour constater que le cadavre de Laurent est retombé par terre. Une boulette avec un morceau d'os enrobé de farce s'éjecte de sa bouche et roule jusqu'au pied de Léo.


La suite vous la connaissez, la lueur bleuté des gyrophares qui balaient la pièce, le bruit des sirènes qui se rapprochent, les vrais policiers qui débarquent en trombe dans l'escalier, les cris, les corps emportés sur des brancards.


Tout cela n'aurait pu être possible sans la participation de tous, chacun à sa manière a œuvré à ce que cette situation dégénère, chacun a amené sa contribution et y a donné de son sang.
Que ce soit en offrant des cadeaux empoisonnés ou apportant des plats qui le sont tout autant : le space cake au légume, le lait de poule au laxatif ou le gratin dauphinois avec la noix de muscade.
Mais...d'un commun accord, tous désignent Léo comme l'instigateur de toute cette histoire.
Trop hypocrites pour s'avouer la vérité, ils font converger leurs versions des faits comme quoi le stagiaire était enragé de ne pas voir son contrat reconduit, il aurait alors empoisonné la nourriture et essayer de les monter les uns contre les autres en échangeant les cadeaux du "secret santa" dont il était en charge de la distribution.
Après tout il n'a pas d'enfants à charge, pas de crédit à payer et on est sur qu'il aurait fini toxicomane au chômage. Il avait autant de mauvaise raison de le faire que les autres employés, mais c'est le coupable facile, car n'oubliez pas une chose, c'est toujours la faute du stagiaire.

samedi 18 octobre 2025

Ami(be)


Ça commence comme un rêve délirant sous stupéfiant, ou plutôt une descente psychédélique, en réalité tout dépend de votre humeur du moment.
Bref, Mathieu se réveille le cerveau embrumé par tout ce qu'il s'est envoyé dans le sang la veille, que ce soit par les narines ou par la bouche.
Il a quand même était porté par un éclair de lucidité suffisamment long pour l'aider à se guider dans la forêt et retrouver son camion aménagé avant le lever du jour.
Autre bonne nouvelle, pendant son sommeil, il ne s'est ni vomi ni chié dessus...pour le moment. Son ventre gargouille drôlement, lui ne semble pas avoir digéré le cocktail acide de la veille à base de LSD, bière et cannabis. Un borborygme grave s'échappe de ses entrailles à moins que ce soit le vrombissement du moteur du camion d'a coté qui démarre.
Ouais, c'est son pote Nico, avec qui il se lance dans un étrange concerto, un concours de flatulence précisément. Après 3 échanges, la surenchère amène Mathieu à puiser l'inspiration au plus profond de lui même, à la manière d'un saxophoniste il délivre un solo endiablé. On le croit un instant presque interminable, mais celui-ci finit par une explosion sonore.
Face à une telle prestation Nico ne peut que s'incliner hilare. Alors qu'ils se disent au revoir d'un signe de la main, Mathieu sent quelque chose de chaud et visqueux couler doucement le long de sa jambe à l'intérieur de son pantalon. Le temps que le camion de son pote quitte les lieux, Mathieu sauve les apparences comme il peut, le bouquet final a semblerait-il était un pet foireux. La seconde après son départ, Mathieu s'active pour trouver du papier toilette ou des mouchoirs. Habituellement il en a laissé toujours un paquet ou un rouleau dans le vide-poche de la porte coulissante, mais là il a dû oublier. Pas d'autres choix que de s'essuyer avec ses vêtements et les jeter à la poubelle en arrivant. Heureusement pour lui ça ne se voit pas trop avec jean baggy.
Le problème c'est qu'il ne veut pas dégueulasser les sièges de son camtar, alors il ne lui reste plus qu'à faire un plongeon dans l'étang à côté.
Bien sûr, il a bien vu le panneau d'interdiction qui indique les risques d'hydrocution et autres dangers, mais il a décidé de les ignorer, de prendre le risque comme on dit.
En trempant un orteil dans l'eau, il est surpris de la température de celle-ci qui doit avoisiner les 30 degrés. De plus il remarque que l'eau est cristalline et le fond bien visible, s’il n’était pas quelque part au milieu de la Provence, il jurerait être dans les Caraïbes. Alors, pourquoi se priver?
Mathieu va même jusqu'à mettre sa tête sous l'eau, et recracher avec la bouche à la manière d'une fontaine. Après tout, si il doit avoir des boutons sur le corps autant en avoir aussi sur la tête! Notre teufeur ne le sait pas encore, mais une amibe mangeuse de cerveau vient de rentrer par sa narine droite. Bien sûr, vous vous dites qu'il aurait peut être pu simplement s'en débarrasser en se mouchant, mais c'est sans compter sur l'instinct de survie extraordinaire de ce parasite qui s'accroche à ses poils de nez, poursuivant son ascension jusqu'à sa cervelle.
Mathieu exténué de sa soirée festive de la veille parvient tout juste à rentrer jusque chez lui.
Et parce que la nuit porte conseil, cette dernière s'est frayée un chemin dans la matière grise et commence à se développer pendant que Mathieu comate sur son canapé. C'est la plus grosse gueule de bois que notre jeune teufeur ait enduré jusqu'ici. Pour lui, il mettait ça sur le compte de ses vingt-cinq ans passés. Parait-il qu'à partir de cet âge, les choses ne sont plus comme avant, c'est ce que dise les vieux.

La sonnerie de son téléphone le sort de sa léthargie et elle lui donne une migraine insupportable. Au bout de la deuxième fois, il décroche pour la faire cesser.
C'est Thibault son meilleur ami qui lui propose de "taper soirée", comprenez par là "se mettre une race immémorable", un truc à encore vous griller les neurones et à sentir vos cheveux pousser sur votre tête le lendemain matin.
Naturellement, Mathieu ne peut pas refuser parce qu'il aime trop la fête. En vérité, ce soir, il n'a pas le gout à la chose, c'est surtout qu'il a une réputation à tenir. Il est comme qui dirait enfermé dans son rôle, sa posture sociale, un engrenage festif infernal.
Et puis il le sait, si d'aventure il refusait de prendre part aux festivités, ne serait-ce qu'hésiter, ses amis viendraient le chercher et irait même jusqu'à le trainer en pyjama.
Alors, pourquoi lutter ?!
Pour se donner du courage, Mathieu décide de s'ouvrir une canette de boisson énergisante, il hésite un instant avec l'option paracétamol, mais il n'est pas franchement fan.
Les médicaments, notre teufeur préfère éviter d'en prendre, il a peur que son corps s'y habitue et que cela ne fasse plus effet en cas de vraie maladie. À dire vrai, il a aussi une certaine méfiance vis-à-vis de l'industrie pharmaceutique. Plutôt paradoxal pour un toxicomane, vous ne trouvez pas?
Par contre, l'amibe, quant à elle, semble répondre favorablement à cet étrange stimulus. On pourrait craindre que cela accélère voir booste le processus invasif et pourtant...ça la fait simplement gesticuler energiquement sur place. Cela ne va certainement pas durer, mais pour l'instant elle semble avoir stoppé sa progression.

Et donc c'est comme ça que Mathieu se retrouve dans ce bar bondé de monde avec la musique à fond, les lumières éblouissantes et les gens qui crient pour se parler. Bref, vous l'aurez compris, le cocktail idéal pour une migraine fulgurante.
Son ami Thibault se retourne vers lui avec un verre de shooter qu'il vient juste de payer au barman, mais Mathieu refuse en expliquant avoir mal à la tête.
Thibault visiblement déjà bien éméché, hausse les épaules, avale les deux verres puis l'attrape par le cou en lui criant :"T'inquiètes je sais ce qu'il te faut!"
Il le conduit par les épaules jusqu'aux toilettes, rentre dans la cabine handicapée et sort un petit sachet de poudre blanche.
"Comme on dit, parfois, il faut vaincre le mal par le mal, mon ami!"
Ils tapent plusieurs rails de cocaïne sur le battant de la cuvette des toilettes. Mathieu bouche sa narine gauche et aspire fortement avec sa narine droite. Dans son conduit nasal, cela fait l'effet d'une avalanche qui au lieu de dévaler la pente, remonterait en sens inverse.
Une fois encore, ce qui ne l'a tue pas l'a rend plus forte ou du moins plus excité. Et bien que jusqu'ici l'amibe avait l'intention de tuer Mathieu, le parasite semble avoir maintenant d'autre projet pour notre teufeur. Étonnamment, elle décide de prolonger la cohabitation et de le faire savoir à son hôte.
En se connectant au réseau synaptique du cerveau de Mathieu, le parasite communique directement avec lui. De la sorte et en vous épargnant les détails technico-scientifiques, le signal envoyé par le corps étranger se traduit en pensées intrusives, des injonctions irrépressibles à la manière d'une voix intérieure, immatérielle et prégnante.
Si à la lecture de la phrase précédente vous n'avez pas constaté de saignement voir d'écoulement sanguinolent depuis votre nez alors nous pouvons continuer (poursuivre).

Penché au-dessus du lavabo des toilettes, Mathieu sent que quelque chose ne va pas, mais il ne saurait dire quoi. Il examine ses pupilles dilatées par l'absorption récente de drogue quand il entend cette voix étrange lui dire : "TOI ON PEUT DIRE QUE TU SAIS T'AMUSER! PFIOU!"
Le jeune teufeur regarde autour de lui pour chercher la provenance de la voix qu'il lui semble avoir entendue.
"REFAIS-MOI UNE LIGNE STP."
Mathieu comprend cette fois que c'est une putain de voix dans sa tête! Il est soudainement pris d'une bouffée euphorique accompagnée d'un petit rire hystérique, mais qui n'est pas le sien. Un frisson d'effroi le parcourt quand il se demande si cela est dû au cumul de drogue qu'il a prise récemment. Des pensées se bousculent et la paranoïa s'insinue doucement dans son esprit.
"NE FLIPPE PAS! JE DIS JUSTE QUE C'EST SYMPA DE FAIRE LA FÊTE AVEC TOI!"
Ça y est, Mathieu devient fou. Enfin c'est ce qu'il se dit, car il ne trouve pas d'autre explication à ce phénomène alors autant en demander à cette voix qui lui parle. 
"Mais t'es qui toi?!" 
Il le sait, là encore, il vient de franchir un cap, on peut entendre des voix, mais c'est quand on commence à y répondre que cela devient inquiétant.
"JE SUIS L'AMIBE QUI VIT DANS TA TÊTE!"
"Hein ? C'est quoi encore ces conneries?!
"SI TU PRÉFÈRES, JE SUIS UN PARASITE AVEC QUI TU ES RENTRÉ EN CONTACT QUAND TU T'ES BAIGNÉ L'AUTRE FOIS. JE SUIS RENTRÉ PAR TON NEZ...ENSUITE TU M'AS FAIT GOUTER A TOUTES SES DROGUES MERVEILLEUSES ET NOUS VOILÀ MEILLEURS AMIS DÉSORMAIS."
Le jeune homme n'en revient pas d'entendre tout ça, ce n'est pas un mauvais rêve, à la limite peut être un méchant bad trip dû à l'accumulation de substances qu'il s'est envoyées dans la tronche récemment. Ca serait même une bonne raison d'arrêter de se droguer se dit il avant de recevoir une décharge nerveuse qui interfère immédiatement cette pensée et celle qui pourrait suivre le même raisonnement. L'Amibe a désormais non seulement décision de vie ou de mort sur lui, mais également pris pleine possession de sa volonté, elle l'a dépossédé de son libre arbitre.
Pire, si d'aventure il lui prend de refuser quand on lui propose de consommer de la drogue, l'amibe lui envoie des signaux synaptiques chimiques provocants un état de manque fulgurant qui le pousse a en prendre continuellement. Et c'est précisément ce qu'il se passe, Mathieu est pris dans un cercle vicieux. À tel point, qu'il se retrouve à s'injecter des substances qu'il considérait jusqu'alors comme des poisons ou qu'il se refuser à prendre en raison de leurs addictions et potentiels de mortalité élevée. En effet, pour notre teufeur, la drogue n'a plus rien de récréatif désormais, elle ne joue maintenant plus que le rôle d'anesthésiant voir d'euthanasiant. Quand on voit la seringue remplie à rabord qu'il s'apprête à se planter dans le bras, la question se pose vraiment.
"OH NON, TU NE VA PAS TE DÉBARRASSER DE MOI COMME CA L'AMI!"
"Qu'est ce que ça peut te foutre ?!"
"QUOI QUE TU FASSES, TU SAIS QUE TU VAS MOURIR. CE SERA SOIT D'UNE OVERDOSE OU PARCE QUE JE T'AURAIS DÉVORE LE CERVEAU!" prévient l'amibe d'une intonation menaçante.
"Et moi qui croyais que mon destin était lié au tien, dans ce cas, autant mourir dans une poussée délirante!" lance Mathieu en pleine montée et donc perte de lucidité.
"JE NE PEUX QU’APPROUVER CE CHOIX MON AMI!"

Drôle de philosophie pour notre jeune teufeur. En même temps, on ne peut pas lui donner tord, c'est de sa vie qu'il s'agit et pour ceux qui l'ignorent, les symptômes de l'amibe sont assez proche de ceux que l'on éprouve en état de manque : maux de tête sévères allant jusqu'aux nausées, fièvres et vomissements, raideurs au niveau de la nuque ainsi que des convulsions et des hallucinations...Si bien que parfois il se réveille dans des endroits, sans savoir comment il y est arrivé.
Et des hallucinations parlons en, les dreadlocks rousses de Mathieu se transforment sous ses yeux en lombrics grouillants dans sa chevelure. 
Il n'avait pas autant tripé depuis cette fois ou il s'était mis des gouttes de LSD directement dans les yeux. Cela lui avait causé des semaines de vision sphérique, toutes en nuances de couleurs orangées. Et si par malheur, quelqu'un le touchait, la panique s'emparait de lui de peur qu'on ne le pèle comme un fruit.
"TU ENTENDS ÇA ?" lance l'amibe enthousiaste.
"Quoi?" répond Mathieu en murmurant à moitié depuis un état de demi-consciences, quelques pars entre le rêve lucide et le coma.
"CE RYTHME! ON EST SUR UNE BONNE VIEILLE HARDTEK!!!" 
"180!!!" dit il en levant son verre en plastique contenant un cocktail de GHB et diverses drogues liquides.

Cette rave party sans fin n'a rien du rêve, c'est même tout l'inverse, c'est carrément un cauchemar.
Le "teufeur" que l'on pourrait maintenant désigner à ce stade de l'histoire par le "toxicomane", ingère, renifle, inhale, bois, avale et s'injecte toutes drogues et substances interdites pouvant crée des réactions euphorisantes, hallucinogènes ou qui lui passe sous la main. Et quand il arrive à cours d'argent comme tous les toxicos, il se tourne vers les produits d'entretien.
Pour décrire son état permanent, imaginez la pire descente que vous n’aviez jamais connue, mais en continu, une descente aux enfers quoi. 
Sa famille et ses amis s'inquiètent impuissant, et même les plus toxicos d'entre eux finissent par le laisser tomber (l'abandonner), complètement dépasser par la déchéance/décadence de ses penchants addictifs.
À ce stade, Mathieu n'est plus qu'un réservoir humain à drogues pour l'amibe, complètement amorphe, il finit en psychiatrie après être passé par la case réanimation.
Mais pour l'amibe insatiable, ce n'est jamais assez. N'ayant plus accès (par l'intermédiaire de son hôte) à toutes les drogues qu'elle désire, se contente un temps des drogues pharmaceutiques/médicales. Cela l'a diverti un moment puis finit par la lasser comme toute bonne chose quand on finit par en abuser.
Alors arrive le moment fatidique de mettre un terme à leurs amitiés ou collaborations comme vous préférez. Dans un autre contexte et en fermant les yeux, on croirait entendre un dialogue de rupture.
"JE CROIS QUE CETTE RELATION COMMENCE À ME LASSER, ÇA NE PEUT PLUS DURER. TU T'ENFONCES DANS TA LÉTHARGIE, CE MUTISME."
"Blu blah blurp blash blip" essaie de bredouiller Mathieu, les yeux se révulsent tandis qu'une goute de sang s'écoule de son nez.
"QUOI JE N'ENTENDS PAS ? ARTICULE BON SANG!"
"TU SAIS, SI TOUT PORTE A CROIRE QUE NOS DESTINS SOIENT LIÉS, SACHE QUE CE N’EST PAS VRAIMENT LE CAS. COMME ON DIT, LES AMIBES, ÇA VA, ÇA VIENT. LA FÊTE EST FINIE."

dimanche 25 mai 2025

@deep


Ca vous ai déja arrivé à vous aussi, d'avoir envie de vous taper une M.I.L.F ?
Je veux dire c'est quand même une des sections les plus regardé (consulté) sur les sites porno.
Donc j'imagine que la réponse est oui.
Pour en rencontrer ce n'est pas si facile qu'il n'y parait, je n'allais pas écumer les salons de coiffure pour femmes ou les galeries de boutiques de luxe alors je me suis retrouvé sur une applications de rencontre. Après tout, les jeunes sont toujours scotchés sur leurs téléphones donc si elles veulent en rencontrer c'est là qu'il faut aller les chercher.
Enfin, j'imaginais que c'était le raisonnement d'une femme d'age mur et je ne me suis pas trompé puisque j'ai reussie a rentrer en contact avec l'une d'elle par ce biais.

Avant d'engager la conversation, je me demandais : "Qu'est ce que je vais bien pouvoir lui raconter?!"
Merdes pas mec! Faut que tu montre que t'es pas un gamin. Et en même temps quand elle dit qu'elle aime pas les hommes plus agés, est ce que c'est pas ce qu'elle cherche au final? 
Cette fougue juvenile, cette espieglerie immature?

Quant à moi, pourquoi je voudrais frequenter une Milf plutot qu'une fille de mon age ?
C'est assez simple, déja, elles sont plus ouverte et alaise avec leurs corps, et surtout, elles ont l'expérience!
Faut dire que quand certaines sucer déja des bites, les autres était encore en train de suceotter leurs pouces.

D'ailleurs quand j'y pense, cette obsession ne date pas d'hier, déja quand je dormais chez mes camarades de classes, je profitais toujours de l'occasion pour charmer gentiment leurs mamans.
Et c'est pas mon pere qui me contredirait! Enfin je veux dire par là que tout ça vient peut-etre de mes parents, ils ont quasiment dix ans d'écart. En étant gosse, je visualisait ça dans mon imaginaire avec ma mere en petite fille avec des couettes portant dans ses bras mon pere nouveau né.

Bref, je divague et je n'ai toujours pas engagé la conversation, mes doigts sont crispés sur mon écran tactile de téléphone.
Elle en a 45 et j'en ai pas encore 20. Ses photos sont suggestives et on ne voit jamais son visage, comme les miennes. C'est souvent un bon présage, c'est les plus coquines qui font ça.
Son pseudo c'est "Stifler's mom" et je me demande si ça n'a pas un rapport avec ce film idiot, que j'avais trouvé dans les DVD de mon pere, 
"american pie" je crois que ça s'appelle.
Le mien c'est "Bast-Hard", parceque je me fais appeler ici "Bastien" et que j'aime le sexe quand il est rugueux on va dire. J'avais hésité avec "Motherfucker" mais c'etait peut etre trop explicite.

"Bonjour Monsieur"
Entreprenante, c'est elle qui écrit la premiere. Je dois avouer que c'est une agreable surprise pour moi qui suis habitué à une generation de gamine pourri gaté qui veulent etre traité comme des princesses.
"Bonjour Mademoiselle"
Oui, j'inverse volontairement les roles et sa réaction ne se fait pas attendre.
"Petit farceur, j'ai l'age d'être ta mere."
"je preferais belle mere..."
"Hum c'est que ça deviendrait presque excitant"

A premiere vue, nos deux profils sont assez dépouillés, les seules choses qui apparaissent sont nos ages, des photos suggestives ou l'on ne voit pas nos visages respectif et pour présentations une citation sur le plaisir défendu. Bien sur figure également, nos intentions en ce qui concerne la relation recherché : s'amuser.

"Est-ce que ta belle mere ressemble à ça ?"
Tiens, tiens, qu'est ce que je recoit là, une image. WOW! Une nude! Je ne m'y attendais pas si tôt dans la conversation.
Sur la photo qu'elle vient de m'envoyer, on peut la voir prendre la pose avec une attitude lascive.
Assise sur un fauteuil de cuir, seulement vétue d'un body sexy couleur rouge carmin qui comporte une ouverture sur le bas ventre, les jambes écartées, tout en volupté, laissant apparaitre indistinctivement son pubis. 
Détail qui a son importance : On devine qu'elle a une petite toison de poils, c'est un marqueur générationnel et temporel. 
Certes les filles de mon age n'en ont pas, elles preferent tout raser, mais moi je trouve que justement ça donne un coté plus sauvage et vintage. J'aime bien quand une fille n'est pas parfaitement épilée du jour, ça donne un coté plus spontané à la chose.

"dans les films que je regarde en me touchant, certainement." que je lui répond sans trop perdre de temps.
"je suis flatée"
Elle m'en envoi une autre avec une position encore plus aguicheuse accompagné du commentaire :"Tu prefere cet angle de vue peut etre?"
"Oui, j'adore mais le mieux encore, serait que je prenne la photo moi même."
"Pour ça, il faudrait d'abord que l'on se rencontre."
"Oui, moi je déteste perdre trop de temps en bavasserie, avant de se voir en vrai."
"Tu envisage ça comment toi?"
"Han han, allez, fais preuve d'un peu d'initiative jeune homme. surprends moi!"
"J'ai cette idée qui me trotte dans la tete depuis un moment mais je sais pas si ça va te plaire."
"Propose toujours, on verra."
"On pourrait pour notre premiere rencontre, se donner rendez-vous au cinéma et une fois le film commencé, se retrouver dans l'obscurité à des places qu'on aurait réservé à l'avance. Qu'en dis tu?"
"Pourquoi pas, cela semble excitant cette idée de rendez-vous mystere."
"J'avoue que c'est un de mes fantasmes."
"Et à partir de là, nous pourrons à loisirs nous découvrir par des caresses anonymes."

Ni une, ni deux, je file chez Jordan, mon meilleur ami, pour tout lui raconter.
Comme le font souvent les mecs entre potes, on échange des commentaires salaces sur les M.I.L.F.S, sur les positions et scénario sexuel invraisemblable que je projete de faire avec elle, on rigole bien enfin jusqu'à ce que je lui montre les photos.
Là, son visage se ferme instantanément, comme si je lui avais montré des photos de sa daronne à poils, alors qu'en vrai on le sait tous les deux ça risque pas, avec son quintal, elle rentrerait pas dans le cadre. C'est pas forcément la réaction que j'attendais, lui qui habituellement m'encourage dans mes délires et me pousse même à la surenchére.
Je ne sais pas pour quelle raison mais j'ai comme l'impression qu'il essait gentiment de me dissuader. Et il n'en faut pas plus pour que la paranoia s'active dans ma tête.
Ca se trouve, lui aussi il a "matché" avec elle ou se l'est déja tapé. Enfin je ne vois pas pourquoi ça le generait, on s'est déja partagé des ex par le passé et même en plein acte alors bon.
Non cela doit forcément être autre chose mais quoi?!...C'est con parceque partie comme c'est partie, je suis sûr qu'il y aurait eu moyen de la convaincre de faire un plan à trois. Tant pis pour toi Jordan. Il est temps pour moi de me préparer pour mon rendez-vous mystere.


C'est bientôt le moment de vérité. 
Moi qui voulait arriver en avance c'est loupé, me voilà presque 15 min en retard à cause des bouchons, heureusement qu'il y a les bandes annonces.
Dans l'obscurité de la salle, je ne comprend pas bien la numérotation des sieges, ça se trouve je vais me tromper de rangée!
J'essaie de m'aider de l'éclairage de mon téléphone mais comme le film est sur le point de commencer, je m'assoi sur une place un peu au hasard en esperant que ce soit celle que j'ai réservé.
"Tu a essayé de tricher, petit coquin" que j'entends murmuré derriere moi.
Je recule d'une place en manquant de me casser la gueule et un spectateur quelques part qui soupir surement à cause de la lumiere, du bruit et de mon retard. Encore un connard qui se croit dans son putain de salon.
Dans le noir, privé partiellement de la vue, je met à contribution d'autres sens comme l'audorat puis j'espere après utiliser le toucher. L'odeur de son parfum me rappelle vaguement quelqu'un mais je ne saurais pas dire qui, c'est étrange comme celui-ci m'est familier. Peut etre celui d'une prof que j'ai eu, ou de la mere d'un pote et étrangement, rien que d'y penser ça m'excite d'autant plus.
Durant tout le film je me questionne et je n'ose trop la dévisager, j'aimerais glisser mes doigts dans sa jupe entre ses jambes mais je ne trouve pas le courage.
Le générique de fin apparait à l'écran, y aura-t-il une scene caché ouvrant les possibilités d'une suite ? Le moment de vérité approche, les lumieres vont bientot se rallumer à moins que je ne me sois fait tout un film ?

lundi 21 avril 2025

Des papillons dans le ventre

Mon premier crush, si on exclut mes profs de sports et les chanteurs présents sur les posters qui recouvraient les murs de ma chambre d'ados, c'était lui.Théophile, mais tout le monde l'appelent Théo. On s'est rencontré au collège, en 5eme.
J'étais nouvelle, mon père était militaire alors on déménagé souvent.

Mon premier jour, Théo, m'a adressé la parole, je crois que c'était en rapport avec un des patchs cousu sur mon sac à dos (c'était un eatspak, c'était la mode et ça l'a resté, je crois), un groupe de musique que lui aussi écoutait.

Comme pas mal d'ados à l'époque, Théo aimait le ska, moi aussi et depuis ce jour on est resté pote avec "Ska". C'est d'ailleurs ainsi que ses potes l'appelaient, surement par rapport à ça.

On n’a jamais été hyper proche, mais on évoluait dans les mêmes cercles d'amis, on fréquentait les mêmes lieux, les mêmes gens jusqu'à la fac (on s'est retrouvés en licence de Com ensemble) et même encore aujourd'hui en entreprise, ici à Paris. La vie est parfois étrange et en même temps c'est assez logique de se retrouver dans la capitale pour travailler, surtout dans cette branche. Tout ça ressemble un peu à un conte de fées moderne, le genre de récit qu'on aimerait raconter à sa famille quand ils vous demandent "alors comment vous vous êtes rencontré ?"

Sauf qu'on en est pas encore là...ou plutôt, disons qu'à l'instant où je vous parle, je ne semble pas faire partie des projets de Théo.

Pour tout vous dire, on s'est toujours tourné autour sans vraiment concrétiser.

Et puis il était encore en couple jusqu'à récemment. Comment je le sais ? Non, je ne me suis pas risqué à jouer les bonnes confidentes, je ne veux pas servir de mouchoir.

Disons que j'ai juste eu à tendre un peu l'oreille dans l'open space. Ne me jugez pas, c'est ce que tout le monde fait de nos jours.

J'ai même entendu un bruit de couloir ou plutôt de toilette si je puis dire...alors que j'étais dans une des cabines, bref, je vous passe les détails, j'ai surpris une discussion entre Margaux et Alice qui en se refaisant une beauté évoquaient le récent célibat de Théo.

Après leurs départs, je me décidais à sortir de ma cachette pour me laver les mains.

Dehors, je tombais nez à nez avec le principal intéressé, Théo.

Un peu gênée, comme n'importe qu'elle fille quittant les toilettes après une grosse commission, je n'imaginais pas tombé sur lui et encore moins que ce soit pour m'inviter à diner en sa compagnie ce soir. Un date quoi!

Prise au dépourvu, je m'efforçais de garder toutes contenances et accepter sans hésiter sa demande.

Voilà, vous savez tout.

C'est le grand soir et je ne sais toujours pas ce que je vais bien pouvoir me mettre!

Depuis le temps que j'attends ce moment, que j’en idéalise chaque instant, comment se fait-il que je n'aie pas anticipé ma tenue, ce que je porterais lorsque ce jour viendrait. Bref, je n'ai pas le temps de me lamenter, il faut que je m'active sinon je vais être en retard. J'enfile cette robe corset, certes, elle est un peu "ajustée" pour ne pas dire sérré mais elle me va tellement bien.

Dans le métro, je tombe sur le quotidien 20minutes, on ne va pas se mentir, j'ai toujours considéré que c'était un torchon, mais il est gratuit et j'aime bien y lire mon horoscope.
Celui du jour est pour une fois plutôt adapté à ma situation : "aujourd’hui, lâchez-vous, il est temps de vous laisser allez avec l'être aimé".

Théo, il est là, au point de rendez-vous et n'attend que moi.
Le serveur nous amène les cartes, et nous nous laissons tenter par la suggestion d'apéritif du jour : "le floc".
Un savant mélange de mout de raisin et d'armagnac jeune. On trinque en réfléchissant au choix de nos plats, le serveur revient et nous prévient qu'il n'a plus de confit de canard alors ce sera cassoulet pour moi. Vous l'avez compris, nous dinons dans un restaurant de cuisine du sud-ouest.

Rappelez vous, je vous les dis plus haut, on vient tous les deux du même coin. Complices, nous échangeons sourires et remarques pleines d'esprit, sans temps morts, bien sur nous évitons de sujets de conversations : le boulot et sa précédente relation. Quelques parts c'est assez étrange, car je ne sais pas s’il est préférable que je sache ou pas, et malgré tout l'amusement que j'éprouve actuellement, je ne peux m'empêcher d'y penser. Sans manquer de respect à son ex, j'ai comme l'impression qu'il y a un éléphant dans la pièce.
Ce flot de pensées négatives semble également contrarier mon système digestif.
"Je vais aux toilettes, et n'en profites pas pour mettre du GHB dans mon verre, s'il te plait" que je lance à Théo en rigolant et me dirigeant au fond du restaurant.

Tout se passait pourtant si bien, mais qu'est-ce qui ne va pas chez moi?! Parfois, j'ai l'impression qu'inconsciemment j'essaie de me saboter, comme si au fond de moi, j'estimais ne pas avoir droit au bonheur.

Je me retiens d'accélérer le pas, en serrant mon sac à main contre mon ventre, essayant de garder une démarche normale.

Une fois dans la cabine, je me "laisse aller" comme dirait 20minutes, mon horoscope du jour, pour une fois leurs prédictions sont vraies. Ces crampes stomacales sont tellement intenses que je pourrais en perdre connaissance. Dans d'autres circonstances, j'aurais certainement mis un terme au rendez-vous en prétextant être malade ou des règles douloureuses, mais là je ne peux m'y résoudre, cette opportunité ne se représentera pas de si tôt. Il faut que je me ressaisisse, j'inspire profondément un instant avant de retourner à la table.

Et la soirée reprend son cours, en accéléré, j'ai l'impression que les plats nous sont servis puis que l'instant d'après on se retrouve à la fermeture.

Alors qu'on quitte le restaurant, Théo qui m'indique habiter à deux rues d'ici m'invite à prendre un dernier verre chez lui. Contre toute attente.
Oui, car bien que j'en meure d'envie depuis si longtemps, j'en viendrais presque à refuser à contrecœur, tout ça à cause de ces fichus maux d'estomac.
La simple évocation mentale de mes problèmes de ventre suffit à les relancer. Quelle plaie!
Je regarde ma montre puis autour de moi, je constate qu'à cette heure tardive tout est fermé et je ne peux qu'accepter son invitation.

 

Nous voilà à 3h du matin assis face à face, yeux dans les yeux sur son canapé.
Je ne saurais dire si le cadre intimiste de son appartement y est pour quelques choses, mais la discussion se fait plus intense.
Faut dire aussi que je me sens plus à l'aise, même si je peine à camoufler les grondements de mon ventre en y appuyant un coussin dessus.
Parce que bon, l'Amour peut bien rendre aveugle, mais je n'ai jamais entendu qu'il vous prive de l'odorat pour autant, par contre le covid19 le peut, lui.

 

Ska, enfin Théo, me propose un café, entrouve la fenêtre puis s'allume une cigarette. Je fais de même. C'est peut-être pour moi l'occasion de laisser filer un pet silencieux en toute discrétion.
Camoufler l'odeur par la fumé.
Tout cela est quand même bien dangereux - non, je ne risque pas de m'enflammer en allumant une cigarette après avoir pété - cela pourrait faire un appel d'air dans lequel s'engouffrerait une chiasse incontrôlable. Je vais plutôt tenter ma chance aux toilettes, il y a bien des façons de procéder sans que l'on puisse le soupçonner. Un petit matelas de papier toilette; faire couler un filet d'eau avec le lavabo pour camoufler le bruit des éclats, etc.

Et alors que je me décide enfin à me lever pour aller aux toilettes, Théo choisit ce moment exact pour se confier.
On dirait qu'il le fait exprès pour "me faire chier", comme s'il le sentait et voulait jouer avec moi. Aussi bien sur le plan physique, que sentimental.

Et c'est de lui-même et sans que je le lui demande, qu'il finit par évoquer succinctement sa précédente relation.
Il résume la rupture au fait qu'ils n'avaient tout simplement pas les mêmes "besoins"...mais qu'il espère sincèrement que me concernant ce sera différent.

Enfin, c'est qu'il me dit en me prenant la main pour me conduire jusqu'à sa chambre.
À cet instant, c'est comme lors d'une partie de poker il faut retenir son enthousiasme et rester de "marbre".
Ce n'est pas si facile qu'on le croit, c'est comme d'essayer de contenir ses flatulences après un cassoulet, un café et une clope.

 

Jusque là, rien ne s'est passé comme je l'avais prévu et pourtant...Tout ça est si inattendu, comme un coup langue sur l'anus. Ce n'est pas désagréable, mais c'est surprenant quand on le fait sans prévenir. Et c'est surtout un peu malaisant quand on est indisposé ou barbouillé comme je le suis aujourd'hui. En plus, je ne me suis pas lavé et ça ne semble pas déranger Théo, bien au contraire. Rien ne semble l'arrêter, il est déterminé et cela me plait, mais j'ai quand même un blocage. Il faut que ça sorte. Et je me dis que ça pourrait être pire que de devoir retenir une crise de pets, je pourrais avoir mes règles et il aurait pu me les déclencher en plein acte.
"Assis toi sur mon visage, surtout ne te retiens pas, soulage-toi" me Susurre-t-il avant de descendre en moi. Mais comment sait-il que j'ai...il est rentré dans ma tête ou quoi? Non...et puis même...je ne peux pas...je dois laisser exploser ma...Totalement désinhibée, j'ai perdu le contrôle et découvert un sens nouveau à l'expression sexuelle "faire du sale". En dessous de moi, je vois sur son visage recouvert de merde noirâtre se dessiner un grand sourire avec ses dents blanches qui contraste, apparemment ça lui plait, il semblerait que Théo soit scato.

Avec un peu de recul, j'aurais peut-être dû le voir venir. Après tout son surnom c'était quand même Ska Théo. Est-ce que je me sens soulagé ? Quelques parts, oui, ça pourrait etre pire, il aurait pu être fétichiste des pieds, et moi, je déteste mes pieds. J'en ai une honte terrible.
Vous allez trouver ça ridicule, mais, imaginons que, je ne sais pas, vous désirez "pimenter" votre relation en utilisant la nourriture, mais qu'à la place des fraises, du chocolat et de la creme chantilly votre partenaire décide de se servir d'aliments que vous avez en aversion comme des champignons, des épinards ou bien de denrhées pour lequel vous êtes allergique et bien ce serait pareil que pour moi de le faire avec des pieds. Faut croire qu'on a tous nos préférences et nos répugnances.
Le bon coté des choses, c'est qu'au moins, je n'ai plus eu a avoir peur d'aller au toilette comme il est d'usage les premiers temps d'une relation amoureuse.

mardi 11 février 2025

Fusionnelles ou la bête à deux dos

Au début c'était juste des caresses, je pensais que c'était involontaire. On était au cinéma, je ne me rappelle plus du film, ce n’était pas important, et j'avais mon bras autour de la taille de Anna quand sa soeur, Johanna m'a effleuré la main.
Pour tout vous dire, j'ai d'abord pensé que c'était elle, avant de comprendre que ce n'était pas possible, que ce ne pouvait qu’être sa soeur. Et ça m'a quelque peu troublé.
Longtemps, j'ai hésité avant d'en parler à Anna, cela peut remettre tellement de choses en question que je n'osais pas y penser jusqu'à ce que cela finisse par m'obséder.
Dans les moments, les plus anodins, cette idée venait détourner mon attention du réel. Parfois même, cela gâchait l'innocence des plus purs instants.
À tel point que ça me déconcentrait au travail ou quand je conduisais... à m'en réveiller la nuit.

J'ai remarqué que cela s'est accentué depuis qu'on a emménagé ensemble...ou du moins depuis que j'ai rejoint la collocation qu'elle a avec sa soeur.
Au début, j'ai eu du mal à trouver ma place, faut dire qu'elles ont une relation tellement fusionnelle que parfois s'en était même difficile d'avoir un moment d'intimité, sans se sentir écouter ou observer.
Alors au bout d'un certain temps, je me suis dit que peut-être l'intégrer à nos ébats serait une façon de concilier les deux.

Ça n'a pas été facile d'amener le sujet sur la table - ou plus précisément sur le lit - sans passer pour le dernier des pervers.
Un gros dégueulasse qui ne chercherait qu'à baiser deux soeurs. Fantasme un peu tabou et pourtant assez courant dans la pornographie.
La pornographie, justement, influence bien souvent la sexualité des spectateurs...mais il ne faut pas oublier que le porno s'inspire des désirs de ses consommateurs.
On pourrait se questionner légitimement sur qui a inspiré l'autre, l'oeuf vibrant ou la poule qui l'utilise ?

Et puis, j'avais tellement peur que ça fragilise notre couple...que cela brise la confiance qu'elle porte en moi.
J'ai hélas eu quelques exemples autour de moi, qui vienne contredire les bénéfices supposés du triolisme, et qui doivent me servir d'avertissement.
Quelques fois, cela peut se conclure par une expérience malheureuse. Tenter la relation de trouple, c'est prendre le risque d'exposer son couple.
Ici, peu de chance qu'elle prenne gout à la chose et qu'elle me quitte pour elle, puisqu’il s'agit de sa propre soeur. Si elle avait voulu le faire, elle l'aurait sans aucun doute fait avant.
Bon, entre nous, qui n'a jamais rêvé d'un rapport sexuel avec l'être aimé et son double en même temps? C'est deux fois plus de plaisir, quand on est amoureux!
Imaginez un peu la situation, une double pénétration ne serait plus vue comme quelques choses de sale, mais plus comme un acte de l'ordre du divin, une représentation mythologique.
Et c'est peut être parce que je suis un gros geek que tout ça me fait un peu penser à cette scène dans le film "the Watchmen", où le Dr Manhattan se multiplie physiquement pour satisfaire l'appétit sexuel du Laurie Jupiter alias le "Spectre Soyeux". C'est dingue, peu importe, le pseudo de ce personnage, ça sonne comme celui d'une actrice porno.
Bref, je m'égare...on va mettre ça sur le compte de l'excitation parce que je m'apprête à le faire pour la première fois à trois.
Je tiens à clarifier les choses avant d'aller plus loin. Quoi que vous m'ayez dit avant que je finisse de vous raconter mon histoire, je sais pertinemment que vous ne pourrez pas comprendre.
Aussi ouvert d'esprit que vous prétendez l'être, je sais pertinament que vous changerez forcément de point de vue sur ma situation et me jugerez, irrémédiablement.

Comme toutes les premières fois, les caresses, les baisers sont empreints d'une certaine maladresse.
Gardez bien à l'esprit que les choses ne se passent pas toujours exactement comme vous l'aviez imaginé dans vos fantasmes...pour ainsi dire jamais.
Mais parfois...cela peut aussi dépasser vos attentes et même vos espérances...
Toutes deux me regardent avec une lueur de provocation dans les yeux tandis qu'elles s'enlacent.
Je m'approche, et de mes doigts caresse l'entre jambes d'Anna puis les glisse dans la bouche de sa soeur, Johanna, et elles s'embrassent.
Au bout de mes doigts, sa cyprine se mélange à sa salive, ses muqueuses sont si douces que j'en confondrais presque l'intérieur de sa bouche à celui de son vagin.
Leurs nuques se contorsionnent à mesure que leurs langues s'entremêlent à la manière qu'ont les serpents en s'accouplant.
Notre plaisir semble se décupler, toutes craintes que les attentions se divisent se sont évaporées, car maintenant, ne nous ne faisons qu'un, cette créature fantastique : la bête à trois dos.

Maintenant, oseriez-vous me dire que tout ça ne vous fait pas bander ?
Oh oui, je vous voie déja venir avec vos discours culpabilisateurs et votre morale hypocrite.
Et ce serait donc moi le dépravé ? Celui qui devrait vous inspirer du dégout. Seulement parce que cela ne correspond pas à vos valeurs, vos criteres, vos gouts ?!
Alors qu'au fond, que vous vouliez l'admettre ou non, ce n'est que de l'amour. Appelez ça consanguinité si vous le souhaitez, pour moi c'est juste du polyamour.
Nous sommes trois âmes soeurs siamoises, aux deux coeurs inséparables d'un amour insoutenable.

lundi 25 novembre 2024

Taulard

Tout le monde m'a mis en garde, mais je l'ai fait quand même. Ça pourrait très bien être mon épitaphe ou une phrase stupide que je me ferais tatouer plus tard, aujourd'hui c'est celle-là que je me fais piquer : "Good life" sur les phalanges avec un palmier et un verre à cocktail dessiné sur les pouces.
J'ai pas mal hésité avec "last life", une tête et une queue de chat. Il y avait aussi  "long exil", un papillon et une chaine brisée en référence au roman d'Henri Charriere, mais ça faisait peut être trop "taulard", et donc référence à mon boulot. Ce n’était clairement pas le but, voir même tout l'inverse pour être honnête.
Oui parce que je suis surveillant à la pénitenciere, un maton comme on dit! Un métier avec une pénibilité particulière il faut l'avouer.
Non seulement vous êtes enfermés avec des individus dangereux, mais bien souvent vous avez le sentiment que ce sont eux qui vous surveillent et non l'inverse.
C'est justement pour me rappeler à mes bons moments, quand les temps sont difficile entre ses murs qu'alors je regarde mes doigts et relativise sur l'instant. Et là, je pense à mes vacances, à ses souvenirs qui me sont chers, loin d'ici, de tous ses barreaux d'acier et murs de béton. C'est un peu ma façon à moi de m'évader l'espace d'un instant.

Ca faisait un moment que je voulais me faire tatouer les doigts, aussi loin que je me souvienne, je crois que ça remonte à cette époque où je regardais des vidéos clips musicaux sur MTV allongé confortablement sur le lit de la chambre de ma grande mère.
Il y avait celui de "What's my age again" de Blink 182 qui passait en boucle à ce moment-là avec leurs batteur, Travis Barker, qui était entièrement tatoué!
À moins que ce soit les freres Madden dans le clip "boys and girls" de good charlotte.
Vous l'avez compris, j'ai eu une adolescence influencée par la musique pop punk...rien ne présageait donc une orientation professionnelle autour des métiers de la sécurité et pourtant...

C'est un milieu professionnel des plus dangereux. Basiquement, vous pouvez vous faire planter à chaque instant et si vous n'êtes pas suicidaire en rentrant vous le deviendrez surement. Cela touche aussi bien les "résidents" que les "surveillants". D'ailleurs, on est tous quelques parts résidants, puisque nous autres "matons" logeons généralement dans les quartiers jouxtant la prison. Tout ça peut rapidement devenir étouffant. Vous ressentez cette étrange sensation que les murs se resserrent autour de vous un peu plus chaque jour qui passe. Cet uniforme qui vous colle à la peau au point de vous demander si vous aussi vous n'êtes pas qu'un matricule. Voilà, pourquoi je me suis tatoué le cou et les doigts, pour me réapproprier mon corps, ma personne.
On pourrait très bien faire le parallèle avec les murs d'une cellule de prison, sur lesquels un condamné dessine, inscrits des phrases pour s'approprier l'espace.

Et donc, comme je disais au début, ma famille, mes amis et mes collègues m'avaient mis en garde, avec plus ou moins de bienveillance au sujet des conséquences que cela implique.
"Si un jour tu changes de travail ou que tu as des recrutements, ça va poser problème";
Certes, de par mon statut de fonctionnaire, j'ai une relative "sécurité" de l'emploi même si je peux me faire tuer à tout moment. Pour ma part, je ne nourrit pas d'ambition professionnelle particulière, n'étant pas carriériste et les perspectives étant assez limités, la promotion interne n'a que peu d'intérêt pour moi comme pour beaucoup de mes collègues.
À croire qu'ici, tout le monde veut s'évader.
Si au début, je m'en foutais, cela a fini par m'atteindre jusqu'à m'inquiéter.
Pourquoi me discriminerait-on sur mes tatouages plus que sur une ma taille, mon sexe, une calvitie, une dyslexie, un accent ou même une mauvaise dentition ?
Outre le fait qu'elles peuvent indiquer un éventuel problème d'hygiène, cela peut également être le cas de vice bien plus inquiétant comme la toxicomanie ou plus couramment l'alcoolisme associé au tabagisme.
Sinon, on pourrait tout aussi bien se concentrer sur les qualifications du candidat, comme sa maitrise de l'expression orale et écrite, de la pratique de langues étrangères (prenez l'anglais par exemple, qui de nos jours, s'impose comme un indispensable), mais non, on préfère s'arrêter sur des détails futiles.

J'ai un job qui me permet de payer mes factures et de voyager un peu, j'ai une femme que j'aime, qu'est ce qu'il me faut de plus ?
Peut être que j'aime vivre dangereusement ou que tout simplement, j'ai envie de faire ce que je veux, sans me soucier des conséquences, après tout, chaque jour qui passent j'ai d'innombrables exemples de personnes qui ont fait des choix de vie bien plus discutables et controversés que des tatouages sur les doigts.
Est-ce une raison valable pour me mettre moi aussi, au banc de la société comme les détenus que je surveille à longueur de journée ? Parfois, j'ai l'impression qu'on a plus de mensuétude envers les criminels que ceux qui ont la difficile tache de les garder.
Quoi qu'il en soit, je prefere etre moi même, que de rester enfermé dans les standards de cette conformité.

lundi 21 octobre 2024

Histoires de tournée

Croyez-le où non, ceci est une histoire vraie!
Et comme tout événement fantastique, le doute divise toujours ceux qui en sont témoins.
C'est d'ailleurs encore le cas aujourd’hui des protagonistes du récit que je vais maintenant vous raconter.

Mais avant de commencer, je tiens à préciser que ce que vous allez lire là est un exercice un peu nouveau pour moi.
Durant toutes ces années, j'ai pris l'habitude de distiller un peu de moi entre les lignes de mes nouvelles, par toutes petites doses, via quelques clins d’œil, traits ou détails.
Il n'y a qu'à relever la présence de ce cher Carl le Carlin qui bien souvent se balade dans mes récits comme pour lever la patte et y marquer son territoire.
C'est donc un récit autobiographique que vous lirez là, ce choix se justifie par la simple nécessité pour moi de vous livrer la vérité sur ces étranges événements sans détour et telle que je les ai perçu.
Imaginez qu'on soit assis vous et moi au coin d'un feu de camp ou alors comme des enfants sous une tente faite de draps, le visage éclairé par le bas à la seule lueur d'une lampe torche pendant que je vous raconte ceci : "A cette époque je jouais les roadies (je m'occupais surtout de distribuer des flyers, faire le merch et amuser la galerie) pour un groupe de ska-rock qui s'appelait Solyass.
Ceux qui étaient ados dans le Vaucluse et qui écoutaient du rock entre 2003 et 2008 en ont forcément entendu parler à un moment donné.
Solyass donc, qui fort de sa notoriété locale grandissante aspirait à se faire entendre dans de nouveau territoire.
Bien qu'étant sudiste, le groupe nourrissait sans complexe l'ambition de se produire dans la capitale, ce qui finit par arriver après avoir écumé les salles de concert et les magasins Cultura d'une bonne partie de l'hexagone.
C'est d’ailleurs une tournée promotionnelle de leur album "des corps et décors" qui nous amenait en région parisienne.
Pour le jeune provincial de 20 ans que j'étais et qui n'avait encore jamais mis les pieds en ile de France, ne serait-ce même qu'à Eurodisney, ce voyage à Paname était une première, pour ne pas dire une aventure.
En déplaise à certain politique victime de la fièvre démagogique bienpensante ainsi qu'à l’agglomération de la ville de Saint Denis, qui se passerait bien de toutes mauvaises publicités, sa réputation n’était déjà plus a faire!
Famille et connaissances diverses nous avaient déjà mis en garde contre les banlieues parisiennes, en particulier le 93, que tout le monde qualifiait de ghetto, de jungle urbaine ou souvent comparait la zone au jeu video GTA.
Tout cela n'est qu'à peine exagéré, en témoigne c'est 10 jours passés là-bas, dans cette no-go-zone de non-droit.

C'est après plus de 7h route en mini-van que nous sommes arrivés.
Réveil difficile pour ma part puisque assis sur la banquette trois places à l'avant, je fus attaché (il suffit de faire passer le morceau de ceinture distendu derrière l'appui-tête) par les 4 assis derrière moi, même si je soupçonne Mathieu plus que les autres d'avoir fait le coup.
Un exemple des petits jeux stupides auquel nous aimions jouer en tournée.
Et c'est donc en chahutant bruyamment (7 jeunes hommes, je vous laisse imaginer l'ambiance!) que nous avons débarqué au motel F1.
Christian que tout le monde appelle Chrid pour une raison que j'ignore qui faisait aussi office de producteur/tourneur/chauffeur/manageur et père de Arnaud le chanteur réservait les chambres, pendant qu'on déchargeait les affaires dans l'entrée.
En montant à nos chambres, au dernier étage, nous croisons dans le couloir une femme intégralement voilée avec une enfant qui sortait de la dernière porte au fond, face à la notre.
La silhouette fantomatique aussi déroutante qu'inhabituelle n'occupa nos pensées que le temps de son passage et d'une petite réflexion humoristique entre nous.
Dans notre chambre, on s'attribuait les lits ou plutôt se les disputait et une fois tout le monde installé Mathieu, le batteur, sortit une bouteille de vodka accompagnée de jus concentré de citron et de quelques bières.
La soirée pouvait enfin commencer!
Je vous en épargne sa description et vous laisse imaginer ce festival de discussions grivoises, de paris stupides aux enjeux insensés, de rires et de flatulences auquel on peut s'attendre entre jeunes adultes ivres.
Deux chambres, deux ambiances.
La notre était un véritable défouloir pour ne pas dire un dépotoir quant à l'autre c'était le dortoir de Véran, Chrid et Fred tenter de faire abstraction du vacarme que l'on occasionnait.
À intervalle régulier, l'un d'eux frappait dans le mur mitoyen pour nous signifier qu'il fallait faire moins de bruit.
La fatigue nous gagnant comme le silence depuis un moment dans la chambrée, nous commencions à nous endormir lorsque Arnaud reçut un SMS de Véran nous demandant d’arrêter de crier à la surprise générale.
Nuit trop courte ou inconfortable, car entassé à 3 dans un lit deux places comme une fratrie pauvre; les ronflements de Chrid et Véran dans la chambre d'à côté qui faisait vibrer la cloison; au matin chacun choisissez son option pour justifier de sa fatigue et de son manque de motivation.
Une tournée promotionnelle de show-case peut rapidement s'avérer ennuyante : jouer le même set de 30 minutes 2 fois le matin faire une pause déjeunée, jouer encore 3 ou 4 fois avant la fermeture du magasin, répéter les mêmes blagues entre chaque chanson à un rythme d'usine en essayant de garder ce sourire clownesque forcé et surtout faire semblant d'y trouver encore de l'amusement.
Tout ce que vous finissez par souhaiter c'est la fin de la journée pour aller vous reposer ou vous détendre avec vos potes.
À vous de choisir la bonne chambre.

Et rebelote, nouvelle bouteille de vodka, nouveaux paris encore plus stupides.
Cette fois il était question que je boive un cocktail à base de Vodka et de jus de citron dans lequel j’aurais fait tremper mon gros orteil purulent (en cause un ongle incarné mal soigné).
Véran, Chrid ou Fred à côté qui tapaient encore pour qu'on arrête notre vacarme quand soudain un bruit vient couvrir le nôtre, un cri strident et terrifiant!
TA CHATTE QUI SENT LA MERDE!!! PETITE PUTE! HAAAAA!
OUIN..OUIN..OUIN..
Dans notre chambrée un long silence demeura durant lequel on se regarda tous les uns les autres avant d'exploser d'un rire nerveux et communicatif.
OUIN OUIN OUIN TA CHATTE QUI SENT LA MERRDDDEE!!
"On dirait des cris de femme et des pleurs d'enfants ?" fit Mathieu en me regardant.
"±." lui disais je en écoutant avec attention.
HAAAAA! SALOPE!!!! TA CHATTE QUI SENT LA MERDE!!!
"On se croirait plutôt dans un film d'horreur...c'est étrange, ça se répète, toujours les mêmes phrases...tu sais on dirait les samples de film d'horreur que certains groupes de grindcore utilisent en sample au début de certains morceaux"
"Ha peut-être.." me répondit Mathieu intrigué.
PETITE PUTE! SAAAAAALLLLLLOPE!!!!
Je me rapprochais sans faire de bruit, collais prudemment mon oreille contre la porte de la femme et chuchota à Mathieu : "Non..Non c'est bizarre, c'est drôlement fort" constatais-je en étant parcouru par un frisson de terreur.
TA CHATTE QUI SENT LA MERDE!!!!
"Je pense que c'est ça, mais c'est étrange! On devrait prévenir la sécurité."
Sur la pointe des pieds nous avons longé les murs du couloir jusqu'à l'ascenseur.
En bas, nous avons demandé au responsable de l’hôtel d’aller gentiment faire son boulot tandis qu'il était en plein visionnage d'un porno ou d'un match de foot.
Ce dernier nous raccompagna à notre chambre puis tapa avec insistance à la porte de notre voisine et après quelques longues secondes elle entrouvrit sa porte.
Alors qu'il lui demandait de "baisser le volume de la TV ou de la radio" et une voix de femme répondit "je n'ai rien d'allumé".
Cette seule phrase suffit à nous glacer le sang et faire de notre pire délire paranoïaque une certitude.
Arnaud était le septique de la chambré et naturellement il lança le débat autour de nos diverses théories sur ce qui se tramait de l'autre coté du couloir.
Évidemment, les cris reprirent 1h après, retentissant jusque dans notre chambre!
En dépit de deux descentes à la réception, nous abandonnions l'idée même de la faire cesser et je vérifiais le verrou de la porte puis m'endormis d'un sommeil alerte, recroquevillé sur moi même avec les mains jointes comme pour prier.

On s'habitue à tout, les ronflements des 3 autres de la chambre voisine, les odeurs de pied, de pet froid et même la gueule de bois...
Mais on se lasse de tout également, jouer toujours les mêmes chansons, sortir les mêmes blagues, manger à Flunch, faire les mêmes chorégraphies et les mêmes commentaires du public.
Alors quand vous voyez depuis votre fenêtre une voiture bruler sur la bretelle d'entrée du périphérique forcément vous êtes un peu excité!
D'autant plus quand vous venez d'une province où ce genre d’événement ne se déroule que dans les films ou les quartiers sensibles où personne n'oserait s'y aventurer hormis pour acheter du shit.
Même les cris de la folle de la chambre d'en face finissaient par faire parti du décor, c'était devenu à force un running gag pour combler les silences de façon comique.
Le rire avait pris le pas sur la crainte, les gars lui répondaient même en passant la tête dans l’entrebâillement de la porte, mais elle continuait de m'effrayer au fond de moi.
Et je trouvais au fond de la bouteille de vodka et les jeux alcoolisés avec Mathieu la distraction parfaite à mes peurs.
D'ailleurs l'histoire de la femme voilée et son bébé n'était pas le seul mystère durant ce séjour, il y avait aussi celui du "caca sur l'oreiller".
Au cours de notre rituel festif j’avais une fois de plus perdu en refusant de boire le shot de trop et était soumis à un gage.
Lors du précédent j'avais failli tomber en pissant par la fenêtre et donc logiquement avait demandé à devoir exécuter quelque chose de moins dangereux, c'est pour quoi je devais traverser le couloir tout nu ne tapant à toutes les portes.
Finalement, une fois déshabillé et devant la porte je me débinai.
In extremis, j'avais réalisé que je risquais de tomber sur la "fatma" comme aimait l'appeler Mathieu.
C'est alors que les trois autres de la chambrée se liguèrent contre moi pour m'évincer hors de la chambre, tout nu dans le couloir.
Au bout de quelque minute, ils me rouvraient la porte et je jurais à Mathieu que je me vengerais, qu'il ne devrait pas s'étonner de se réveiller au matin avec un caca sur l'oreiller.
Le lendemain, à ma plus grande surprise, mais pas seulement, celle aussi de Arnaud, Patrick et Mathieu un gros étron de chocolat filandreux était retrouvé enfoui tout pré de la tête de ce dernier, dans son coussin.
Bien que le seul à avoir acheté au distributeur et mangé des sucreries ce soir-là était Arnaud, personne ne s'était dénoncé et le mystère restait entier.

C'est au terme de notre quatrième et avant dernier jour de tournée que Chrid en sa qualité de producteur et manageur satisfait de nos ventes et de nos prestations nous invita au restaurant.
Évidemment, cela dégénéra en bagarre de nourriture où chacun avait pris soin de saboter le plat de son voisin et nous furent contraint de quitter prématurément les lieux.
À notre retour à l’hôtel nous remarquions un taxi à l’arrêt moteur tournant devant l'entrée qui venait de déposer un couple d'Africains.
Le temps de monter une partie de nos affaires à nos chambres et de retourner récupérer le reste au van, nous croisions à notre étage 3 hommes cagoulés sortir de l'ascenseur et se précipiter vers la chambre du couple africain.
Tout se passa à une vitesse....l'homme eu à peine le temps d'ouvrir la porte qu'une pluie de coups s’abattit sur lui tandis qu'elle se faisait frapper et arracher quelque chose des mains.
Les malfrats étaient repartis avec seulement une sacoche et rien d'autre tandis que les prétendues victimes, elles redescendaient en trombe pour regagner le taxi qui les attendaient étrangement toujours à l'entrée.
Arnaud, certainement le plus bagarreur d'entre nous, aveuglé par son courage ou n'ayant compris que partiellement la situation, avait voulu s'interposer en entendant les cris de la femme, mais avait été retenu par son père, heureusement pour lui et pour nous.
Qu'est-ce qui est plus effrayant qu'une voiture qui crame, une fatma frappa dingue et un caca sur votre oreiller? Se retrouver mêlé à un deal qui tourne au règlement de compte.
C'est ce que je pensais à ce moment-là sans me douter que ce qui m'attendait durant cette nuit me ferait changer d'avis.
Ah ça non, je n'étais pas encore au bout de mes surprises.
Tous ces événements étranges ne nous empêchèrent ni de faire une nouvelle fois la fête ni de trouver le sommeil.
Sauf peut-être les cris de la fatma qui reprirent de plus belle au milieu de la nuit après une relative accalmie en début de soirée.
Cependant il y avait quelque chose de différent et de beaucoup plus inquiétant dans ses cris qu'à l'ordinaire, on pouvait percevoir une sorte de tristesse dans ceux-ci.
Depuis notre porte laissée entre-ouverte, on l'a vit traverser le couloir à la manière d'un spectre, allant d'un point à autre sans se soucier de ce qu'il y avait autour d'elle ou de notre réalité, comme si elle errait hantée par d'éternels tourments.
Mathieu pris par une furieuse envie de pisser, bien que je lui ai déconseillé d'y aller et de plutôt se soulager par la fenêtre, se leva et se dirigea dans la même direction qu'elle : les sanitaires communs.
Il s'en suivit une longue attente inquiète ou je prêtais attention au moindre bruit provenant du fond du couloir.
Soudain, Mathieu réapparut dans l'encolure de la porte avec une expression étrange.
À ce moment-là, je n'aurais su dire si c'était là un signe d'un état d'ivresse avancé ou un rire nerveux et bien lucide.
La raison en était la découverte qu'il avait faite dans les sanitaires et qu'il me sommait de venir constater à mon tour.
Évidemment je refusais en me débattant tandis qu'il me trainait par les pieds dans le couloir jusqu'à ce que je cède.
De toute façon c'était déjà trop tard pour faire demi-tour et valait mieux ne pas faire de bruit que de risquer une confrontation avec la "Fatma".
Nous nous approchions prés d'un toilette à la porte entrouverte, c'était là que Mathieu avait uriné avant d'y découvrir cet intriguant sac poubelle qu'il me désignait du doigt.
Je m'approchais pour regarder à l’intérieur.
Un frisson me parcourait alors que je la savais enfermée dans une cabine de douche à quelques mètres de nous, le bruit de ses pleurs se confondant avec celui de l'eau ruisselante.
Penché au-dessus du sac, je renonçais à défaire le nœud et déchirait le plastique.
Une odeur infâme me parvint et me fit détourner le regard.
"Alors tu vois quoi?" m'interrogea Mathieu.
Je ne trouvais pas de mot pour décrire ce que je voyais, dans la semi-obscurité des toilettes je discernais des morceaux grisâtres et un liquide épais jaune, vert s'apparentant à du pu.
Quand l'eau de la douche cessa de couler, nous nous précipitions hors de la salle de bain pour prendre l'ascenseur et gagner la réception.
Je me souviens avoir eu cette peur panique dans ma fuite, cette peur d’apercevoir du coin de l’œil la fatma sortir et m'attraper d'une main monstrueuse.
Le veilleur de nuit qui commençait à nous connaitre à force, ne prêta pas beaucoup de crédit ni d'intérêt à ce que nous lui racontions (après tout, nous n'étions pour lui que des blancs becs de province) et décida de rester confortablement assis derrière sa banque, vautré dans sa fainéantise.
Inutile de préciser que cette nuit là, je ne dormis que d'un œil, l'autre étant resté braqué sur la poignée de la porte de notre chambre fermer à double tour.
Au petit matin, je croisai une femme de chambre qui récupérait les serviettes pour la blanchisserie et lui demanda de me suivre pour lui montrer quelque chose.
Le sac-poubelle était resté au même endroit où nous l'avions trouvé la veille et lorsque je demandais à la femme de ménage de me dire ce que c'était pour elle, cette dernière le souleva, l'ouvrit puis me répondit :"on dirait de la viande".
Il n'en fallut pas plus pour confirmer les théories les plus folles que Mathieu et moi avions élaboré.
Et tandis que notre chambrée s’affairait à ranger ses affaires en vue du grand départ tout en débâtant des événements de la nuit dernière, la fatma passa une dernière fois devant notre porte, elle quittait sa chambre avec sa valise, mais sans nourrisson.

Bien des années après, cette histoire invraisemblable, sujette à l’interprétation et au témoignage de chacun, continue d'animer nos discussions et de soulever des questions et peut être les votre maintenant.

mercredi 11 septembre 2024

Paradisiaque

Mes affaires sont prêtes, billets en mains, lunettes de soleil sur le nez et mon sac sur le dos.
Un bagage cabine suffit.
Pas besoin de valise là ou je vais, j'aime voyager léger et de toute façon elles seraient pratiquement vides. 
J'espère juste ne rien oublier...Ha si, mon guide posé sur la table de chevet.
La seule chose qui me sera indispensable dans cet endroit paradisiaque!
Je suis fin prêt, le taxi m'attend en bas de l'immeuble.

La sonnerie de mon téléphone m'indique que j'ai encore un message.
C'est l'agence de voyages qui m'envoie un énième mail.
Il semble inquiet que j'annule tout au dernier moment alors que tout est payé! C'est peut-être pour me rassurer après la liquidation de Thomas Cook.
Pourtant je lui ai bien dit à mainte reprise que rien ne pourrait me faire changer d'avis!
En plus la plupart de mes proches sont partis (certains même sont déjà revenus) et ceux qui restent ici m'envient.
Voilà ce qui vous arrive quand vous prenez vos vacances hors période de congés, mais je ne vais pas me plaindre, comme dit plus haut, moi j'ai la chance de pouvoir partir, pas comme certains.
Je vois le bout du tunnel, fini la déprime! Ce matin j'ai même rasé ma barbe, c'est pour dire!
Toutes ces journées enfermés à travailler dans des sous-sols mal éclairés avec une seule idée en tête : "partir loin".
Il faut dire que j'en avais vraiment besoin.
Le farniente, un ciel azur avec toutes ces jeunes femmes célibataires qui n'attendent que moi.
Moi, c'est comme ça que je le conçois, une interprétation qui m'est propre, libre à vous d'imaginer le vôtre.

Le passage à basse altitude d'un avion de ligne me sort de ma rêverie, nous sommes tout proches de l'aéroport.
À l'arrêt du véhicule, je paie le chauffeur de taxi.
Satisfait du pourboire que je lui ai donné, celui-ci se propose de me porter mon bagage, mais je ne peux accepter.
Vous allez vous dire que je suis un peu parano comme type, mais imaginons qu'il se barre avec ma valise! Ça s’est déjà vu!
Il y a bien des faux taxis tueurs en série...vous ne pouvez faire confiance à personne, pas même aux bagagistes.
C'est pour cette raison que je voyage seulement avec un bagage à main pour ne pas qu'il aille en soute.
Déjà que je suis bien obligé de passer l'inspection des douanes.
Ils sont très suspicieux, depuis les attentats du 11 septembre 2001 et d'autant plus après l'avion disparu de la Malaysia airlines!
Avant le terrorisme moderne, les gens avaient juste peur que l'avion s'écrase au décollage ou l'atterrissage. 
D'ailleurs, c'est pour ça que certains continuent d'applaudir par tradition!

Cette seule pensée me fout une montée de stress et en passant devant la salle de prière de l'aéroport, j'hésite à m'arrêter.
Rester calme, oui, focalise-toi sur ta respiration, on inspire et on expire profondément, voilà, c'est bon.
Je m'insère dans la file pour passer la fouille de sécurité, je prends mon bac et y dépose mes effets.
Une petite vieille blanche me colle en me poussant du coude, encore une pressée de mourir, vas-y mamie à toi l'honneur, passe dans le portique, on va bien rigoler quand les secours vont débarquer pour changer tes piles.
Tout ça pour au final mettre deux heures à retirer toutes ses bagues, ses colliers et autres boucles d'oreilles. T'inquiètes pas va, on t’enterrera avec tes bijoux.
Et malgré tout sonner encore, oublier qu'elle a des broches dans la hanche et une plaque en fer dans le dos.
Aujourd’hui, je le sais si la recherche s'interroge encore si la maladie d'Alzheimer est liée à l'aluminium, elle l'est sans aucun doute possible à la vieillesse.

J'ai perdu pas mal de temps avec ces conneries et j'arrive tout juste à temps pour la fin de l'embarquement.
Derrière un comptoir une jolie hôtesse de l'air vérifie mon billet et mon passeport puis je traverse la passerelle d'embarquement vitrée où m'attend une autre de ses collègues au décolleté aussi large que son sourire.
Celle-là doit aimer s'envoyer en l'air, à n'en point douter.
Tout sourire elle m'indique où est située ma place : au-dessus de l'aile droite, tout près de la porte de secours.
Pour cette place j'ai dû payer un supplément et on me l'a attribué sous condition que je parle couramment la langue de la compagnie et que je réponde aux exigences en matières de sécurité.
Exigences qui sont autant obscures, opaques et arbitraire que possible, pour être clair c'est à la gueule du client, en fonction de la taille de sa barbe. 
Bien souvent accordé pour que le voyageur puisse y étendre ses jambes, le comfort prévôt sur la sécurité. L'argent est plus fort que tout.

Dans les hauts parleurs, la voix du commandant de bord et son message d'accueil pleins de banalités résonnent jusqu'à mes oreilles.
Je m'installe à ma place, le siège est drôlement rigide et j'appuie sur le bouton encastré dans l'accoudoir pour allonger le dossier.
La même hôtesse qui passe entre les rangs me demande fermement de redresser mon assise et de boucler ma ceinture en vue du décollage imminent et continue son chemin en plaisantant avec un Stewart.
Ces deux-là baisent ensemble ou s'apprêtent à le faire, c'est certain.
Le sida s'est probablement initialement propagé comme ça : dans des toilettes d'avion, d'aéroport en aéroport, d'hôtesse de l'air en pilote en femme au foyer en jardinier en prostitué.
Rien à voir avec une quelconque expérimentation sur un singe de laboratoire. 
La bactériologie, la viralité, c'est là, un stratagème diaboliquement efficace qui a fait ses preuves, sauf si bien sûr cet avion s'avère rempli de mormons.
Cela dit, elle pourrait tout autant vous contaminer avec ebola.
À moins que mon voisin de droite qui sue à grosse goute fiévreuse et éternue à intervalle régulier s'en charge à sa place.
La paranoïa me fait voir le mal partout, après tout le pauvre homme a peut-être simplement peur du décollage tout comme moi.

Tandis que s'en suivent les instructions de sécurité de l'hôtesse, les regards inquiets se tournent vers les hublots alertés par l'allumage des réacteurs qui fait vibrer tout le fuselage.
Le décollage est imminent, cette fois.
Je n'ai plus qu'à faire une dernière prière pour que l'avion n'ait pas de problème technique : dépressurisation soudaine, décrochage...
C'est plus souvent au moment du décollage ou l'atterrissage que cela se produit.
Nous quittons la piste au tarmac rugueux, quelques secousses et l'engin prend enfin son envol.
À peine j'essaye de fermer les yeux pour me détendre un instant que j'entends derrière moi un trou du cul d'espagnol en pleine discussion téléphonique pépère, comme si de rien était.
Je me retourne, le fusille du regard et il interrompt immédiatement son appel.
Ma parole, ils sont tous animés de leurs instincts de mort aujourd’hui?!
Faudrait pas qu'on me vole la vedette! C'est MON attentat, MON crime de masse à MOI!

Une courte sonnerie retenti suivi d'une nouvelle annonce du commandant de bord nous disant que la phase de décollage étant terminé, nous pouvons détacher nos ceintures et qu'une collation va nous être servi.
Derrière le hublot, tout parait minuscule, on se sent plus proche de Dieu et c'est ainsi qu'il doit nous observer, nous mettre à l'épreuve.
L'hôtesse passe avec un chariot en proposant un plateau-repas aux voyageurs : du pain, une motte de beurre, un verre d'eau, un poulet basquaise, un cheese-cake, une tranche de fromage et une mignonnette d'alcool.
On dirait un plateau qu'on servirait à l'hôpital, même les condamnés à mort ont un dernier repas plus festif.
Faute de mieux, je finis par tout manger, trop rapidement comme si je ne voulais pas en apprécier les saveurs et je serais bien tenté par la petite bouteille de whisky pour me donner du courage, si seulement ma religion ne l'interdisait pas.
OH MON DIEU! Quelques choses me frôlent les pieds, se faufile entre mes jambes, ne me dites pas qu'IL Y A DES SERPENTS DANS L'AVION!!!
Fausse alerte, fausse alerte, ce ne sont que des gosses qui s'amusent à ramper sous les sièges.
Maintenant ils se dirigent vers le cockpit, où le pilote les invite à s'assoir derrière le manche.
Initiative complètement folle quand on connait la triste histoire du crash de l'Airbus A310 vol 593 de la compagnie Aeroflot entre Moscou et Hong Kong.
Le pilote avait laissé ses enfants jouer dans la cabine avec les commandes et ceux-ci avaient inconsciemment désactivé le contrôle du pilotage automatique de l'avion.
Toute fois il n'y a pas que du commandant de bord qu'il faut se méfier, mais aussi du copilote. 
Celui-ci n'avait pas l'air dans son assiette quand je l'ai croisé, le regard vide, le teint blafard.
J'espère seulement qu'il n'est pas dépressif.
Imaginons une seconde qu'une pensée morbide traverse son esprit fragile et qu'ensuite il s'enferme dans la cabine comme ce fut le cas de l'A320 de la germanwings.
L'avion tomberait à l'eau et mon plan avec.

Je ne sais pas si vous réalisez ce que ça représente, ce sont des mois de préparations, de privation, d'apprentissage et de conditionnements sacrifier pour rien.
Tout ça, parceque'un putain d'arriviste aurait une pulsion suicidaire?!
Ah ça non, je ne laisserais personne me couper l'herbe sous le pied.
C'est dingue quand même, il faut toujours qu'un connard égocentrique vienne saboter les efforts collectifs!
Il ne se contente pas de gâcher la fête, pire que ça, il tire la couverture à lui, s'attribue les mérites, détourne la gloire de l'événement pour son propre profit.
Alors que moi je fais ça pour l'expiation du genre humain, la rédemption de cette société obscène et décadente pour laquelle j'accepte de devenir martyre.

Et si par malheur vous survivez à tout ça, que vous échouiez sur un sommet enneigé ou une île déserte, vous continuerez à vous entre-tuer, à vous manger les uns les autres jusqu'au dernier.
Mais rassurez-vous, aujourd'hui il n'y aura d'issue pour personne quand j'aurai ouvert la porte de secours après avoir enlevé ce fichu cache poigné blanc.
Ne vous inquiétez pas, j'ai pensé à tout, je sais que sur la plupart des appareils les portes ne peuvent pas s'ouvrir en altitude, à cause de la pression atmosphérique trop forte pour qu'elles se rabattent vers l'intérieur.
Heureusement pour nous, il y a quelques exceptions notamment sur les avions plus récents comme celui dans lequel nous voyageons qui ont un mécanisme d'ouverture vers l'extérieur.
Après quoi, la cabine sera dépressurisée, les masques à oxygène tomberont du plafond, la panique durera moins de 20 secondes pour ceux qui n'auront pas le réflexe d'en enfiler un et pour les autres le calvaire sera d'une quinzaine de minutes, le temps d'arriver au point d'impact.

Une dernière fois, il décompose son geste mentalement avant de s'exécuter, mais sa projection imaginaire se confronte à la réalité. Oui je sais cela peut paraitre étrange de faire intervenir un narrateur omniscient à ce moment du récit. N’oubliez pas qu'il s’agit là de l'histoire d'un homme qui croit entendre une voix divine le guider vers le Paradis. À partir de ce moment-là, il n'y aurait rien d'étonnant à ce qu'il y en ait une de plus. Vous ne croyez pas?

Il se lève de son siège, saisit la grosse manette rouge entre ses mains quand il se trouve soudainement pris de spasmes stomacaux.
Agenouillés par la douleur vive qui le pétrifie, les autres voyageurs autour de lui se demandent logiquement s’ils ne sont pas en train d'assister à une inquiétante scène de prière islamique.
Leurs interrogations se muent en suspicions quand notre aspirant terroriste s'enferme dans les toilettes.
S'en suivent pour lui des turbulences et grondements dans son ventre. 
Notre forcené, réalise un peu tard, qu'il s'est retranché sans papier hygiennique.
Son incomodité est telle qu'il songe à utiliser quelques pages de son Coran pour s'essuyer.
Alerté par les passagers le personnel de bord accoure jusqu'à la porte close.
Un Stewart, s'aventure à poser l'oreille contre la paroi pour écouter ce qu'il se passe a l'intérieur.
Horrifié, il entend pleurer et implorer, des bruits métalliques de tôle froissée et les détonations extraordinaires de ce qu'il n'imagine pas être des flatulences.
Ce sur quoi,L'hôtesse tape à la porte et demande si "tout se passe bien là dedans ?" d'une voix qu'elle voudrait apaisante.
Et puis d'un coup plus rien, un grand silence, les membres d'équipage et les passagers se regardent les uns, les autres, attendant que les premiers agissent.
Un cri étouffé de soulagement suivi d'un petit rire fou resonne depuis les toilettes et glace d'effroi tout l'avion.
Dans un élan d'héroïsme désespéré le Stewart ouvre la porte d'un grand coup d'épaule et tombe nez à nez avec le terroriste recroquevillé sur la cuvette quant à l'hôtesse de l'air qui suivait le mouvement, c'est dans la merde que se retrouve son nez.
Une odeur nauséabonde se repend dans les rangées de sièges, envahit l'appareil jusqu'a la cabine de pilotage.
La puanteur est telle que les passagers les plus proches des toilettes sont pris de vomissement, certains toussent, d'autres même se plaignent d'irritations oculaire.
Ce sont là, tous les symptômes dont souffriraient les victimes d'une arme bactériologique.
Le capitaine de bord et son copilote tout deux enfermés dans leurs cabines, à l'abri du miasme, demandent par message radio à effectuer un demi-tour ou un atterrissage forcé.
Ils enclenchent alors la procédure d'urgence et le font savoir par une annonce.
Les masques à oxygène tombent du plafond au grand soulagement des passagers qui pour la plupart sont en apnée partielle depuis quelques minutes.

Retrouvons maintenant notre hôtesse où nous l'avons laissé, cet à dire : dans la merde.
Littéralement couverte de matière fécale, que ce soit sur son visage (taches qui lui font une sorte de peinture camouflage), dans sa chevelure blonde et son chemisier blanc.
Assise sur ses fesses, clouées au sol par les manoeuvres de l'avion, elle tente de se relever pour empêcher le terroriste tente d'actionner l'issue de secours.
Inarrêtable, pantalon sur les jambes et départi de toute forme de dignité, il a rendez-vous avec ça destiné.
Au travers du hublot de cette porte toute blanche en plastique, il voit un ciel bleu ensoleillé, maculé de nuages blancs, paisible. 
Sans aucun doute, il y croit, c'est la porte du paradis, il ne lui reste plus qu'à l'ouvrir.
Mais quand il essaie, qu'il se saisit de la poignée, qu'il pousse et tire de toutes ses forces, rien n'y fait.
Il lance un regard circulaire mêlé d'incompréhension et de détresse que lui rendent les autres passagers.
Doit-il le prendre comme un signe du divin? 
C'est toujours humiliant de se faire refouler par son propre dieu, encore plus quand c'est devant des inconnus.
Maintenant, vers qui va-t-il se tourner alors que le tout puissant semble l'ignorer? 
Lorsque la foule en colère s'apprête à le lapider, les médias à le lyncher, sa famille le renier, ses semblables le glorifier, ses commanditaires le revendiquer.
Son plan a finalement fonctionné, pas comme il l'espérait, mais l'essentiel c'est que le résultat soit là. Lui qui souhaitait mourir en martyr.
Peut-être que le pire pour notre terroriste serait de se faire juger par la justice des hommes, lui qui ne jure que par la charia, la loi religieuse.

Et ce qui devait arriver arriva, notre aspirant djihadiste se fait agripper, trainer en arrière par une multitude de mains anonymes.
Pleuvant sur lui comme autant de coups de poing, elles l'écartèlent, se l'arrachent littéralement.
Il se débat impuissant, ainsi ligoté dans une camisole de fortune confectionné avec sa djellaba.
Étouffé par son petit livre sacré enfoncé dans la bouche jusqu'à pratiquement atteindre sa gorge, il suffoque à chaque fois qu'il avale sa salive, le papier venant se coller à son palais.
Dans la cohue, il entend vaguement parmi le flot d'insultes l'un des passagers proposer de "l'éjecter de l'avion, par-dessus bord, puisque c'est ça qu'il veut".
À un autre de répondre :"Non, nous allons le livrer à la police, mais avant cela, rien ne nous empêche de le faire souffrir un peu!"
Et pour la première fois depuis bien longtemps, depuis la dernière coupe du monde peut être, LGBTQ, juifs, handicapés, chrétiens, africains, asiatiques bref quasiment toutes les communautés mettent de coté leurs victimisations revendicatives.

L'avion atterrit, mais reste sur le tarmac sans qu'une passerelle télescopique ou un escalier mobile viennent à son encontre.
Depuis les hublots de l'avion, les passagers observent et s'interrogent.
Certains commencent à s'impatienter, pressent le personnel de bords de déclencher les toboggans de secours.
Finalement, une unité spéciale de la police est dépêchée, fusil d'assaut et combinaison NRBC.
Il est demandé aux voyageurs de rester à leurs places et de ne pas tenter de quitter l'appareil pendant l'intervention des forces de l'ordre.
L'opération de police tourne court quand ils découvrent notre islamiste malchanceux saucissonné dans ses propres vêtements et en larmes avec son livre saint en guise de bâillon.

La suite vous la connaissez, les journalistes se pressent pour la moindre déclaration, les politiques s'empressent de faire de la récupération et les avocats à l'éthique douteuse se battent pour le défendre.
Évidemment lorsqu’il est interrogé en présence de ce dernier : il ne sait rien ou ne se rappele pas bien. 
Au contraire, si vous l'écoutez, c'est lui la vraie victime de cette triste histoire, victime du racisme et de l'islamophobie ambiante post attentats, mais aussi de la société et dans ce cas bien précis de l'hystérie collective des autres passagers de l'avion.
Le fameux argumentaire du "c'est pas moi, c'est les autres!"
Amnésique ou déséquilibré? Ce sera aux experts sinon aux juges et aux jurés de la cour d'assises de statuer.
Parce que l'impertinence et l'impudence dans un tribunal français sont bien souvent de connivence et les lois en faveur de la délinquance, c'est tout naturellement qu'ils axent sa défense comme étant une série d'incidents inopportuns voir mal interprétés.
Contre toute vraisemblance et en dépit du bon sens comme ce fut le cas tout au long de l'audience, il explique à la cour qu'il a simplement voulu ouvrir la porte de secours pour aérer la mauvaise odeur qu'il avait lui même causé.
Et malgré toutes les incohérences de son récit, coup de théâtre et de maître, il écope d'un verdict sans sentence puisqu’il est acquitté.
Sur les conseils de son avocat, il décide même de poursuivre la compagnie aérienne pour le préjudice et finit par obtenir gain de cause.
Un joli pactole avec lequel il aura loisir de s'acheter ce qu'il souhaite depuis le début : une île paradisiaque et 72 vierges voilées. 

Le tableau est presque parfait, mais peut être trop justement. 
Alors qu'il est avec son harem, rassemblé autour de lui, le couvrant d'attentions diverses, de baisers et de caresses, il ne peut s'empecher de s'autoflageller.
Pour la première fois, il est en proie au doute, tourmenté, obsédé par de nouvelles questions existentielles : "S’il copule avec elles, elles ne seront plus vierges? 
L'exciteront-elles toujours après ça? Où deviendront-elles impures? Est-il vrai qu'au paradis elles redeviennent systématiquement vierges?"
Lui revient alors une phrase vue dans une émission de télé-réalité au nom plus qu'à propos "l'île de la tentation" qui finit de l'autopersuader.
Bien qu'il soit passablement convaincu par toutes les excuses qu'il s'est inventé, il est quoi qu'il en soit trop tenté pour résister plus longtemps.
Il essaie de lover sa tête dans le corsage généreux de certaines, parfois entre leurs jambes, mais se fait repousser à chaque fois par un gloussement juvénile.
En cercle au-dessus de notre nabab, elles se jouent de lui.

Au bout de plusieurs fois, agacé, il utilise la force, contraint à l'acte l'une d'entre elles qui finit par le laisser soulever son jilbab, sa soutane islamique.
Et lorsqu’il enfouit sa tête sous le tissu opaque et épais, il n'en croit pas ses yeux.
Paniqué, il tente de se dépêtrer du piège dans lequel il s'est fourré.
Quand il revient enfin à l'air libre il fait face à ses 72 verges qui l'entourent avec leurs pénis turgescents, pointant et menaçant comme autant de poings vengeurs prêts à en découdre.
Toujours à genoux, en contre plongée, sa vision se déforme.
Les silhouettes féminines se transforment jusqu'à devenir plus imposantes, leurs visages sont également dissimulés, mais cette fois par des cagoules.
C'est les membres du groupe d'intervention de la police qui agitent leurs matraques phalliquement devant sa tête.

Ce rêve qui tourne au cauchemar, véritable cruauté divine, n'est ce pas la pire des sentences?
Mais comme je vous le disais, il y a d'abord la justice des hommes, et c'est cela qui l'a conduit en détention provisoire, en attente de son jugement dernier.
Là haut, à 10 000 pieds, dans l'avion il était littéralement aux portes de secours du paradis et maintenant il a atterri dans ce qui s'apparenterait à la douane des enfers.
Une sorte de purgatoire pour expier les âmes souillées, mais pas trop, celles des aspirants terroristes et autres meurtriers qui n'ont pas réussirent leurs coups.
C'est donc là, dans cette geôle tout comfort (télévision avec ps4, réchaud à gaz, couchette simple, narguilé et aussi un poster de Mia Khalifa toute nue mais voilée) qu'il se réveille en sueur avec d'abord un sentiment d'effroi puis de réconfort.
Transpirant, mais bien vivant, il se sent presque béni.
Quand la porte de sa cellule se déverrouille puis s'entrouvre, il réalise que c'est l'heure de la douche et s'en réjouit. Il s'imagine qu'il va pouvoir laver son âme de ses pêchés.
Le gardien l'escorte jusqu'à l'entrée de la salle d'eau sous les regards amusés des autres détenus.
À l'intérieur de cette grande salle carrelée et remplie d'une épaisse buée, il se déshabille puis commence à se rincer.
Recherchant à tâtons la savonnette égarée, il sent la présence inquiétante d'autres prisonniers.
Et soudain apparait à travers le nuage de vapeur d'énormes phallus noir et veineux prêts lui faire regretter d'avoir échoué, ici-bas.